La sécurité en F1 : le Halo, de décrié à adoubé
L’accident de Romain Grosjean lors du Grand Prix de Bahreïn 2020 a démontré une fois de plus l’importance des mesures de sécurité en Formule 1. Sans toutes les diverses mesures prises depuis des années, jamais le pilote français n’aurait survécu à un tel choc. C’est pourquoi ce mois-ci nous allons revenir sur divers aspects de la sécurité en Formule 1, ainsi que sur certaines personnalités qui ont fait avancer les choses. Retour cette semaine sur le Halo, tant décrié lors de sa mise en service en 2018.
Comme nous l’avons vu, la tête du pilote est la partie la plus exposée aux blessures en tout genre. Le casque s’est ainsi rapidement imposé comme une évidence, puis le HANS a suivi le même chemin dans les années 2000. Il reste que les monoplaces sont par essence des voitures avec un cockpit ouvert. Cela implique donc que les pilotes sont exposés aux projectiles de tout genre (pièces de voiture allant de débris de carbone à des roues, faune locale).
Cliff Allison fut la première victime d’un accident mortel en Formule 1 suite à un choc à la tête. Nous sommes alors au Grand Prix de Belgique 1960, et ce week-end restera parmi les plus noirs de la discipline. Stirling Moss et Mike Taylor ont tous deux été victimes de graves accidents en essais, et Taylor ne retouchera plus un volant par la suite ou presque. Gravement blessé après avoir percuté un arbre, il attaque Lotus en justice et gagne son procès, tout en ayant suivi une longue convalescence pour retrouver l’usage de ses jambes.
Mais le pire est alors à venir et la sixième place va s’avérer maudite. Dans le 19ème tour, c’est l’Anglais Chris Bristow qui sort à Burnenville et finit décapité dans une clôture. Six tours plus tard, Allison récupère cette sixième place après l’abandon de Mairesse, mais soudain sa Lotus 18 part en travers à Burnenville (encore…), escalade un talus et s’embrase. Le pilote anglais, connu pour courir avec des voitures adaptées à son handicap (il est amputé d’une jambe) meurt de ses blessures peu après. L’explication de l’accident pourrait se résumer à « être au mauvais endroit, au mauvais moment » : il a percuté un oiseau à près de 200 km/h. Des plumes retrouvées sur ses lunettes et son casque, ainsi que des témoignages de spectateurs confirmeront cette théorie.
D’autres pilotes comme Tom Pryce (dont nous reparlerons) ou Ayrton Senna ont perdu la vie après avoir pris des projectiles (extincteur pour le Gallois, triangle de suspension pour le Brésilien) dans leur casque. Mais le sujet revient sur la table en 2009 suite à deux accidents survenus à moins d’une semaine d’intervalle.
- Le 19 juillet se déroule à Brands Hatch le Grand Prix de Grande-Bretagne en Formule 2. Lors de la deuxième course, Jack Clarke part en tête-à-queue et percute le mur. Sa roue arrière-droite revient en piste et percute de plein fouet le casque d’Henry Surtees, fils du champion du monde 1964 John Surtees. Sorti inconscient de sa voiture, le jeune espoir anglais décède de ses blessures le lendemain alors qu’il avait signé la veille son premier podium dans la discipline.
- Le 25 juillet se déroulent les qualifications du Grand Prix de Hongrie en Formule 1. Massa se qualifie tranquillement pour la Q3 lorsque dans le virage 4, sa Ferrari part tout droit et s’encastre dans le mur de pneus à près de 200 km/h, moteur hurlant. Un ressort de suspension de la Brawn de Barrichello, pesant 1kg, a percuté son casque de plein fouet et lui a fait perdre connaissance. Gravement blessé au visage, il doit déclarer forfait pour le reste de la saison mais revient à partir de la saison 2010.
C’est ainsi que la FIA commence réellement à chercher des solutions pour protéger les pilotes d’accidents de la sorte. Toutefois, les accidents continuent de se produire et pressent l’adoption d’un dispositif pour protéger les pilotes. En juillet 2012, Maria De Villota est victime d’un grave accident en essais privés avec Marussia. Sa voiture devient soudainement incontrôlable et s’encastre dans un camion de l’écurie. Gravement blessée à la tête, elle perd un œil ainsi que les sens du goût et de l’odorat avant de décéder un an et demi plus tard.
Lors du Grand Prix du Japon 2014, Jules Bianchi perd le contrôle de sa Marussia dans la courbe Dunlop, là où Adrian Sutil est sorti lui aussi un tour plus tôt. Passager de sa voiture, le Français percute de plein fouet la grue qui évacue la monoplace de Sutil et sombre immédiatement dans un profond coma. Il a en effet subi une décélération de 256G et souffre de blessures très graves au cerveau. Après neuf mois de combat, il meurt à l’hôpital de Nice le 17 juillet 2015.
Un mois plus tard, c’est l’ancien pilote F1 Justin Wilson qui est à son tour victime d’un accident de la sorte. Exilé en IndyCar, le pilote anglais prend un débris de la voiture de Sage Karam dans le casque lors des 500 Miles de Pocono. Karam venait d’être victime d’un gros accident, et le nez de sa monoplace est venur percuter Wilson. Sorti inconscient de sa voiture, il décède à l’hôpital le lendemain de ses blessures. C’est à ce moment que les premières solutions émergent enfin au niveau de la FIA, avec le fameux Halo alors proposé par Mercedes.
