SÉRIE | Les porteurs d’eau : Valtteri Bottas, à en faire regretter Nico Rosberg aux fans ?
Après cinq ans de bons et loyaux services, Valtteri Bottas va quitter Mercedes à la fin de cette saison 2021 pour rejoindre Alfa Romeo. Il garde hélas cette image de l’éternel second, d’un pilote incapable d’aller se confronter à Lewis Hamilton sur toute une saison et ce malgré un talent indéniable. Il n’est cependant pas le seul pilote à avoir endossé ce costume peu envié. Comme lui, d’autres ont joué les porteurs d’eau, plus ou moins selon leur bon gré. Clap de fin donc sur Bottas, qui pendant cinq ans aura été le loyal valet d’un Lewis Hamilton imbattable…
Le 2 décembre 2016, un coup de tonnerre s’abat sur le paddock de la Formule 1. Tout juste sacré champion du monde pour la première fois de sa carrière, Nico Rosberg annonce mettre un terme à sa carrière. Après 11 saisons dans la discipline et une fois la consécration ultime atteinte, l’Allemand n’a plus la force ni l’envie de continuer davantage. Il exprime son besoin de repos et de se consacrer à sa famille, qu’il a quelque peu sacrifiée dans ses rêves de titre mondial. C’est donc un baquet de premier plan qui se libère… ou un véritable cadeau empoisonné ? Car l’heureux élu va devoir cohabiter avec l’un des meilleurs pilotes de l’histoire…
Et c’est donc le Finlandais Valtteri Bottas qui hérite de ce baquet pour la saison 2017. Le champion 2011 de GP3 en est déjà à quatre saisons disputées en F1, toutes chez Williams. Si son premier exercice complet en 2013 s’est soldé avec seulement quelques points aux Etats-Unis, les saisons 2014 et 2015 furent bien plus fructueuses. Il signe ainsi 6 podiums rien qu’en 2014, mais subit peu à peu la chute des performances des monoplaces de Didcot. Autant dire que cette nomination tombe à point nommé pour lui… mais il va avoir fort à faire pour briller. Et tout le monde s’accorde à dire qu’Hamilton devrait le dominer sans trop forcer.
Toutefois, sa première saison se passe comme espéré par l’état-major de Mercedes. Il réalise des performances conformes à ce qui est attendu de lui : il est régulièrement sur le podium (13 fois, comme Hamilton et Vettel) et domine largement Kimi Räikkönen pour assurer le titre constructeurs. Mieux : il n’échoue qu’à 12 points de Sebastian Vettel qui a connu un terrible trou d’air lors de la tournée asiatique et y a perdu toutes ses chances de titre.
Cette saison 2017 lui permet également de goûter aux joies de la victoire à trois reprises : en Russie (piste qui lui sied bien), en Autriche et à Abu Dhabi (où il réalise le hat-trick), une fois le titre joué. Mieux, il ne se qualifie et ne termine jamais en dehors du top 6, et n’abandonne qu’une seule fois en Espagne, sur problème moteur. Autant dire que Mercedes a misé sur le bon cheval : elle tient là un pilote rapide, fiable et performant incapable de faire de l’ombre au roi Hamilton qui a eu piste claire une fois Vettel dans les limbes. Un roi si dominateur qu’il lui a laissé la troisième place du Grand Prix de Hongrie après une tentative de remontée infructueuse.
2018 s’avère cependant être une saison autrement plus compliquée pour le Finlandais. Son rôle de second pilote se confirme de plus en plus, car il est tout simplement incapable de concurrencer Hamilton de près ou de loin. Ses performances sont clairement moins bonnes que l’année précédente, avec aucune victoire. A Bakou, il roule sur un débris et crève alors qu’il était en tête, mais l’histoire est différente en Russie.
