Les super-subs de la F1: Mika Salo, le lieutenant du lieutenant
Dans une saison 2020 marquée par l’épidémie de COVID-19, il est un pilote qui a fait sensation sans avoir de volant de titulaire. En effet, Nico Hülkenberg a réussi à terminer deux courses dans les points sur deux départs, alors qu’il ne devait pas courir de la saison. Il n’est cependant pas le premier pilote dans ce cas, et nous allons revenir ce mois-ci sur ces « super-subs ». Sans volant pour la saison comme Hülkenberg, ou propulsés du jour au lendemain dans une écurie de pointe, ils ont pour point commun d’avoir réalisé des performances extraordinaires. La série se termine sur Mika Salo, auteur de deux intérims en 1999 dont un remarqué chez Ferrari.
Mika Salo n’a pas vraiment le cœur à la fête en ce début de saison 1999. Alors qu’il était confirmé chez Arrows, il a été débarqué une semaine seulement avant le premier Grand Prix de la saison en Australie. Tom Walkinshaw a décidé de le remplacer par le Japonais Tora Takagi, transfuge de Tyrrell. Il faut dire que ce dernier amène avec lui pas mal d’argent, ce dont Arrows a désespérément besoin et ce qui lui fera cruellement défaut plus tard (l’affaire T-Minus). Le Finlandais décide alors de prendre des vacances mais laisse son numéro dans le paddock, au cas où on aurait besoin de lui…
Lors de la seconde manche de la saison au Brésil, Ricardo Zonta se sort violemment de la piste lors des essais libres. Blessé au pied, il doit déclarer forfait et BAR doit trouver un remplaçant en toute hâte pour le remplacer. C’est ainsi que Craig Pollock décide d’appeler Salo pour prendre le second baquet de la nouvelle écurie sponsorisée par British American Tobacco. Au-delà de ses qualités de pilote, son amitié avec Jacques Villeneuve est un atout non négligeable.
Il court ainsi trois Grands Prix, à Saint-Marin, Monaco et en Espagne. La manche italienne est cependant assez compliquée en qualifications : 19ème sur la grille, il concède deux secondes pleines à Villeneuve qui est lui cinquième. Il parvient cependant à signer le meilleur résultat de la saison de BAR avec une septième place obtenue malgré une casse moteur. Il devance les deux Minardi qui n’ont pourtant connu aucun problème mécanique ! Dans le mur à Monaco, il termine huitième en Espagne après la disqualification de Barrichello. L’ambiance est cependant morose chez Bar : Villeneuve était longtemps troisième, et a abandonné alors qu’il était encore dans le top 5…
Zonta est lui rétabli pour le Grand Prix du Canada, et Salo rend donc ce baquet dont il n’a pas pu complètement exploiter le potentiel. La BAR est une voiture assurément rapide, mais aussi véloce que peu fiable : Villeneuve ne finit jamais ses courses ! Le Finlandais est donc de nouveau sur la touche, mais un événement va lui offrir une chance totalement inespérée…
Grand Prix de Grande-Bretagne 1999, premier tour de course. En bataille avec Häkkinen pour la tête du championnat du monde, Michael Schumacher est victime d’un terrible accident dans le premier tour. Alors que deux voitures ont calé sur la grille, il est en chasse des deux McLaren lorsque ses freins lâchent subitement. Il part ainsi tout droit à Stowe et pulvérise sa Ferrari dans le mur de pneus. Il est évacué dans une ambulance et le bilan est d’une double fracture tibia-péroné à la jambe droite. Si ses jours ne sont pas en danger, ses espoirs de titre viennent de partir en fumée.
Ferrari doit donc lui trouver un remplaçant d’autant plus qu’Irvine est toujours dans la course au titre après sa deuxième place derrière Coulthard. Il n’est qu’à huit points d’Häkkinen, et voit se présenter la chance de sa vie. Après trois ans et demi dans l’ombre de Schumacher, il va enfin pouvoir montrer de quoi il est capable au-delà de sa victoire en Australie. Il faut donc un numéro deux… qui ne va pas tout de suite croire à cette offre mirobolante.
Le lendemain de l’accident, Salo reçoit un appel de son manager qui lui demande de prendre le premier avion pour Bologne. La raison ? Ferrari veut faire de lui son numéro 2 pour remplacer Schumacher toujours convalescent. Il arrive ainsi à Maranello où après confection de sa combinaison et de son baquet, il prend le volant de la F399 pour la première fois. L’émotion du Finlandais est palpable, tant et si bien qu’il ne peut s’empêcher d’éclater de rire en démarrant le V10 Ferrari. Il tient enfin là l’occasion de démontrer qui est le vrai Mika, comme il aime le dire avec humour dans le paddock.
