La sécurité en F1 : le système HANS, plus efficace que l’airbag
L’accident de Romain Grosjean lors du Grand Prix de Bahreïn 2020 a démontré une fois de plus l’importance des mesures de sécurité en Formule 1. Sans toutes les diverses mesures prises depuis des années, jamais le pilote français n’aurait survécu à un tel choc. C’est pourquoi ce mois-ci nous allons revenir sur divers aspects de la sécurité en Formule 1, ainsi que sur certaines personnalités qui ont fait avancer les choses. Cette semaine, nous nous penchons sur le système HANS qui fait désormais partie intégrante du paysage de la sécurité en F1.
Le casque que nous évoquions la semaine dernière est l’un des premiers équipements de sécurité rendus obligatoires dans la discipline au fil des décennies. Mais en Formule 1 comme dans d’autres sports automobiles, il s’est avéré qu’une autre partie du corps était tout aussi vulnérable que la tête. Cette partie est composée du cou et des cervicales et n’est pas directement exposée en cas de choc dans la plupart des cas. Cependant, la force générée par un impact frontal ou latéral peut provoquer des blessures graves, voire mortelles pour le pilote.
La blessure la plus commune est ainsi celle du « coup du lapin ». Dans un choc frontal sans protection aucune, la tête du pilote est projetée en avant, puis revient en arrière dans sa position initiale. Selon la force de l’impact, des blessures peuvent être occasionnées au niveau du rachis cervical (en haut de la colonne vertébrale). Dans les cas les plus graves, cela peut aboutir à une paralysie, voire la mort.
La question de protéger les cervicales en Formule 1 ne se pose réellement qu’après le Grand Prix de Saint-Marin 1994. Après les cinq accidents du week-end dont les deux mortels de Ratzenberger et de Senna, Max Mosley est contraint de réagir, mais il n’annonce que peu de changements dans l’immédiat. Hélas pour lui, Karl Wendlinger est victime d’un terrible accident lors des essais du Grand Prix suivant à Monaco. Sa Sauber se dérobe à la sortie du tunnel et percute à très haute vitesse le mur de pneus qui borde le S de la Piscine. Tout d’abord conscient, l’Autrichien perd rapidement connaissance et sombre dans le coma. Sa tête a en effet percuté les containers placés devant les glissières de sécurité…
Il s’en sortira malgré tout, ayant cependant perdu une partie de ses capacités de pilotage. Mosley doit donc frapper fort pour 1995, et impose entre autres choses l’élargissement des cockpits pour favoriser l’extraction des grands gabarits. Mais si les performances des voitures sont en chute libre (quatre secondes de différence entre les pôles de 1994 et de 1995 au Brésil par exemple), le danger est toujours là…
Le sujet est remis sur la table lors du dernier Grand Prix de cette saison à Adélaïde, en Australie. Au début de la séance qualificative du vendredi, Mika Häkkinen est victime d’un accident qui manque de peu de virer au drame. Son pneu arrière-gauche explose à près de 180 km/h dans le virage n°9 et l’expédie dans le mur. Le choc est d’une telle violence que la tête du Finlandais est projetée contre son volant, avant de repartir en arrière puis de finalement s’immobiliser.
Häkkinen ne doit sa survie qu’à l’arrivée rapide des secours et notamment de Sid Watkins, médecin en chef de la Formule 1. Ce dernier sauve le pilote McLaren grâce à une trachéotomie réalisée à même la piste, pour lui permettre de respirer à nouveau. Victime d’une fracture du crâne et de graves lésions à l’oreille interne, il reviendra malgré tout à la compétition dès 1996, avec le succès que l’on connait.
Pour 1996, une sorte d’appui-tête est désormais intégré aux Formule 1 pour éviter qu’un accident comme celui d’Häkkinen ait les mêmes conséquences pour un autre pilote. Complété par des protections latérales, son but et de réduire les mouvements de la tête en cas de fort choc latéral. Ironie du sort, ce dispositif a été longuement éprouvé en essais privés par… Häkkinen.