Poleman et devant Hamilton, Bottas se retrouve leader virtuel aux alentours du 25ème tour, puisque seul reste devant lui Max Verstappen qui doit encore s’arrêter. Mais soudain, le stand Mercedes lui ordonne de s’effacer devant Hamilton dans la course au titre. Ainsi naît le fameux « Valterri, it’s James » qui va devenir un meme et le symbole de la soumission de Bottas à Mercedes. Le Finlandais obéit et laisse gagner son coéquipier, laissant passer là sa seule vraie chance de remporter une course cette année. Il y perd sept points, et termine cinquième du championnat deux points derrière Verstappen, et quatre derrière Räikkönen ! Comme quoi…
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Mais cette saison compliquée l’a mis sous le feu des critiques, qui ne supportent pas l’idée de revivre une hégémonie à l’image de Ferrari avec Schumacher et Barrichello. Beaucoup sont ceux qui réclament son départ et son remplacement pour 2019 par Esteban Ocon, laissé sur la touche par l’arrivée de Lance Stroll chez Force India. Il est malgré tout conservé et s’impose en Australie après avoir mené de bout en bout, ne laissant que deux tours à Verstappen. Ravi de ce succès, il lâche à sa radio le fameux « To whom it may concern, f*** you » (Aux principaux concernés, allez vous faire voir). Mais cela montre un peu le paradoxe Bottas : tantôt excellent pilote et rebelle, tantôt effacé et en retrait. Et cela s’accentuera lors des saisons suivantes…
Il signe un début de saison 2019 tonitruant, tant et si bien qu’il se voit mener le championnat après sa victoire en Azerbaïdjan. Tout le monde se dit que Bottas va enfin mener la vie dure à Hamilton… mais ce ne fut que poudre aux yeux. Une fois l’orage passé, le quintuple champion du monde reprend sa marche en avant sans être inquiété le moins du monde. Les Ferrari et Verstappen sont un ton en-dessous, et Bottas continue de faire le bon second pilote, incapable de rivaliser sur toute une saison.
Il est malgré tout reconduit juste avant le Grand Prix de Belgique pour 2020, après deux courses compliquées en Allemagne où il finit dans le mur et en Hongrie où il ne termine que huitième. Sa saison se termine avec deux victoires au Japon (où il lance après sa victoire à la radio « James, it’s Valtteri ») et aux Etats-Unis, et il termine vice-champion du monde… à 87 points d’Hamilton. Cela reste plus glorieux que les 135 points de retard de Verstappen, ou des 317 unités (!!!) de retard de Sainz, sixième et premier pilote d’une écurie hors top 3 !
2020 commence comme 2019, avec une victoire en Autriche dans une saison marquée par la pandémie de Covid-19. Ainsi les premières courses n’ont lieu qu’en juillet, et Bottas se retrouve avec 13 points d’avance sur Hamilton avec ce succès. L’Anglais a été pénalisé pour avoir mis Albon dans le décor une seconde fois après le Brésil l’an dernier… Mais ce ne sera qu’un feu de paille. Si la saison est dans l’ensemble plus excitante d’apparence, Hamilton pulvérise la concurrence à laquelle il ne laisse que quelques miettes. Bottas termine vice-champion du monde… mais à 124 points d’Hamilton, soit presque cinq victoires !
Et le Grand Prix de Sakhir a salement terni sa réputation. Hamilton se voit testé positif au Covid-19 et doit déclarer forfait pour le week-end. Il est donc remplacé par George Russell, qui se voit enfin donner une chance de briller avec une voiture performante. Et les qualifications donnent l’avantage au jeune Anglais : il est certes battu, mais de seulement 26 millièmes de seconde !
