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SÉRIE • Les GP d’Espagne | 1996, Die Regenmeister dans ses œuvres

C’est officiel : le Grand Prix d’Espagne est maintenu jusqu’en 2026 suite à la reconduction de son contrat. Rendez-vous régulier du championnat du monde depuis les années 80, il a connu plusieurs théâtres avant de se fixer à Barcelone en 1991. Il a cependant eu lieu pour la première fois en 1951, dans un pays encore soumis à l’autarcie franquiste. Nous allons ce mois-ci revenir sur quelques-unes des éditions les plus marquantes du Grand Prix. L’édition 1996 est aujourd’hui mise à l’honneur, théâtre de la première des 72 victoires de Michael Schumacher pour Ferrari.

C’était l’un des événements de cette saison 1996. Après quatre saisons et deux titres mondiaux avec Benetton, Michael Schumacher a quitté l’écurie dirigée par Flavio Briatore pour rejoindre Ferrari. Depuis mi-1993, Jean Todt s’attelle à reconstruire la grande Scuderia, et « il piccolo Napoleone » comme on le surnomme en Italie a mis les petits plats dans les grands. Avec Luca di Montezemolo, ils ont cassé la tirelire de l’écurie italienne pour s’offrir le prodige allemand, qui selon eux permettra de ramener Ferrari dans la course aux titres mondiaux. Le voici élevé au rang de dieu, tandis que le jadis teigneux Eddie Irvine accepte sans rechigner de lui servir de valet. Ce n’est pas tous les jours qu’on peut courir pour Ferrari…

Toutefois, force est de constater que le « Kaiser » est quelque peu éclipsé par l’autre sensation du paddock, le jeune Québécois Jacques Villeneuve. Fils du regretté Gilles, il en a toutefois conservé le talent avec une saison 1995 triomphale outre-Atlantique. Vainqueur du championnat CART, il a également remporté les 500 Miles d’Indianapolis et ses premiers essais avec la Williams FW17 avaient été plus que concluants. Et en ce début d’année, la nouvelle FW18 est largement au-dessus de la Ferrari F310.

Après six Grands Prix, Damon Hill compte quatre victoires et semble filer vers son premier titre mondial. Villeneuve est lui second à distance respectable mais démontre déjà tout son potentiel avec une victoire en Europe. Il aurait même pu gagner en Australie sans un problème moteur… Schumacher lui se débat avec une F310 ratée, mais a déjà signé trois podiums. Toutefois, il reste sur un Grand Prix de Monaco calamiteux : pour sa première pole avec les Rouges, il n’a pas passé le premier tour, plantant sa Ferrari dans le virage du Portier sous la pluie…

L’ambition pour cette année n’était pas de jouer le titre de l’aveu même de Todt, qui visait avant tout deux ou trois victoires. Mais avec des Williams si dominatrices, il faut espérer des circonstances de course particulières ou des avaries mécaniques… Panis l’a parfaitement réussi à Monaco, dans une course où tous les favoris ont abandonné les uns après les autres. Et si pareil scénario se répétait en Catalogne, sur un circuit peu réputé pour ses actions en piste ?Rien ne laisse présager un tel déroulement avant le dimanche matin. Les essais et qualifications se déroulent sur piste sèche, bien que le ciel s’assombrisse au-dessus du circuit le samedi après-midi. Les Williams sont intouchables et Hill signe la pole devant Villeneuve, repoussé à quatre dixièmes. Schumacher est troisième à près d’une seconde, devant les Benetton reléguées à une seconde et demie ! 

Mais coup de théâtre, c’est un véritable déluge qui s’abat sur Montmeló le dimanche matin. Hill part en tête-à-queue pendant le warm-up, et Frentzen détruit sa voiture de course, le contraignant à partir sur son mulet. La pluie redouble peu avant la course, et pendant que le roi Juan Carlos est arrivé en tribunes, le délégué de la FIA Roger Lane-Nott essaie de faire face à la dangerosité de la situation. Il veut retarder le départ de la course et faire démarrer cette dernière sous voiture de sécurité. Hélas pour lui, Ecclestone débarque et rue dans les brancards : la course partira à 14 heures comme si de rien était !

Sur la grille, Salo ne peut partir à cause d’un problème de boîte pendant que tout le monde découvre l’enfer que va réserver cette course. La piste est une patinoire géante tandis que voir à dix mètres relève de l’exploit… Au départ, l’étonnant Villeneuve prend la tête devant Alesi et Hill, qui s’est loupé. Étonnant car c’est seulement la seconde fois que le Québécois court sous la pluie. Derrière, Schumacher a rencontré un problème avec son embrayage et n’est que sixième à la fin du premier tour.

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En queue de peloton, c’est la débandade avec plusieurs voitures out après seulement deux tours de course. Les deux Minardi, Rosset, Panis, Coulthard et Irvine sont déjà hors-course ! Quant à Salo, il a repris la piste avec son mulet, mais en dehors de toute légalité. Aucun drapeau rouge n’ayant été brandi, il ne pouvait pas procéder ainsi… Il continue malgré tout de courir, pendant que Schumacher se lance dans sa remontée. Avec Irvine dans les graviers, il est déjà cinquième. Villeneuve continue de faire la course en tête devant Alesi, et semble plus à l’aise que Hill, pourtant plus expérimenté. L’Anglais part à la faute dans le quatrième tour et laisse filer Berger et Schumacher, qui est le plus rapide en piste. L’Autrichien de Benetton lui cède la troisième place dans le tour qui suit et le laisse rapidement filer. Alesi est le prochain objectif du pilote Ferrari.

