La sécurité en F1 : commissaires de piste, les héros de l’ombre
L’accident de Romain Grosjean lors du Grand Prix de Bahreïn 2020 a démontré une fois de plus l’importance des mesures de sécurité en Formule 1. Sans toutes les diverses mesures prises depuis des années, jamais le pilote français n’aurait survécu à un tel choc. C’est pourquoi ce mois-ci nous allons revenir sur divers aspects de la sécurité en Formule 1, ainsi que sur certaines personnalités qui ont fait avancer les choses. Après avoir présenté divers dispositifs conçus pour protéger les pilotes, focus cette semaine sur les commissaires de piste.
Tenue orange, casque sur la tête et chasubles blanches frappés du logo de la F1, tel est l’attirail vestimentaire actuel des commissaires de piste. Présents depuis les débuts de la discipline en 1950, ils sont trop souvent oubliés mais sont obligatoires à la tenue d’un Grand Prix. Majoritairement bénévoles, ils ont chacun une fonction spécifique (signaler un danger, intervenir en cas d’accident), et assurent la sécurité des pilotes ainsi que le bon déroulement de la course.
Très peu de commissaires de piste ont vu leur nom rentrer dans l’histoire de la discipline, et quand ce fut le cas, rarement pour une intervention courageuse. Un exemple date du Grand Prix du Canada 1977, lorsque James Hunt alors en tête est victime d’une mésentente avec son coéquipier Jochen Mass. Les deux McLaren s’accrochent et Hunt reste sur le carreau. Furieux, il répond par un coup de poing à un commissaire lui demandant de quitter les lieux, avant de s’excuser immédiatement, conscient de la bêtise de son geste. Filmé par une caméra de télévision, il sera réprimandé avec une amende de 2750 $. Un autre nom célèbre est celui de Frederik Jansen Van Vuuren, mais nous y reviendrons…
Quoi qu’il en soit, les commissaires de piste ont comme cité précédemment chacun un rôle précis sur la piste. Dans l’ensemble, ils ont tous plusieurs buts communs.
- Informer les pilotes, que ce soit d’un incident, de la présence d’un retardataire…
- Intervenir sur un accident : éteindre un incendie, dégager une voiture accidentée, nettoyer les débris…
La sécurité des pilotes et le bon déroulement d’une course dépend en grande partie de leur efficacité. À titre personnel, chaque commissaire occupe l’une des places suivantes.
- Le chef de poste dirige une équipe de commissaires et coordonne les diverses actions à entreprendre, comme en cas d’accident par exemple.
- Les commissaires préposés au feu, qui sont chargés d’éteindre les incendies.
- Les commissaires « signaleurs », qui sont ceux qui agitent les drapeaux pour prévenir les pilotes.
En Formule 1, il y a pas moins de 10 drapeaux différents, tous ayant leur signification propre. Si certains sont connus de tous, d’autres eux ne sont que très rarement utilisés.
- Le drapeau à damier : emblème intemporel des sports mécaniques, il marque la fin d’une course ou d’une séance d’essais. Dans le cas des essais, un pilote étant dans un tour lancé au moment où ce drapeau est brandi peut malgré tout finir son tour.
- Le drapeau jaune : il indique un danger immédiat, tel qu’un accident ou une voiture à l’arrêt. Sa variante est le double drapeau jaune, qui prévient d’un danger plus important (voiture en plein milieu de la piste, débris importants…). Il peut également accompagner le panneau « SC », qui prévient de l’entrée de la safety car en piste.
- Le drapeau vert : il est brandi pour annoncer la reprise de la course après un drapeau jaune et l’élimination de tout danger potentiel.
- Le drapeau rouge : il est utilisé en cas d’accident grave impliquant un danger pour la sécurité des pilotes en course. En essais, il est utilisé plus fréquemment afin de permettre aux commissaires d’intervenir en toute sécurité.
- Le drapeau bleu : un drapeau que les pilotes n’aiment généralement pas trop, car il leur signale qu’ils vont prendre un tour par un pilote plus rapide et qu’ils doivent donc le laisser passer au plus vite.
- Le drapeau noir et blanc : sorte de carton jaune de la Formule 1, il est actuellement utilisé en course pour avertir les pilotes qui jouent un peu trop avec les limites de la piste.
- Le drapeau à rond orange sur fond noir : les commissaires l’utilisent pour signaler à un pilote qu’il a un problème mécanique et qu’il doit immédiatement rentrer aux stands pour réparer (aileron qui se détache, crevaison lente…).
- Le drapeau noir : heureusement rarement brandi, il signifie à un pilote sa disqualification de la course, pour conduite dangereuse et/ou illicite.