Toutefois, le problème reste qu’en cas de choc frontal, la tête des pilotes reste toujours exposée à des risques de blessures similaires à celles d’Häkkinen. C’est pourquoi l’idée d’un airbag fait alors surface. La technologie est utilisée depuis les années 70, et la piste est sérieusement creusée. Si les premiers résultats semblent aller dans le bon sens, trois problèmes majeurs se posent rapidement :
- Au vu de la position des pilotes, l’airbag amortirait le choc au niveau du menton, contrairement aux voitures de série qui englobent tout le visage
- Les forces G subies par les voitures dans les freinages et dans certains virages créeraient un risque réel de déclenchement accidentel (et donc un danger pour le pilote)
- Un airbag de 60 litres demande de la place et prend du poids dans le volant, surtout que peu à peu les boutons et donc l’électronique s’y multiplient
La solution va finalement se trouver de l’autre côté de l’Atlantique, grâce aux travaux du docteur Robert Hubard. Il s’est lancé sur le sujet au début des années 80 après le décès de Patrick Jacquemart, ami de son beau-frère Jim Downing. Alors que ce dernier est en plein développement d’une Renault 5 Turbo engagée en IMSA GTU, il perd le contrôle de sa voiture en essais et meurt en se faisant le coup du lapin. Hubbard décide donc de concevoir une protection capable de maintenir la tête au niveau des épaules, en considérant que le reste du corps est retenu par des harnais 3, 4 ou 5 points.
Le projet avance au fil des années et se voit commercialisé aux Etats-Unis au début des années 1990. A l’époque, il est très loin de ressembler au HANS actuel, mais plutôt à une sorte d’énorme collier qui fait passer n’importe quel pilote pour Dark Vador. Au fil des ans cependant, de plus en plus de disciplines s’informent sur ce dispositif, que ce soit en F1 ou en NASCAR et autres CART.
Le problème majeur du dispositif à cette époque est sa taille, qui rend son utilisation impossible en l’état. En Europe, la FIA va travailler de concert avec McLaren et Mercedes pour l’adapter à la Formule 1. Outre-Atlantique, c’est le Newman/Haas Racing qui va le mettre au point en essais avec Michael Andretti et Christian Fittipaldi. Le CART est d’ailleurs le premier championnat à le rendre obligatoire, dès 2000. La NASCAR suit deux ans plus tard, fortement marquée par la mort de Dale Earnhardt. La légende de la discipline avait ainsi trouvé la mort dans un accident dans le dernier virage du Daytona 500, le 18 février 2001. Accroché par Sterling Marlin puis Ken Schrader, sa voiture avait percuté le mur à plus de 250 km/h avant de finir sa course dans le gazon, poussée par celle de Schrader. Bien que peu spectaculaire en apparence, il causa à la légende américaine une fracture fatale à la base du crâne. Schrader racontera ainsi avoir compris qu’Earnhardt était décédé en allant voir sa voiture.
En Formule 1, le HANS est ainsi présenté en marge du Grand Prix de Saint-Marin 2000, puis officiellement l’année suivante. Son usage est rendu obligatoire dès la saison 2003, mais le dispositif ne fait pas l’unanimité. Jacques Villeneuve expliquait alors à Autosport sa vision du HANS après un crash survenu en essais au Japon : « Je suis très content de ne pas l’avoir porté pour mon accident. Mon corps aurait bougé mais le HANS serait resté là où il était. Il se serait enfoncé dans mon cou. Il risque de briser la colonne vertébrale. Je pense qu’il y a des situations où l’on risque d’être blessé par le HANS. »
Rubens Barrichello l’accusera lui d’être responsable de son accident en début de course en Australie la même année. « Je n’étais pas concentré sur la piste parce que le HANS était sur ma clavicule et me faisait un mal de chien », avouait-il alors au Guardian. Mais force est de constater que plus personne ne s’en plaint aujourd’hui et que beaucoup de disciplines l’ont rendu obligatoire. Sous l’égide de la FIA, il est utilisé en F1, WEC, WRC, WTCR…
Le HANS reste une preuve de l’avance des Etats-Unis sur l’Europe en matière de sécurité dans le sport automobile. Développé dès le début des années 80 aux Etats-Unis alors que l’Europe a commencé à s’y intéresser 15 ans plus tard, il est aujourd’hui un indispensable de la compétition automobile à haut niveau. Adapté à des disciplines diverses et variées, il a sans doute contribué à sauver de nombreuses vies, ou tout du moins à éviter nombre de blessures graves.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.
Un commentaire
Lionel Rosière
Je suis en train de monter mon premier podcast sur la question de l’évolution de la sécurité en NASCAR. C’était bien pire que la F1, il aura fallu Earnhardt Sr et la défense foireuse de la NASCAR pour que ça change. Si ça t’interesse, je t’invite à lire l’ouvrage de Bill Simpson où il explique toute l’origine de ces innovations tel que la combi inufigée dont il est l’inventeur. Il a aussi perfectionné les extincteurs de bords et le casque avec le modèle Bandit porté par De Angelis entre autre.