Alors que l’Avignonnais voit grossir la Ferrari dans ses rétroviseurs, Hill effectue une nouvelle figure et sort des points. Le voici neuvième… Et dans le neuvième tour, c’est un Kaiser irrésistible qui s’offre au forcing le scalp d’un Alesi impuissant. Le voici désormais en chasse de Villeneuve, imperturbable jusqu’à présent. Pendant ce temps, Hill se sort encore mais percute le mur dans la ligne droite des stands et abandonne. La fin du calvaire pour le pilote anglais…

Plus léger en essence, Schumacher fond sur Villeneuve, qui cède dans le 12ème tour sans réellement résister. C’est alors que commence le show du Regenmeister. Comme un poisson dans l’eau, il noie Alesi et Villeneuve en leur collant pas moins de quatre secondes au tour ! Dans le 14ème tour, il réalise un 1’45’’517 que personne n’approchera. Barrichello sera le seul autre pilote à passer sous les… 1’48 ! C’est dire l’univers qui sépare l’Allemand du reste de la grille…

Sauf problème mécanique, Schumacher a course gagnée tant il écrase la concurrence. Alors que Katayama a déjà abandonné depuis un petit moment, Salo se voit présenter le drapeau noir pour avoir pris son mulet trop tard. Après lui, ce sont Brundle sur casse mécanique et Herbert sur sortie de route qui abandonnent. L’Allemand est si loin devant que sa stratégie à deux arrêts peut fonctionner sans le moindre problème. Il rentre dans le 24ème tour et repart loin devant la meute… ou plutôt ce qu’il en reste. Seules dix voitures sont encore en course, et avec un réservoir rempli au tiers, la Ferrari colle trois secondes au tour à tout le monde. Schumacher est en 1’47 là où personne ne descend sous les 1’50…

Derrière lui, Villeneuve fait de son mieux pour résister à Alesi, qui s’il est plus rapide que la Williams, ne peut la dépasser à cause des projections d’eau. Le Français stoppe dans le 33ème tour pour tenter un possible undercut, tandis que Villeneuve reste en piste. Ce dernier s’arrête trois tours plus tard et ne peut que constater qu’il a perdu la seconde place. Il est quatrième derrière Alesi et Barrichello, qui est second mais qui doit encore s’arrêter.

Le Pauliste s’arrête finalement dans le 40ème tour mais ne peut rester devant Villeneuve qui retrouve le podium. Voici le pilote Jordan quatrième devant Berger, mais deux tours plus tard, il rejoignent la liste des abandons. L’Autrichien se sort dans les graviers en voulant prendre un tour à Diniz, tandis que le Brésilien se retrouve sans embrayage. Voici Frentzen quatrième devant un étonnant Verstappen et un anonyme Häkkinen. S’il est loin sur la piste, il peut espérer ramener quelques points…

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La grosse déception du jour est pour Jos Verstappen. Brillant cinquième au volant d’une Arrows rétive, il en perd le contrôle dans le 47ème tour et abandonne, perdant des points ô combien précieux pour son écurie. Voici Häkkinen cinquième devant Diniz, qui est en passe de marquer son premier point en Formule 1. A condition bien sûr qu’il ramène sa Ligier à l’arrivée…

Ainsi, le dernier fait de course sera au crédit de Michael Schumacher, victime d’une rupture d’échappement en vue de l’arrivée. Heureusement pour lui, il est si loin devant qu’il peut se permettre de lever le pied pour s’assurer d’aller au bout et de rouler en 1’51 contre 1’49 pour ses rivaux. Il remporte donc la 20ème victoire de sa carrière, sa première avec Ferrari après une démonstration de pilotage que Senna ou Clark n’auraient pas enviée. Alesi et Villeneuve le rejoignent sur le podium, auteurs eux aussi d’une très belle course. Frentzen poursuit sur sa lancée de Monaco en terminant à nouveau quatrième. Il devance Häkkinen qui a su ramener sa McLaren à l’arrivée et sauver deux points et Diniz. Celui qui est alors considéré comme une mallette de billets roulante par certains journalistes a su faire parler son coup de volant. A défaut d’être rapide, il a été solide et se voit récompensé par son premier point dans la discipline. Il est le dernier pilote à franchir la ligne.

Après les pénombres de son cuisant échec monégasque, Michael Schumacher a immédiatement su retrouver les sommets sous le déluge catalan. Au volant d’une F310 incapable de jouer la victoire a la régulière, il a su faire parler son talent sans pareil pour humilier le peloton et prouver qu’il n’est pas double champion du monde pour rien. Oublié donc son échec en Principauté, « Die Regenmeister » est de retour plus fort que jamais ! Il est toutefois évident qu’il ne pourra pas jouer le titre, bien qu’il soit à égalité de points avec Villeneuve après cette course, 17 points derrière Hill. Mais ce succès reste la première pierre de la forteresse germano-italienne qui quelques années plus tard écrasera la discipline…

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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