Les coups de Schumacher : Grande-Bretagne 1998, l’histoire du stop-and-go fantôme
Le récent accident entre Lewis Hamilton et Max Verstappen a provoqué tout un déluge de critiques sur les réseaux sociaux. La guerre fut farouche entre partisans du Britannique et du Hollandais, notamment sur Twitter. Certains n’ont même pas hésité à qualifier ce Grand Prix de « victoire à la Schumacher ». Le Britannique a en effet bénéficié de circonstances de course favorables ainsi que de la prétendue mansuétude de la direction de course pour triompher. C’est pour nous l’occasion de revenir sur divers faits de courses montrant le septuple champion du monde allemand sous un angle peu glorieux, bien moins que ce fait de course ayant impliqué les deux prétendants au titre 2021. Place aujourd’hui au Grand Prix de Grande-Bretagne 1998 et à une pénalité de fin de course contournée de main de maître…
Après le final scandaleux de la saison 1997, Michael Schumacher est malgré tout présent chez Ferrari pour l’édition 1998 du championnat du monde de Formule 1. Il était tout simplement inconcevable de poursuivre sans la superstar de la discipline, et ce malgré ses errements l’amenant à des manœuvres du domaine de l’anti-sportif. Toutefois, son rival n’est plus le même que l’année précédente.
McLaren a confirmé sa montée en puissance de l’année 1997, et l’arrivée d’Adrian Newey chez les Flèches d’Argent a provoqué un bond en avant sans précédent. Les MP4-13 sont ainsi les machines à battre et seule la Ferrari F300 semble être en mesure de lui mener la vie dure. Williams est victime d’une récession terrible. La FW20 est mal née, et n’est motorisée que par un V10 Renault 1997 rebadgé… Villeneuve et Frentzen en sont réduits à signer des podiums opportunistes.
Mika Häkkinen s’envole rapidement en tête du championnat du monde et seul Schumacher parvient à opposer un peu de résistance. Alors qu’il avait réalisé une superbe campagne 1997, David Coulthard est incapable de suivre le Finlandais et se retrouve peu à peu relégué au rang de second pilote. Chez Ferrari, Eddie Irvine s’est depuis longtemps fait une raison et continue malgré tout de progresser dans l’ombre du Kaiser…
Le début de saison confirme le statut des forces en présence. Häkkinen remporte quatre des six premières courses de la saison, ne laissant que l’Argentine à Schumacher et Saint-Marin à Coulthard. Après Monaco, le Finlandais compte ainsi 17 points d’avance sur l’Ecossais et 22 sur l’Allemand ! Mais ce dernier, visiblement équipé de gommes Goodyear revigorées, part à l’assaut de la forteresse d’argent pour refaire son retard et se replacer dans la course au titre.
Le pilote Ferrari sort vainqueur de la confusion canadienne et s’impose également en France, revenant à six points de son rival de chez McLaren. Ce dernier a connu une panne de boîte à Montréal et n’a pu faire mieux que troisième à Magny-Cours. Ce Grand Prix de France voit également les Rouges réaliser leur premier doublé… depuis le Grand Prix d’Espagne 1990 ! Prost avait alors gagné devant Mansell pour revenir à neuf points de Senna pour le titre. Tout le monde connaît la suite…
C’est ainsi que la Formule 1 arrive à Silverstone pour la neuvième manche de la saison, et reste à voir qui de Schumacher ou d’Häkkinen saura tirer les marrons du feu. Comme d’habitude, tout se jouera le dimanche avec avantage à McLaren, puisque le Finlandais prend la pole devant l’Allemand. Ces deux-là sont vraiment seuls au monde… Toutefois, les conditions de course se révèlent piégeuses à souhait : la piste alterne entre le sec et le détrempé, et tout le monde choisit de partir en intermédiaires sauf les Stewart qui tentent un coup de poker.
Les surprises ne se trouvent pas dans le top 3 mais juste derrière : Alesi a réalisé un départ canon avec sa modeste Sauber pour prendre la quatrième place ! Ralf Schumacher a lui fait encore mieux et pointe en 14ème position à la fin du premier tour, après avoir gagné sept places ! Le pari des Stewart tombe lui à l’eau : Barrichello et Verstappen se battent contre les Minardi…
Les McLaren semblent cependant être les machines à battre ce dimanche, puisque Coulthard prend la seconde place à Schumacher dans le cinquième tour. Le pilote allemand ne s’inquiète pas outre-mesure et laisse les Flèches d’Argent prendre leurs aises. Il attend son heure en misant sur une intensification de la pluie dans les tours à suivre. Son pari est payant puisque les conditions se détériorent au fil des boucles mais il ne peut suivre les McLaren et doit se contenter de la troisième position. Derrière lui, Irvine remonte dans le classement après un départ raté qui l’a vu pointer dixième à la fin du premier tour. Le voici cinquième après 12 boucles, à la poursuite d’Alesi.
