Dans les yeux de Pierre : Brésil 2008, is that Glock ?!
Être journaliste F1 implique presque toujours d’être passionné et de suivre le sport depuis un certain nombre d’années. Pour ma part, je regarde la discipline depuis 2004, aussi loin que je me rappelle, alors que je n’avais que 5 ans. Cette époque, il me reste des flashs, des moments précis gravés en ma mémoire. Bien que ces courses n’aient pas toujours eu une signification particulière ou un retentissement immense, lors de cette série spéciale, nous allons les revivre ensemble.
Au cours d’une carrière de pilote de F1, il y a toujours des hauts et des bas, des joies et des déceptions, et le moment que je vais évoquer reste comme l’un des pires souvenirs de bien des fans de Ferrari. Je n’avais alors que 9 ans pour ma part, mais je me rappelle encore de la fin de ce Grand Prix du Brésil par cœur, qui m’aura fait passer par toutes les émotions pour finalement me laisser une frustration et une colère sans pareil. Pour dire, regarder ces tours de nouveau me fait toujours aussi mal tant j’ai eu du mal à digérer cette défaite sur le fil. Il n’en reste pas moins l’un des dénouements de championnat les plus incroyables de l’histoire de ce sport.
Nous arrivons ainsi au Grand Prix du Brésil, dernière manche de ce championnat du monde 2008 aux multiples rebondissements. La France a ainsi vu Sébastien Bourdais mener trois tours lors du Grand Prix du Japon, avant de finir 6ème puis de prendre une pénalité pour avoir gêné Massa dans les stands. 25 secondes de pénalité et une 10ème place finale, on ne change pas une équipe qui a la poisse… Au niveau du championnat, Hamilton se retrouve dans une situation similaire à 2007, avec cependant un rival de moins vu que seul Massa peut lui ravir la couronne. L’Anglais compte sept points d’avance sur le Brésilien (94 à 87), soit la même avance que Räikkönen l’année précédente, et on sait tous que le Finlandais fut couronné. C’est ainsi que les fans de la Scuderia se prennent à rêver d’un autre titre sur le fil, car Hamilton n’a pas l’air spécialement en réussite à Interlagos. De plus, Massa joue à domicile et le public sera entièrement acquis à sa cause…
Les qualifications donnent le ton, avec un Massa poleman devant Trulli, Räikkönen et Hamilton, qui n’a besoin que d’un top 5 pour être sacré. Le Brésilien doit soit gagner et espérer que l’Anglais ne fasse pas mieux que 6ème (6 victoires à 5, ce qui lui donnerait le titre) ou finir second et Hamilton 8ème au mieux (3 secondes places à 2). Et pour ajouter un peu de piquant à la course, la pluie décide de s’inviter à la fête pour rebattre les cartes et rendre l’attribution de ce titre encore plus indécise…
Rien que le départ se révèle agité, puisque Rosberg et Coulthard s’accrochent et Piquet se met dans le mur, le tout en trois virages ! Massa a cependant gardé l’avantage de sa pole position et les positions restent inchangées en tête de course. Il va falloir une sacrée aide du destin pour que Massa soit sacré… À mi-course, Massa mène devant Alonso, Räikkönen, Hamilton, Vettel et Glock, ce qui signifie qu’il perdrait le titre pour deux points (99 à 97). En soi, le classement n’évolue pas tant que ça, et à sept tours de la fin, Hamilton est même 4ème ! C’est alors que la pluie fait son retour, et va donner un scénario aussi dramatique qu’incroyable, que personne n’aurait pu prédire.