Au départ, Bottas est laissé sur place, patine et voit Leclerc, Verstappen et Pérez remonter sur lui. Cependant, il est le seul des quatre à passer le troisième virage sans encombre, second derrière Russell tandis que seul Pérez survit à l’accrochage qui suit, en repartant bon dernier. Mais le Finlandais est un sage second derrière un Russell déchaîné et bien déterminé à gagner son premier Grand Prix. Hélas, Mercedes se fourvoie dans ses arrêts aux stands sous voiture de sécurité dans le 62ème tour et lance Russell avec des gommes pour Bottas, tandis que ce dernier garde les pneus qu’il avait ! Et l’Anglais se retrouve cinquième après son deuxième arrêt pour mettre les bons pneus…
Au restart, Bottas se fait dépasser hardiment par Russell qui profite cependant de pneus plus frais. Remonté second, ce dernier est cependant victime d’une crevaison lente qui le rejette en fond de classement, alors que le Finlandais perd plusieurs places avec des pneus à l’agonie. Si Bottas termine huitième devant Russell, ce dernier est le grand gagnant du jour : seule la malchance l’a empêché de triompher. Et cette démonstration de force pousse davantage Bottas vers la sortie, bien qu’il soit engagé pour 2021…
La saison 2021 de Valtteri Bottas a ainsi plus des allures de montagnes russes qu’autre chose, avec des performances en dents de scie et des courses plus que compliquées. Troisième à Bahreïn derrière Verstappen et Hamilton, les seuls prétendants au titre, il signe une course totalement insipide à Imola, indigne d’un pilote Mercedes. Qualifié huitième, il perd deux places au départ et se retrouve bloqué neuvième… devant Russell dans sa Williams ! L’Anglais tente même de le dépasser dans le 31ème tour mais se rate et envoie les deux voitures dans le décor. Certains diront qu’il s’agit d’un travail d’équipe, car le drapeau rouge qui suit sauve Hamilton qui venait de partir à la faute. Il repart septième en ayant juste perdu quelques places et non un tour, et sauve la seconde marche du podium. Comme quoi la voiture ne fait pas tout, mais elle peut rendre les choses bien plus faciles.
Il se fait remarquer en Espagne lorsqu’il refuse de s’effacer devant Hamilton qui pourtant remonte sur lui après un nouvel arrêt. Un peu paradoxal quand on sait que sans cet arrêt il serait derrière… Il est toutefois malchanceux à Monaco : largement devant Hamilton tout le week-end, il est contraint à l’abandon lors de son premier arrêt : sa roue avant-gauche reste bloquée sur le moyeu ! Il faudra 43 heures aux hommes de Brackley pour la retirer… A Bakou, il est totalement inexistant : 10ème en qualifications et sacrifié pour Hamilton, il termine 12ème… derrière les Alfa Romeo ! Les Mercedes étaient peu performantes, mais son coéquipier aurait pu l’emporter sans une mauvaise manipulation au départ. Avec l’abandon de Verstappen sur crevaison, c’est la première fois depuis le Japon 2013 qu’on ne retrouve ni Hamilton, ni Bottas, ni Verstappen dans les points ! En même temps Verstappen était encore en karting et Bottas au volant d’une Williams catastrophique…
It’s race week 🇦🇿🏁#VB77 #F1 #Baku #AzerbaijanGP @MercedesAMGF1 @F1 pic.twitter.com/aUnykQygqT
— Valtteri Bottas (@ValtteriBottas) May 31, 2021
Mais des tensions apparaissent également car le Finlandais supporte de moins en moins d’être le second couteau d’Hamilton. Ainsi en France, il ne termine que quatrième car Mercedes a refusé de le mettre sur une stratégie différente, lui qui voulait faire deux arrêts comme Verstappen qui s’est imposé. Il laisse ainsi éclater sa frustration à la radio : « Why the f**k did nobody listen to me when I said it was a two-stopper ? » (Pourquoi personne ne m’écoute quand je dis qu’il faut faire deux arrêts ?). Certains y voient le signe que Russell va partir chez Mercedes… S’il enchaîne ensuite trois podiums, il montre une fois de plus qu’il est paradoxal dans sa démarche en Angleterre, alors qu’Hamilton a mis Verstappen au tapis et qu’il remonte comme un boulet de canon. Bottas se laisse sagement passer au lieu de résister comme en Espagne et joue les toutous bien dociles…
