Grand Prix des Etats-Unis : une histoire plus que complexe
Avec 74 points d’avance sur Valtteri Bottas, Lewis Hamilton n’a pu être couronné au Mexique pour la troisième fois consécutive. Comme en 2015, il sera titré à la fin de la manche américaine du calendrier, la 19ème de 2019. Retour sur un Grand Prix qui a une histoire plus que mouvementée, entre autres concurrencé par l’IndyCar et la Nascar si réputées au pays de l’Oncle Sam.
A sa création en 1950, le championnat du monde F1 n’a de mondial que l’appellation, dans le sens où tous les Grands Prix se courent en Europe Centrale. C’est alors qu’est prise une décision totalement incongrue, celle de rajouter les 500 Miles d’Indianapolis au calendrier. Incongrue car les voitures qui courent à Indianapolis n’ont absolument rien à voir avec nos F1 européennes, puisqu’elles ne tournent que sur des ovales ou presque. Entre 1950 et 1960, cette épreuve va donc attribuer des points au championnat du monde F1 avec des voitures qui n’ont absolument rien à voir avec ce championnat. Ferrari ou encore Alfa Romeo vont tout de même tenter d’y participer, sans succès tant l’écart de performance est énorme. C’est pourquoi je ne prends et ne prendrai jamais en compte Indianapolis quand je parle de F1, tout simplement parce que cette épreuve n’avait rien à faire ici.
Le véritable Grand Prix des Etats-Unis voit le jour en 1959 et se court sur le renommé circuit de Sebring, qui accueille annuellement l’épreuve des 12 Heures. Comme pour le Mans, ce sera la seule édition de l’épreuve sur ce circuit, qui voit Bruce McLaren gagner devant Trintignant et Brooks. Celui qui n’est alors qu’un pilote de 22 ans (plus jeune vainqueur en Grand Prix pendant plus de 40 ans) a profité de la panne d’essence de Jack Brabham, en tête toute la course ou presque, pour glaner son premier succès.
Dès l’année suivante, le Grand Prix est déplacé à Riverside, de nouveau pour une seule année, et voit Moss s’imposer devant Ireland et McLaren. Il faut attendre 1961 pour enfin voir une certaine stabilité, puisque la F1 s’établit à Watkins Glen et ce pour une vingtaine d’années. Le circuit est profondément modifié en 1971, avec l’ajout d’une nouvelle partie pour allonger une piste qui originellement fait moins de 4 kilomètres et est réputée pour être ultra-rapide. En 1975, une chicane est ajoutée dans les Esses, deux ans après l’accident de François Cevert à cet endroit.
À l’image de ce qui se faisait alors et qui se fait toujours dans les sports US, un second Grand Prix des Etats-Unis est ajouté en 1976 à Long Beach. Ce dernier devient le « Grand Prix des Etats-Unis Ouest » et l’épreuve de Watkins Glen le « Grand Prix des Etats-Unis Est », comme les conférences Est et Ouest en NHL, NFL, NBA… Long Beach est né dans la tête de l’homme d’affaires anglais Chris Pook, qui voyait en ce circuit urbain proche de Los Angeles « une sorte de Monaco urbain ». La F1 s’y déplacera ainsi jusqu’en 1983.