Il est cependant un autre pilote qui mange son pain noir devant une telle décision. Luca Badoer n’a pas pu faire valoir son statut de troisième pilote pour récupérer ce baquet qui lui aurait tant fait de bien. Le pilote italien est mortifié : pourquoi se donner tant de peine à développer une voiture qu’on offre à un autre sans même le consulter au préalable. Au lieu de cela, il doit continuer à faire de la figuration en fond de grille au volant d’une Minardi comme toujours incapable de jouer ne serait-ce que les points à la régulière
Mika Salo arrive donc en Autriche avec un objectif clair : seconder Eddie Irvine dans sa lutte pour le titre mondial. Qualifié septième, il est cependant victime d’un accrochage en début de course qui le renvoie en fond de peloton et ne lui permet pas de faire mieux que neuvième. Irvine gagne devant Coulthard et Häkkinen et revient à deux points de ce dernier.
En Allemagne cependant, Salo part pour la course de sa vie. Qualifié quatrième devant Irvine, il prend un superbe départ et se maintient en seconde position derrière Häkkinen. Derrière lui, Coulthard casse son aileron sur la Ferrari du Scandinave et dégringole au classement. La débandade est totale chez McLaren : Häkkinen abandonne peu après, et dans le 25ème tour Salo est en tête de la course ! Mais comme le fut Irvine avant lui, il n’est que numéro 2 et se voit contraint de laisser passer le Nord-Irlandais pour le championnat. Il assure ainsi un superbe doublé pour Ferrari mais vient de laisser passer sa seule chance de gagner un GP. Beau prince, Irvine lui laisse toutefois le trophée du vainqueur… mais Salo ne l’échange pas contre celui du second !
Le Finlandais reste ainsi six courses au total chez Ferrari mais vit des courses assez compliquées. En Hongrie, il ne se qualifie que 18ème pour terminer seulement 12ème alors qu’Irvine arrache le podium derrière les McLaren. En Belgique, il bouchonne Ralf Schumacher pour permettre à son coéquipier de prendre le large. Huitième à l’arrivée, la Scuderia Ferrari reçoit les critiques acerbes de Williams qui estime inacceptables de telles tactiques de course. Il sauve l’honneur des Rouges en Italie avec un podium et un deuxième tour en tête, avant de connaître une course anonyme en Europe, loin du chaos ambiant en tête de la course.
Ce Grand Prix d’Europe est son dernier pour Ferrari. Michael Schumacher est enfin remis sur pied pour les deux dernières manches de la saison, et écœure la concurrence en collant une seconde à tout le monde en qualifications en Malaisie ! Pas de doute, le Kaiser est de retour et va jouer les équipiers modèles pour la seule fois de sa carrière. Il offre la victoire à Irvine qui se retrouve ainsi avec quatre points d’avance sur Häkkinen. Hélas pour le Nord-Irlandais, le Finlandais de McLaren est impérial à Suzuka et s’impose pour aller chercher son deuxième titre mondial. Ferrari remporte malgré tout le titre constructeurs pour la première fois depuis 1983.
Salo lui trouve un baquet chez Sauber pour la saison 2000, mais ne marque que six points et aspire à piloter dans une meilleure écurie. Hélas pour lui, Barrichello est le wingman rêvé chez Ferrari, et il prend donc une année sabbatique où il mène le développement du projet Toyota F1. Titulaire pour la saison 2002 avec Allan McNish, il ne ramène que deux petits points, et termine même derrière la Minardi de Mark Webber en Australie ! Il y ramène malgré tout un point : il faut remonter à 1997 et Prost pour voir une nouvelle écurie marquer des points pour sa première course !
Évincé de Toyota fin 2002, il met un terme à sa carrière en F1 et se reconvertit dans un premier temps en Endurance. Il court ainsi à Sebring et au Mans avec une Audi R8, et court en CART à la fin de l’année, avec un podium à la clé. Non retenu outre-Atlantique, il revient en GT quelques années plus tard avec succès, avec notamment deux victoires de classe au Mans et une victoire aux 24 Heures de Bathurst en 2014. On le voit aujourd’hui officier au poste de commissaire de course sur certains Grands Prix.
Les opportunités se présentent au moment où l’on s’y attend le moins, et Salo voit une saison blanche devenir la chance d’une vie. Débarqué comme un malpropre pour un pilote payant, il a plus que pris sa revanche avec neuf courses disputées dont six pour la prestigieuse Scuderia Ferrari. Nul doute que son destin aurait été bien différent s’il était resté chez Arrows à se débattre en queue de peloton. Avec deux podiums, il est partie intégrante du titre constructeurs de Ferrari en 1999, et son Grand Prix d’Allemagne est resté dans les mémoires : nul doute qu’il aurait pu le gagner… Luca Badoer doit encore en avoir des regrets, surtout vu le cadeau empoisonné (à découvrir ici) dont il a hérité dix ans plus tard.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.