Cependant, il effectue un travail d’équipe remarquable en Hongrie… enfin dans le sens ironique du terme. Histoire d’énerver davantage les fans de Max Verstappen qui pestent contre la bonne étoile d’Hamilton, le Finlandais rate totalement son départ sur une piste humide. Il se loupe au freinage, percute Norris et envoie sa Mercedes et la McLaren dans les Red Bull ! Pérez doit abandonner, alors que Verstappen repart avec une voiture fortement endommagée… Et sans le mauvais coup stratégique du restart, Hamilton aurait triomphé une fois de plus. Il termine deuxième malgré tout derrière Ocon, grâce à la disqualification de Vettel qui n’a pu fournir le litre d’essence réglementaire après la course. Retenez bien ceci : mettre trois voitures au tapis au départ (5 places de pénalité sur la grille) est moins grave que de ne pas pouvoir donner un litre d’essence suite à un problème technique (disqualification). La FIA et sa cohérence parfois douteuse…
Troisième aux Pays-Bas, il fait encore des siennes en prenant le meilleur tour en course à Hamilton en fin de course. L’Anglais se retrouve contraint à un nouvel arrêt pour chausser des gommes fraîches et récupérer son dû. Il faut attendre l’Italie pour revoir Bottas briller… et ce après qu’il ait été viré de chez Mercedes pour 2022, remplacé par George Russell ! Parti bon dernier malgré sa victoire en course Sprint, il profite à la perfection des faits de course et de la performance de sa voiture pour terminer quatrième sur la piste. Ce résultat devient une troisième place après la pénalité infligée à Sergio Pérez, et il devient un meme après sa réaction à l’accrochage Hamilton/Verstappen où il montre une indifférence presque amusée.
✍️ @GeorgeRussell63 will race for the Team alongside @LewisHamilton from the 2022 F1 season! pic.twitter.com/pcyOqlSxdi
— Mercedes-AMG PETRONAS F1 Team (@MercedesAMGF1) September 7, 2021
Il reste malgré tout sur un excellent Grand Prix de Turquie, qu’il a mené de bout en bout sans jamais être inquiété. Un énorme contraste avec sa course de l’année précédente, où il avait passé le plus clair de son temps en tête-à-queue à se ridiculiser… Mais il est retombé dans ses travers à Austin : parti neuvième après pénalité, il a eu le plus grand mal à se défaire de Tsunoda en début de course. Il n’a fini que sixième, après avoir bataillé avec Sainz en fin de course. Reste désormais à voir comment il finira la saison, d’autant plus qu’il sera chez Alfa Romeo l’an prochain à la place de Kimi Räikkönen. Certes, il ne jouera plus aux avant-postes, mais il aura les coudées franches et ne sera pas soumis à une quelconque pression.
Lewis Hamilton encensait beaucoup Valtteri Bottas, et si ses compliments ne sont pas dénués de sincérité, il va sans dire que l’inoffensivité du Finlandais y a son rôle. Jamais en cinq ans il n’a pu rivaliser avec la légende britannique, qui en a profité pour asseoir son monopole sur la discipline et effacer les records un à un. Pendant ce temps, Valtteri s’est contenté de suivre son leader et d’assurer les titres constructeurs. Pilote rapide et fiable, il s’est hélas heurté à un mur que peu ont pu escalader avant lui et n’a juste rien pu faire d’autre que subir. Comme Rubens Barrichello, il s’est retrouvé dans une prison dorée à ne pouvoir prendre ce que son écurie lui autorisait. Mais les deux hommes pouvaient gagner de temps à autre quand ils en avaient la chance… Et comme le Brésilien, il y a peu de chances de revoir le Finlandais à l’avant d’une course ou même d’une grille de départ sauf circonstances exceptionnelles. Mais rien n’est écrit dans le marbre et tout peut arriver…
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.