- Le drapeau blanc : très rarement utilisé, il est agité pour avertir de la présence d’un véhicule lent en piste (ambulance…). Il ne faut pas le confondre avec le drapeau blanc aux USA, qui annonce lui le dernier tour de course.
Ainsi, les commissaires de piste sont tous des bénévoles volontaires et chacun officie sur son Grand Prix national. Evidemment, tous sont formés afin de pouvoir intervenir le plus rapidement et le plus efficacement possible. La formation la plus exigeante est à mettre au crédit du Grand Prix de Monaco, rendue obligatoire par le tracé atypique de cette épreuve. En effet, le moindre accident peut rapidement boucher la piste et provoquer des carambolages monstrueux (comme en GP2 en 2013). Ainsi, il faut avoir entre 21 et 30 ans, mesurer au moins 1,65 m et habiter près de Monaco. La formation est une succession de quatre ateliers répartis sur deux jours.
- L’atelier « Feu » où les stagiaires sont formés à circonscrire un incendie sur une monoplace par les pompiers de Monaco
- L’atelier « Intervention » qui consiste à nettoyer les débris ainsi qu’à enlever une voiture de la piste
- L’atelier « Signalisation » où sont simulés tous les faits de course possibles et imaginables
- L’atelier « Gazelle » spécifique à Monaco, qui consiste en un parcours physique à réaliser en moins d’1 min 45 sous peine d’être éliminé
Toutefois, malgré ce genre de formations, les commissaires sont parfois pointés du doigt. Lors du Grand Prix d’Emilie-Romagne à Imola cette saison, il s’est avéré qu’il restait des commissaires sur la piste alors que les pilotes retardataires se dédoublaient. Ces derniers ont ainsi frôlé plusieurs commissaires, presque à pleine vitesse dans le cas de Stroll. Plusieurs pilotes dont Sebastian Vettel avaient fustigé leur position, conscients du danger qu’ils encouraient. A Bahreïn, c’est Lando Norris qui a manqué de peu de percuter un commissaire qui traversait la piste pour intervenir sur la voiture de Pérez. Cela fait plusieurs années que certains pilotes militent en faveur d’une équipe de commissaires professionnels, qui suivraient les écuries etc. sur les circuits au lieu de confier cette tâche à des commissaires locaux.
Il faut aussi rappeler que ce métier est tout aussi dangereux que celui des pilotes, et qu’il arrive que certains d’entre eux y laissent leur vie. Trois commissaires ont ainsi trouvé la mort depuis l’an 2000.
- Paolo Gislimberti : ce jeune pompier de 30 ans est percuté par une roue perdue lors d’un énorme carambolage au départ. Pas moins de sept pilotes y sont impliqués, et s’ils sont tous indemnes, ce n’est pas le cas de Paolo qui succombe à ses blessures. Vainqueur pour la 41ème fois en F1 et égalant Senna, Michael Schumacher fond en larmes lors de la conférence de presse d’après-course avec ces deux événements
- Graham Beveridge : ce commissaire de 52 ans officiait lors du Grand Prix d’Australie 2001, où ont débuté deux jeunes pilotes prometteurs du nom de Fernando Alonso et de Kimi Räikkönen. Dans le quatrième tour de course, Montoya et Villeneuve s’accrochent, et l’une des roues de la BAR du Québécois percute l’infortuné Graham à la tête. Comme Gislimberti, il ne survit hélas pas à ses blessures.
- Mark Robinson : ce commissaire de 38 ans est hélas le premier à décéder depuis Beveridge lors d’un Grand Prix de F1. Lors du Grand Prix du Canada 2013, il aide à dégager la Sauber d’Esteban Gutiérrez lorsqu’il tombe sa radio. Malheureusement, il glisse en tentant de la rattraper et se fait écraser par la grue qui transportait la monoplace du Mexicain. Il est à ce jour le dernier commissaire à avoir trouvé la mort en F1.
A minima aussi exposés que les pilotes en cas d’accidents, mais toujours présents sur le moindre fait de course pour éviter que la situation empire, les commissaires de pistes sont les héros de l’ombre sans lesquels la Formule 1 n’existerait pas. Ce sont ainsi des centaines, voire des milliers d’anonymes qui du bord de la piste veillent au bon déroulement des Grands Prix tout en vivant leur passion au plus près de l’action. S’il a pu arriver que certains commissaires soient impliqués dans des accidents graves, force est de constater que sans eux il ne peut pas y avoir de Grand Prix. Reste désormais à voir s’ils resteront bénévoles ou s’ils deviendront une équipe professionnelle qui officiera sur tous les Grands Prix.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.