Les années 80 marquent un fort déclin de la F1 Outre-Atlantique. Watkins Glen, inadapté aux F1 à effet de sol par sa vétusté disparaît des radars après l’édition 1980, accompagné par l’ancien tracé du circuit d’Interlagos, qui lui ne reviendra pas avant 1990. C’est ainsi qu’apparaît le Grand Prix de Las Vegas en 1981, qui ne restera que 2 saisons. Décisif pour l’attribution du championnat du monde pour ses deux éditions, cela reste le seul motif pour s’en rappeler. Ecclestone envoie ainsi sa Formule 1 sur le parking du Caesar’s Palace, un des plus grands casinos de Las Vegas, et les pilotes sont unanimes sur le manque d’intérêt de cette piste. Le bazar est tel qu’en 1982, trois Grands Prix se courent aux Etats-Unis (!), entre Long Beach, Las Vegas et Detroit qui voit renaître le Grand Prix des USA Est, prenant la relève de Watkins Glen. Ce dernier circuit se révèle tout aussi catastrophique que Las Vegas, avec une piste bosselée et inintéressante, des dégagements minuscules, des commissaires on peut plus amateurs… Tout ça pour l’argent que les Américains peuvent alors potentiellement donner à la F1. Dallas accueille aussi une manche en 1984, deux semaines après Detroit, et comme les autres ce Grand Prix est un véritable désastre…
Fin 1984, il ne reste plus que Detroit qui est inscrit sous le nom de « Grand Prix des Etats-Unis » à partir de 1985, et il reste malgré tout présent jusqu’en 1988 ! Il faudra des accidents à répétition, notamment celui de Capelli aux essais en 1988 pour qu’enfin l’épreuve soit déplacée en 1989, sur un tracé urbain, encore… La discipline débarque alors à Phoenix, dans l’Arizona pour la cinquième manche de la saison, et le circuit est quasiment identique aux précédents, bien que le revêtement soit largement amélioré. La F1 disparaît du pays de l’Oncle Sam en 1991, lassée de courir sur des circuits sans âme loin de Watkins Glen…
Quarante ans après la disparition logique des 500 Miles d’Indianapolis du calendrier, la F1 revient sur l’ovale américain en 2000. Le circuit utilisé comprend une partie de l’ovale ainsi qu’une partie dite infield spécialement conçue pour l’occasion. Personne ne voudrait voir ces voitures courir sur un ovale contrairement aux IndyCar… Le Grand Prix reste 8 ans au calendrier avant de disparaître en 2007, après entre autres le scandale des 6 voitures au départ en 2005.
Après maintes négociations, c’est à Austin, au Texas que le Grand Prix des Etats-Unis revient en 2012. Dessiné par Hermann Tilke, comme à l’accoutumée, il présente des caractéristiques communes à de nombreux autres circuits, comme les esses du départ assez similaires à ceux de Suzuka ou ces parties rapides suivies d’autres sinueuses. Présent pour la 8ème année consécutive, il a vu Hamilton triompher 5 fois en 7 ans, et nul ne doute qu’il y vise un 6ème succès, le 7ème aux USA (il est le dernier à avoir gagné à Indianapolis, en 2007).
Revivez les 10 moments les plus forts du Grand Prix des États-Unis
À 22 ans, 3 mois et 12 jours, Bruce McLaren devient le plus jeune vainqueur d’un Grand Prix de l’histoire. Il s’impose ainsi devant Maurice Trintignant et Tony Brooks, tandis que Jack Brabham, leader depuis le début de course, termine la course en poussant sa voiture à la suite d’une panne d’essence dans le dernier tour.
François Cevert remporte son premier Grand Prix au volant de la Tyrrell 003, devant Siffert et Peterson. Il est le premier Français à gagner dans la discipline depuis Trintignant à Monaco en 1958, et également le premier Français à terminer dans le top 3 du championnat du monde, loin derrière Peterson et son coéquipier Stewart.
Alors promis à un avenir brillant et destiné à succéder à Stewart comme leader de Tyrrell en 1974, François Cevert perd la vie sur le circuit qui l’a vu triompher deux ans auparavant. Il perd le contrôle de sa voiture dans les Esses et termine coupé en deux, à la plus grande horreur du monde de la F1. Stewart ne court pas son 100ème Grand Prix à la suite de cet accident, et annonce sa retraite une semaine plus tard, conscient qu’il n’a plus rien à jouer ni à prouver dans la discipline.
