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Les coups de Schumacher : Monaco 2006, un coup de la panne suspect à la Rascasse

Le récent accident entre Lewis Hamilton et Max Verstappen a provoqué tout un déluge de critiques sur les réseaux sociaux. Certains n’ont même pas hésité à qualifier ce Grand Prix de « victoire à la Schumacher ». C’est pour nous l’occasion de revenir sur divers faits de courses montrant le septuple champion du monde allemand sous un angle peu glorieux, bien moins que ce fait de course ayant impliqué les deux prétendants au titre 2021. Clap de fin avec le Grand Prix de Monaco 2006 et une panne plus que soumise à questions…

On peut le dire sans mal, 2005 fut la fin d’une ère pour la Scuderia Ferrari et Michael Schumacher. Alors que la paire restait sur cinq saisons de domination, le changement de règlementation et l’interdiction de changer de pneus ont fortement affecté les performances de la F2005. Ainsi, cette dernière ne fut réellement performante qu’à Imola, et a obtenu sa seule victoire à Indianapolis dans les circonstances que l’on sait… C’est ainsi que Fernando Alonso et Renault ont pris le pouvoir et succéder aux Rouges.

Mais suite à de nombreux accidents et problèmes de pneumatiques, il est décidé de réintroduire les changements de pneus et ce dès la saison 2006. Bridgestone est le grand gagnant dans l’opération, le manufacturier japonais étant le plus durement impacté par ce changement de règlementation ayant pour seul but de briser la domination Ferrari… Renault et Alonso restent les grands favoris à leur propre succession, tandis que McLaren et Ferrari se posent en rivaux principaux.

Mais le début de saison démontre rapidement que le titre se jouera entre Alonso et Schumacher. Les deux hommes semblent rapidement intouchables, mais l’Espagnol semble voler lors de ces premières courses. Après six Grands Prix, il compte 54 points sur 60 possibles, avec trois victoires et trois deuxièmes places ! Schumacher compte déjà 15 points de retard malgré deux victoires, tandis que Räikkönen est à 27 points, mais compte plus sur sa régularité que sur la performance de sa décevante McLaren MP4-22…

Schumacher sait qu’il doit réagir, et ce dès Monaco, septième manche du championnat. C’est cependant une course qu’il n’a plus gagné depuis 2001 ! C’est ainsi le seul Grand Prix qui lui a échappé en 2004 après 13 courses suite à un accident dans le tunnel avec Montoya sous voiture de sécurité… Mais le Kaiser est plus que jamais déterminé à reprendre sa couronne. Rapide en essais, il l’est également en qualifications bien que Räikkönen signe le meilleur temps de la Q1 et de la Q2. Il est cependant crédité du tour le plus rapide de la Q3 en 1’13’’898. C’est alors que tout se gâte…

La Ferrari 248 F1 du septuple champion du monde s’arrête à la Rascasse, semblant frappée d’une panne. Au même moment, Alonso est dans un tour rapide et en avance sur le chrono de l’Allemand. Mais gêné par la monoplace italienne, il passe lui aussi sous les 1’14 mais échoue à un dixième de la pole. On exulte chez Ferrari, mais cette joie est de courte durée.

Tout, absolument tout porte à croire que cette perte de contrôle est purement volontaire et bien réfléchie. Le pilote allemand a en effet freiné bien plus fort que dans ses autres tours avant de perdre le contrôle de sa voiture à… 16 km/h ! Pire, il ne coupe son moteur et relâche ses freins qu’au passage d’Alonso : les commissaires ne peuvent pas déplacer une voiture dont le moteur tourne encore… Personne ne mord à l’hameçon et l’Allemand se fait détruire par ses adversaires et la presse tout entière. Il ne faut pas oublier qu’il est en plus président du GPDA (l’association des pilotes) à ce moment précis !

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Mark Webber lui compare la tricherie de Schumacher au geste de Mike Tyson envers Evander Holyfield en 1997. L’ancienne star de la boxe avait alors arraché un bout d’oreille à son adversaire du soir… Et alors que Jackie Stewart démonte la théorie de l’erreur involontaire, les commissaires sont unanimes et annulent tous les temps de qualification de l’Allemand. Le voici donc dernier sur la grille… derrière son coéquipier ! La bérézina est totale chez Ferrari, puisque Massa part en effet 21ème après avoir tapé le mur en qualifications. Du paradis à l’enfer, il n’y a parfois qu’un pas…

Bien évidemment, les Rouges hurlent au scandale et à la manœuvre politique pour favoriser Alonso, déjà large leader au championnat. On sait Todt capable de bien des choses pour parvenir à ses fins, et il est d’autant plus mal placé quand on sait quelle sanction aurait dû recevoir Schumacher. Pour pareille tricherie, il n’aurait pas dû partir dernier, mais être exclu du week-end de course entier !