La première salve d’arrêts aux stands intervient, et les pilotes McLaren optent pour deux stratégies différentes. Häkkinen fait le choix de la sécurité au vu des conditions et prend un train de gommes pluie. Coulthard tente lui un coup de poker et passe un autre jeu de pneus intermédiaires, la piste n’étant pas encore noyée sous les eaux. Et alors qu’Irvine double Alesi dans les stands, l’Ecossais revient peu à peu sur le Finlandais tandis que Schumacher guette la moindre erreur, à distance respectable cependant.
Il faut attendre le 38ème tour pour voir un nouveau rebondissement. Alors solide second, Coulthard perd le contrôle de sa McLaren vers Abbey en voulant prendre un tour à Takagi. Sa McLaren termine sa course dans les graviers, où elle s’enlise et contraint son pilote à l’abandon. Les Ferrari sont désormais toutes deux sur le podium, derrière Häkkinen qui se fait lui aussi une énorme chaleur quelques tours plus tard. Dans le 42ème tour, sa MP4-13 part en toupie juste après Bridge. Plus chanceux que Coulthard, il fait un 360°, traverse les graviers, se retrouve dans le sens de la marche avec de l’élan et revient sur la piste à Luffield. Il a ainsi perdu 10 secondes dans l’opération mais reste toujours en tête. Il a cependant endommagé son aileron avant dans l’aventure…
Hélas pour lui, la voiture de sécurité entre en piste dans le 45ème au vu du grand nombre de sorties de route dues aux conditions dantesques. Voici son avance de 38 secondes sur Michael Schumacher réduite à peau de chagrin… Une situation d’autant plus compliquée que le Kaiser est absolument redoutable dans ces conditions. Et ce qui devait arriver arriva : Häkkinen cède sous la pression avec sa McLaren blessée et part à la faute entre Maggots et Becketts, laissant le commandement à un Schumacher roi en terre ennemie. Le voici qui s’envole vers la victoire…
Mais dans le 59ème et avant-dernier tour, coup de théâtre ! Schumacher est sanctionné d’un stop-and-go de 10 secondes pour avoir dépassé Fisichella avant la ligne de départ lors de la rentrée de la voiture de sécurité. Or que faire ? Il a beau avoir 23 secondes d’avance sur Häkkinen, un arrêt dans ce tour lui coûterait la victoire… Chez TF1, Pierre Van Vliet avance que ce stop-and-go deviendrait une pénalité de temps de 10 secondes rajoutée au temps final, vu qu’il a été donné dans les quatre derniers tours. Même son de cloche pour Martin Brundle sur ITV, qui ne comprend cependant pas le pourquoi du comment d’une telle sanction…
Mais c’est alors que Ferrari et Schumacher décident de jouer avec les limites du règlement. A la surprise générale, il rentre aux stands dans le 60ème tour pour effectuer sa pénalité… en franchissant la ligne d’arrivée dans les stands ! Tout le monde est perdu et ne sait pas ce qu’il va en être après la course : mention spéciale à Jacques Laffite qui attribue la victoire à Häkkinen, oubliant que Schumacher avait déjà franchi la ligne…
L’ambiance est plus que tendue sur le podium. Chez McLaren, on hurle à la tricherie et l’on demande bien évidemment une lourde sanction à l’encontre de Ferrari. Häkkinen reste ainsi de marbre sur le podium, là où Schumacher et Irvine se congratulent mutuellement. Chez les Rouges, on masque tant bien que mal ce tour de passe-passe, en avançant naïvement que le délai laissé par la pénalité était trop court pour procéder autrement… Et l’écurie italienne réussit un superbe hold-up : la réclamation de McLaren étant rejetée, Schumacher assure son troisième succès consécutif et revient à seulement deux points d’Häkkinen. L’Allemand ne reçoit finalement aucune pénalité pour l’incident avec Fisichella…
Cette victoire de Schumacher reste parmi les plus bizarres de sa carrière. Impérial une fois en tête, le Kaiser a dû s’en remettre à son équipe pour triompher malgré une pénalité donnée bien trop tard pour être correctement effectuée. Mais cela ne lui suffit pas pour remporter le titre 1998 : justice se fait involontairement en Belgique lorsque Coulthard se rate en voulant laisser passer le pilote Ferrari… Schumacher abandonne finalement ses espoirs de titre sur crevaison à Suzuka, après être parti en fond de grille. Poleman, il a été trahi par sa Ferrari lors de la seconde mise en grille et n’a jamais pu menacer un Häkkinen triomphal.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.