Un an après la mort de Cevert et la retraite de Stewart, Emerson Fittipaldi vient coiffer sa deuxième couronne de champion du monde en terminant quatrième derrière les Brabham de Reutemann et Pace ainsi que la Hesketh de Hunt. Onzième, Regazzoni perd le titre après avoir été accablé par de nombreux problèmes mécaniques. Cette course est marquée par la mort horrible d’Helmuth Koinigg, décapité par les barrières ARMCO après une sortie de piste, qui s’était révélée quelque peu anecdotique à l’époque vu qu’il s’agissait d’un sans-grade.
C’est sur le parking du Caesar’s Palace que se joue le titre 1981 entre Piquet et Reutemann. L’Argentin compte un point d’avance sur le Brésilien, mais alors que Brabham est aux petits soins de Piquet, « Lole » se retrouve délaissé par son écurie. Entre problèmes mécaniques et rebondissements, Piquet termine cinquième sous la chaleur, épuisé et malade au point de vomir dans son casque ! Reutemann huitième, le Carioca est cependant sacré pour un point au bout de la souffrance.
Le titre est quasiment acquis à Keke Rosberg et seules les mathématiques offrent une petite chance à John Watson. Avec neuf points de retard sur le Finlandais, le Nord-Irlandais doit s’imposer et espérer que Rosberg finisse hors des points (il serait sacré au plus grand nombre de victoires). Hélas pour lui, il ne termine que second derrière le surprenant Michele Alboreto. Le jeune Italien décroche la première victoire d’une Tyrrell depuis plus de quatre ans ! De toute façon Rosberg termine cinquième, ce qui lui assure quoi qu’il arrive un titre totalement inattendu. Alboreto devient le 11ème vainqueur différent en 16 courses d’une saison aussi dramatique qu’incroyable.
Les McLaren ratent totalement leurs qualifications, tant et si bien que Watson ne part que 22ème, devant son équipier Lauda ! Cependant, les voitures de Ron Dennis vont bénéficier de conditions de course favorables (Rosberg provoque plusieurs abandons) ainsi que d’excellents pneus Michelin pour aller signer le doublé ! C’est la seule fois dans l’histoire de la discipline qu’un pilote s’est imposé en partant au-delà de la 20ème place sur la grille.
Poleman pour la première fois de sa carrière, Nigel Mansell devient malgré lui le héros malheureux de cet unique Grand Prix disputé à Dallas. Après avoir mené 35 tours et opposé une résistance plus que virile à Rosberg, il casse sa boîte dans le dernier virage après avoir touché le mur. Il décide alors de pousser sa voiture jusqu’à la ligne pour sauver sa cinquième place mais s’effondre à côté d’elle, terrassé par la chaleur texane. Il sera classé sixième, derrière Ghinzani qui marque là ses seuls points en F1.
Alors que Pierluigi Martini se qualifie second derrière Berger avec sa Minardi, un certain Jean Alesi se qualifie quatrième juste devant Ayrton Senna. Le jeune Français signe un départ canon et se hisse en tête à la surprise générale ! Non content de réaliser le hole shot, il va mener jusqu’à la mi-course en résistant aux assauts de – excusez du peu – Ayrton Senna lui-même ! L’Avignonnais cède finalement face au Pauliste dans le 35ème tour, mais termine à une splendide deuxième place, le premier de ses 32 podiums en F1.
Clairement, la course de la honte. En effet, les Toyota de Schumacher (blessé l’an dernier sur ce même circuit) et de Zonta sont victimes de gros accidents dans le banking, liés à des défaillances de leurs pneus Michelin. Le manufacturier français ne peut amener de nouveaux pneus, et 14 voitures sont contraintes pour raisons de sécurité de quitter la course à la fin du tour de formation. C’est ainsi que seules les six voitures chaussées en Bridgestone prennent part à la course (les deux Ferrari, les deux Jordan et les deux Minardi) sous les huées d’un public américain furieux. Les voitures terminent dans l’ordre indiqué avant, et si les pilotes Ferrari apparaissent gênés sur le podium, ce n’est nullement le cas de Tiago Monteiro, qui profite de la situation comme s’il avait obtenu son résultat à la régulière. Un Grand Prix à oublier pour beaucoup…
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.