A ce moment-là, il s’agit d’une armature en acier, mais qui a déjà la forme qu’on lui connaît aujourd’hui. Qui plus est, elle a résisté à un choc avec un pneu de 20 kg, propulsé dessus à 225 km/h. Elle est donc présentée aux pilotes l’année suivante, et un second modèle apparaît un peu plus tard dans la saison (en Autriche), cette fois en titane. Les pilotes Ferrari l’étrennent en premier lors des essais de présaison 2016 et jugent la visibilité acceptable, car nombre de points sont repris par les détracteurs du Halo.
- Ce problème de visibilité, notamment sur les pistes avec de forts dénivelés (Autriche mais surtout Belgique). Nico Rosberg déterminera rapidement le contraire dès 2016 à Spa. Le second modèle réduit ce problème en étant plus fin, mais aussi plus léger et plus résistant.
- L’extraction des pilotes, qui est jugée plus difficile avec cette structure autour de leur tête. La FIA soutient que les tests menés n’ont rien montré qui aille dans ce sens
- Le design des monoplaces, qui s’en retrouve altéré. Pour certains, le Halo est une véritable hérésie et va à l’encontre même du sport (alors que le tube central ne doit pas être plus large que le montant du rétroviseur de l’Eifelland de 1972…). Il faut dire que le look du dispositif fait penser à celui d’une tong…
- Si le Halo protège de gros projectiles, qu’en est-il pour des débris comme un ressort de suspension ? Beaucoup jugent qu’un tel dispositif n’aurait rien changé au cas Massa en Hongrie en 2009…
Nombreux sont ceux à monter au créneau contre ce système, notamment Romain Grosjean dans l’Equipe : « Nous n’avons besoin de rien. Je suis contre le Halo, le Bouclier, ou quoi que ce soit. Ce n’est pas de la F1. Quand j’ai testé le Halo, j’ai détesté ça. Ça me rendait malade. » Oh Romain, si tu savais… En effet, l’entrée en vigueur du Halo est reportée pour permettre l’apparition d’alternatives. Red Bull apporte ainsi son Aeroscreen qui se présente comme une sorte de pare-brise plus élégant que le Halo. Non retenu par la FIA, il a cependant été adopté en IndyCar et n’a reçu que des éloges de la part des pilotes comme Pagenaud ou Dixon. Le Shield fut aussi testé, mais non retenu également. Sebastian Vettel l’a ainsi essayé en essais à Silverstone en 2017… sans boucler un tour tant le dispositif le rendait malade.
Le Halo est donc rendu obligatoire en 2018 au grand désarroi de beaucoup, qui se plaignent de la laideur du dispositif. Il est toutefois intégré tant bien que mal aux monoplaces en prenant les couleurs des écuries ainsi qu’en tant que surface disponible pour des sponsors. I Il fait la première preuve de son efficacité au Grand Prix de Belgique 2018. Au départ, Nico Hülkenberg se rate à la Source et percute Alonso qui décolle et s’écrase sur le Halo de Leclerc. Beaucoup s’accordent à dire que le Halo a évité au Monégasque à minima de graves blessures.
Malgré tout, le dispositif ne convainc pas encore tout le monde loin s’en faut mais reste obligatoire. Il faut ainsi attendre le Grand Prix de Bahreïn 2020 pour qu’enfin son utilité soit démontrée une bonne fois pour toutes. Dans le troisième virage, Romain Grosjean s’accroche avec Daniil Kvyat et percute le rail de face à plus de 220 km/h. Sous la violence du choc, la Haas se coupe en deux et s’embrase, tandis que la partie avant du cockpit a traversé le rail qui a cédé sous la violence du choc. Miraculeusement, le Français s’en sort juste avec des brûlures… et adoube le Halo le soir même, ainsi que l’intégralité des fans de la discipline.
En effet, il apparaît rapidement que le dispositif a sauvé le pilote Haas. Il a en effet « ouvert la voie » en percutant le rail en premier et en l’ouvrant pour permettre à la coque de passer. Sans Halo, le casque de Romain aurait percuté le rail en premier, et au vu de l’accident il y a fort à parier qu’il aurait été décapité ou brûlé vif. Un miracle que l’on doit à la FIA qui a « anticipé » ce genre d’accidents, bien qu’ils aient en réalité réagi aux accidents de Surtees, Massa…
Le Halo est un peu ce vilain petit canard enfin devenu cygne. Décrié de toutes parts et fustigé par nombre de pilotes et d’écuries, il est désormais adoubé de tout le monde suite à l’accident de Romain. Il est quand même triste de voir qu’il aura fallu un tel accident pour qu’ils soient tous deux respectés et appréciés à leur juste valeur. Quoi qu’il en soit, le Halo fait désormais partie intégrante de la Formule 1, et nul doute qu’il évoluera au fil du temps… pour peut-être donner des monoplaces fermées dans quelques années comme ce qui a été fait en Endurance.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.