SÉRIE | Les courses tronquées : Autriche 1975, le one-off du Gorille de Monza
Le Grand Prix de Belgique 2021 restera à coup sûr au palmarès des courses les plus honteuses de l’histoire de la discipline. Pas de course et deux tours sous Safety Car pour attribuer la moitié des points aux pilotes. Une situation qui survient pour la sixième fois de l’histoire en 1047 Grands Prix. Retour sur les cinq autres courses au même scénario. Retour aujourd’hui sur le Grand Prix d’Autriche 1975, qui reste dans les mémoires comme le théâtre du plus bel exploit de Vittorio Brambilla.
Niki Lauda a confirmé son potentiel observé en 1974 en cette saison 1975. Une fois au volant de la 312T, l’Autrichien a pris la mesure de ses rivaux pour s’envoler en tête du championnat du monde. « L’Ordinateur » comme on le surnomme déjà est dans une situation idéale au championnat alors qu’il ne reste trois courses à disputer. L’épreuve canadienne a été supprimée du calendrier, et il compte une large avance sur ses poursuivants. A une époque où la victoire ne rapporte que neuf points, Reutemann est à 17 points et E.Fittipaldi à 18. Le pilote Ferrari a juste besoin de marquer un point de plus que ses rivaux pour s’assurer le titre. Autant dire qu’une victoire entérinerait le classement final.
Le voici donc en capacité de devenir champion à domicile sur le difficile tracé de l’ancien Österreichring. Et voici qu’il se place idéalement sur la grille en signant la pole position avec le record de la piste devant Hunt et E.Fittipaldi. Reutemann n’est lui que 11ème à cause d’une casse moteur. Toutefois, de nombreux accidents émaillent les séances du samedi et du dimanche. Peterson et W.Fittipaldi se sortent lors des qualifications, et le second doit déclarer forfait après s’être cassé le poignet. Le lendemain matin, c’est au tour d’Henton et de Donohue de déclarer forfait. Ce dernier est victime d’une violente sortie de route à plus de 200 km/h où il fauche deux commissaires de piste. L’un d’entre eux est grièvement blessé, alors que Donohue est à ce moment relevé avec des contusions mais sans pronostic vital engagé…
Alors que le départ est proche d’être donné, voici qu’un violent orage s’abat et noie la piste sous les eaux. Face à ces conditions dangereuses, le départ est reporté de 45 minutes par Bernie Ecclestone afin d’éviter un carnage vu que tous les pilotes sont chaussés de pneus slicks. Ainsi, tout le monde part en gommes pluie, bien qu’au vu des monoplaces de l’époque l’exercice relève de l’art plus que du pilotage.
Ainsi les pilotes Ferrari connaissent des fortunes diverses : Lauda reste en tête alors que Regazzoni se débat avec une 312T réglée sur le sec et dégringole au classement. Mais il apparaît rapidement que l’homme fort de ce début de course est Vittorio Brambilla. Le « Gorille de Monza » comme on le surnomme profite de la performance de sa March pour dépasser ses concurrents un à un. Parti huitième, il remonte rapidement sur la tête de course et pointe en troisième position dans le sixième tour. On note ainsi un magnifique dépassement sur Depailler avec deux roues dans l’herbe, ce qui relèverait presque de la folie dans de telles conditions…
Cependant, Lauda et Hunt sont solidement installés en tête de course. Brambilla est un brillant troisième tandis que Peterson remonte lui aussi sur une antique Lotus 72E. On rappellera que cette voiture a été initialement développée en… 1970 ! Mais devant, Lauda est lui aussi en difficulté pour les mêmes raisons que Regazzoni : sa voiture est réglée pour le sec. Le téméraire Hunt le prend ainsi en chasse mais voit grossir Brambilla dans ses rétroviseurs. Les trois pilotes se tiennent en moins de deux secondes alors que la pluie a momentanément stoppé.
Dans le 15ème tour, un premier changement de leader s’opère lorsque Lauda perd pied dans la courbe Texaco. Il est si prudent que Hunt et Brambilla le doublent tous les deux et poursuivent leur lutte pour la tête. Mais trois tours plus tard, la pluie reprend de plus belle et finit de noyer la piste. Sur 11 cylindres, Hunt résiste tant bien que mal mais il est gêné par son coéquipier Lunger dans le 19ème tour, et il n’en faut pas plus à Brambilla pour doubler l’Anglais. Désormais leader, il s’envole rapidement alors que le futur champion du monde 1976 tente désormais de sauver sa deuxième place.
La menace ne viendra pas de Lauda : l’Autrichien tente simplement de ramener sa voiture à l’arrivée. S’il est toujours en troisième position à ce moment-là, il voit Peterson, Mass et Pryce fondre sur lui à vitesse grand V. Ces trois-là ne s’y trompent pas : c’est le podium qui va se jouer. Mais Peterson disparaît de cette lutte : le Suédois doit repasser par les stands pour changer sa visière endommagée. Le voilà rejeté en septième position derrière Regazzoni.
Mass est le premier à passer Lauda dans le 23ème tour, suivi par Pryce dans le tour suivant. Mais dans les stands, les pilotes hors course haranguent les officiels pour leur demander l’arrêt de la course. Les conditions sont tout bonnement épouvantables et continuer ainsi pourrait provoquer un accident plus grave encore que ceux déjà survenus ce week-end. On rappelle quand même qu’un commissaire est alors entre la vie et la mort après l’accident de Donohue ce matin, survenu sur le sec…
Les pilotes sont entendus et dans le 29ème tour, le drapeau à damiers est brandi au passage de Brambilla, qui remporte ici son premier Grand Prix de F1. Tout à sa joie, il lâche son volant, part en aquaplanning et percute le rail ! Heureusement, il parvient à reprendre le contrôle de sa voiture et à boucler son tour d’honneur avec une monoplace à l’avant détruit. Cette victoire restera sans suite, l’Italien signant ici le seul podium de sa carrière. Hunt termine second devant Pryce qui signe lui aussi son premier podium dans la discipline. Il devance Mass, Peterson qui a pu repasser les Ferrari et Lauda qui sauve la sixième place. Pour un peu, l’Autrichien aurait pu être sacré à domicile, mais il devra attendre Monza pour être mathématiquement assuré de sa première couronne mondiale.
Hélas, ce Grand Prix se terminera sur une sombre note. Le commissaire fauché par la Penske de Donohue décède de ses blessures le lendemain de la course. Quand au pilote américain, il est frappé par de violents maux de tête le soir même avant d’être victime d’une grave hémorragie cérébrale. Mark Donohue décède finalement deux jours plus tard à seulement 38 ans des suites de son accident. Un an après Peter Revson, le sport automobile américain perd l’un de ses meilleurs représentants outre-Atlantique, laissant Andretti bien seul à se battre pour la victoire sous la bannière étoilée…
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.