Mais personne n’en démord, pilote comme écurie et l’Allemand reste de marbre face aux journalistes. Ces derniers essaient bien de le déstabiliser, notamment l’un d’entre eux travaillant pour Speed Sport News. Lorsqu’il demande au septuple champion du monde s’il a triché, celui-ci le renvoie balader sans précautions : « Non. Et je ne sais pas pourquoi vous posez une si mauvaise question. Je la trouve très dure, je dois dire. Si vous pilotiez ici, à Monaco, vous ne poseriez probablement pas cette question. » Schumacher passerait presque pour le Hitman de la Formule 1 : froid et sans scrupules, prêt à tout pour devenir champion du monde, même à des manœuvres illicites.

Le voici donc au départ de ce Grand Prix de Monaco, 22ème et bon dernier sur la grille sans avoir publiquement admis sa faute. Seuls les commissaires ont eu droit à ses aveux de tricherie, tandis qu’il est désormais condamné à l’exploit alors qu’Alonso a un boulevard devant lui. L’Espagnol domine toute la course comme attendu et s’impose devant Montoya et Coulthard, qui signe le premier podium de Red Bull en F1. Pour l’occasion, Christian Horner se jette dans une piscine uniquement vêtu d’une cape de Superman : un pari est un pari…

Schumacher lui termine cinquième après une superbe remontée et n’échoue qu’à un peu plus d’une seconde du podium, bloqué derrière Coulthard et Barrichello en fin de course. Mais si au championnat l’Espagnol continue de creuser l’écart avec désormais 21 points d’avance, personne ne digère encore la manœuvre de l’Allemand. Personne ne parvient à lui faire avouer qu’il a triché.

Et les conséquences iront bien plus loin que ce Grand Prix de Monaco. A Silverstone, lors de la réunion du GPDA, tout le monde s’attend à ce que l’Allemand se remette en question et admette sa faute. Las, il n’en est rien, au point qu’Alonso et Räikkönen partent avant la fin et que Villeneuve et de la Rosa démissionnent du GPDA, eux qui avaient ouvertement demandé la démission du septuple champion du monde… En 2010, lors de son retour en F1 avec Mercedes, Schumacher est ramené à la Rascasse et assailli de questions par les journalistes. Une fois de plus, il les revoie balader et les accuse même d’avoir sali sa réputation ! Une manœuvre ô combien osée une fois de plus…

Dans le documentaire The Race to Perfection réalisé par la Sky en 2020, Felipe Massa raconte le briefing d’avant les qualifications de ce fameux Grand Prix de Monaco. On y apprend que Ross Brawn aurait pour plaisanter proposé de provoquer un drapeau jaune si jamais le second train de pneus n’était pas assez rapide. Sauf que Schumacher l’a réellement provoqué et qu’il a mis un an à l’avouer au Brésilien.

De son côté, Brawn évoque un « court-circuit » comme il arrivait parfois à Schumacher en parlant de cette manœuvre. Lui-même la trouve stupide après coup car il savait que Schumacher pouvait gagner même en partant second. Mais le septuple champion du monde avait une fois de plus cédé à ses démons et délibérément triché plutôt que de sagement laisser Alonso prendre la pole… Mal lui en a pris.

Avec cette tricherie jamais publiquement avouée, Michael Schumacher a une fois de plus sombré dans le paradoxe et provoqué l’ire de ses détracteurs. Une fois de plus, son côté Mister Hyde a pris le dessus et l’a plongé dans un embarras médiatique qui ne l’a jamais atteint. Immense champion sans égal et pilote d’exception pour certains, tricheur et mauvais perdant pour d’autres, il reste un pilote qui ne laisse personne indifférent. S’il reste le premier septuple champion du monde de l’histoire, il laisse avec lui de nombreuses parts d’ombre qui viennent entacher sa légende. Et ce ne sont pas ses coéquipiers qui prouveront le contraire…

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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