Tout le monde, ou presque, rentre aux stands pour changer de pneus, et le classement reste relativement inchangé au 68ème tour, Massa mène devant Alonso, Räikkönen, Glock (qui a choisi de rester en slicks !), Hamilton et Vettel. Mais dans le tour suivant, la Toro Rosso double la McLaren, Hamilton est 6ème et Massa virtuellement champion du monde ! J’explose de joie à l’idée de me dire qu’il va être titré et succéder à Räikkönen, d’autant plus qu’il ne reste que deux tours et que tout est quasiment joué ! Mais rappelez-vous Jim Clark en 1964… J’allais le vivre à mon tour, avec tous les tifosi et la Scuderia…
Vous vous rappelez de Glock qui est resté en slicks malgré la pluie ? Eh bien si Vettel s’est mué en allié de Massa, Hamilton allait trouver un soutien aussi involontaire qu’inattendu dans ce dernier tour. Les virages se suivent, s’enchaînent, et Massa gagne devant Alonso et Räikkönen. Tout le stand Ferrari explose de joie, persuadé que son poulain vient de décrocher la timbale. Reste à voir les autres, lorsque soudain en Angleterre…
Is that Glock?! Is that Glock going slowly?! Yes it is! Hamilton back in position again!!!
Le pari de l’Allemand vient d’échouer en quelque sorte, et il se fait doubler par Vettel et Hamilton dans le dernier virage. Ce dernier récupère la 5ème position, et ce point d’avance qui lui offre le titre. On met un peu plus de temps sur TF1 à comprendre ce qui se passe, puisqu’ils ne remarquent pas que l’Anglais a doublé Glock et n’a donc plus besoin de passer Vettel…
Sebastian Vettel, le bourreau de Lewis Hamilton, et c’est finalement Felipe Massa qui devient champion du monde ! Vettel 4ème, et Hamilton 5ème parce que Glock s’est arrêté !
C’est ainsi que tout le monde exulte chez McLaren, alors que chez Ferrari, la douche est plus que glacée à tel point que plusieurs mécanos frappent les panneaux des stands avec une frustration terriblement intense. Pour ma part, j’étais parti dans ma chambre, aussi furieux que les hommes de la Scuderia d’avoir vu le titre filer de la sorte. Je me rappelle de mes parents qui me fâchaient car j’étais incapable de contrôler cette frustration qui bouillait en moi. Voir Massa et Ferrari perdre le titre ainsi… C’était immensément douloureux, et de revoir les images pour écrire cet article m’ont prouvé que la blessure n’est toujours pas entièrement refermée…
Le contraste sur le podium est encore plus saisissant car le véritable triomphe se déroule en bas de celui-ci. Massa a beau être sur la plus haute marche à domicile, il retient difficilement ses larmes et tente de rester fier et digne autant que possible. On voit bien cependant l’immense déception qui le parcourt, d’avoir perdu le titre à deux virages de la fin… En bas, Hamilton est lui tout sourire, courant partout avec l’Union Jack juché sur ses épaules. Objectivement, il s’agit d’une revanche assez logique sur la saison 2007 pour lui, qui avait perdu le titre face à Räikkönen pour un point, alors qu’il en comptait 17 d’avance à deux courses de la fin…
Malgré la frustration qu’il a pu générer chez les fans comme moi, force est de constater qu’il s’agit du plus incroyable dénouement de championnat qu’il ait été donné de voir. Nul ne savait qui allait être champion jusque dans le dernier virage, entre Vettel et Glock qui bien malgré eux ont influencé le résultat de ce championnat, dans un sens puis dans l’autre. Nous étions passés par toutes les émotions, pas dans le même sens selon que l’on soit alors pour Massa ou Hamilton, mais nous avions tous vibré tour après tour comme rarement auparavant. Et c’est bien là l’une des forces de la F1, de distiller et d’exacerber nos émotions comme peu d’autres disciplines savent le faire, même si cette flamme semble s’éteindre ces dernières saisons. Certes les voitures étaient moins rapides, mais nous avions une réelle bataille pour le titre entre deux pilotes et deux voitures de deux écuries, loin des ères Schumacher, Vettel et Hamilton. Cette saison 2008 nous a offert ce que tout fan de F1 recherche : rebondissements, indécisions, suspense et final haletant.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.