Les Williams mythiques : la FW07/FW07B, les premiers succès
Le 21 août 2020 a marqué la fin d’une époque dans le monde de la Formule 1 : Williams a été rachetée par le fonds d’investissement Dorilton Capital. C’est ainsi la fin définitive des « indépendants », qui représentaient la grande majorité de la grille jusque dans les années 80. Williams faisait alors symbole d’exception dans un sport demandant toujours plus de ressources année après année. Nous allons ainsi reparler des années glorieuses de l’écurie au travers des monoplaces qui couraient ces années-là. Et quoi de mieux que de commencer par les Williams FW07 et FW07B, qui ont offert à Williams ses premiers succès en Formule 1 en 1979 et 1980.
Au début de cette nouvelle saison 1980, Frank Williams a parcouru bien du chemin avant de pouvoir se prétendre favori à la couronne mondiale. Il faut dire que l’Anglais a connu bien des aventures et des déroutes depuis 1969, date à laquelle il est arrivé en Formule 1. Initialement pilote aux côtés d’un certain Piers Courage, il est progressivement passé dans le management de l’écurie du pilote anglais et l’a grandement aidé à courir dans la discipline reine.
Sa première saison est un succès, puisqu’au volant d’une Brabham BT26 réaménagée pour accueillir un V8 Cosworth, Piers Courage arrache deux podiums. Sur cette lancée, Alejandro de Tommaso propose un partenariat qui virera à la tragédie. La voiture est lente, peu fiable et Courage se tue lors du Grand Prix des Pays-Bas. À la suite de cet épisode, les deux entités se séparent mais Williams poursuit l’aventure d’abord avec des March, puis avec la FX3. Cette voiture peut être considérée comme la première Williams bien qu’elle ait couru sous les noms Polytoys puis Iso-Marlboro entre 1972 et 1975.
Fin 1975, c’est le milliardaire canadien Walter Wolf qui vient au chevet de Williams, qui n’a plus un sou vaillant. Ce partenariat va cependant signer la fin de la première aventure Williams, car les deux hommes ne s’entendent guère. De plus, Wolf détient 60% des parts de l’écurie, ce qui le rend actionnaire majoritaire de l’écurie. Ni une ni deux, il rachète les parts restantes fin 1976 et éjecte Frank Williams, qui cependant retrouve un budget pour se relancer dans la discipline. Il recrute pour son nouveau projet un certain Patrick Head, mais ne peut aligner qu’une vieille March pour Patrick Nève.
Il faut attendre 1978 pour voir la première vraie Williams avec la FW06. Pour cette nouvelle saison, l’écurie recrute Alan Jones, vainqueur en Autriche l’année précédente. Le profil de l’Australien plait particulièrement au patron, un véritable combattant qui ne rechigne jamais à l’effort. Les progrès se font sentir bien que la voiture ne soit pas encore au niveau des écuries de pointe, et Jones finit sur le podium en fin de saison à Watkins Glen. La voiture est utilisée jusqu’au Grand Prix d’Espagne 1979, où apparaît enfin la nouvelle FW07.
Cette nouvelle monoplace tranche totalement avec la FW06 en utilisant la technologie de l’effet de sol, bien plus perfectionné que sur la Lotus 79 championne du monde en 1978. Le châssis est lui en aluminium, le carbone n’étant pas encore assez répandu à cette époque pour concevoir la coque d’une monoplace. Cosworth fournit lui le V8 DFV qui équipe tout le plateau sauf Ferrari, Renault et Alfa Romeo, d’une puissance de 475ch pour propulser une voiture de 580kg. Patrick Head et Neil Oatley viennent de concevoir LA voiture qui va installer Williams dans le peloton de tête.
Les débuts sont cependant compliqués pour les deux monoplaces, avec deux doubles abandons en Espagne et en Belgique. La performance semble bien présente vu que Jones menait à Zolder avant son abandon, et Regazzoni confirme avec une belle deuxième place à Monaco derrière Scheckter. Le Suisse manque même la victoire pour moins d’une seconde, et cette FW07 surprend tous les observateurs. Ce n’est que le début…
Les deux voitures terminent dans les points en France. Jones est quatrième et Regazzoni sixième, mais loin derrière Jabouille qui fait triompher le turbo pour la première fois, ainsi que Villeneuve et Arnoux qui se sont livré un duel tout bonnement légendaire. Pour la manche suivante en Grande-Bretagne, la FW07 va démontrer tout son potentiel en se révélant intouchable. Jones signe la pole, la première de Williams et améliore la pole de Hunt il y a deux ans de plus de sept secondes ! En course, il écrase la concurrence jusqu’à ce que sa pompe à eau le lâche vers la mi-course. Alors second, son coéquipier Regazzoni reprend la tête des opérations et s’en va gagner la première course d’une Williams en Formule 1. Ce sera également la dernière victoire du Tessinois.
En Allemagne, c’est Jones qui gagne pour la première fois de la saison. Il a cependant dû se battre jusqu’au bout : si la concurrence ne pouvait rien faire, il a fini la course avec un moteur malade et un pneu qui se dégonflait ! Regazzoni assure lui le doublé et Williams lui est aux anges : après dix ans de galère, il est enfin au sommet de la discipline. Cependant, avec les règles du comptage des résultats en vigueur, il ne peut prétendre aux titres mondiaux. En effet, seuls comptent les quatre meilleurs résultats des sept premières courses, puis les quatre meilleurs résultats des huit dernières courses. L’écurie paye son mauvais début de saison, mais ne va pas se priver pour prouver la supériorité de la FW07.
Jones gagne encore à trois reprises (Autriche, Pays-Bas, Canada) tandis que Regazzoni signe deux nouveaux podiums. L’Australien termine troisième du championnat du monde derrière Scheckter et Villeneuve, tandis que Williams termine seconde chez les constructeurs derrière Ferrari. Toutefois, les performances exceptionnelles de la FW07 placent Williams au rang de grandissime favori pour la saison 1980.
Pour le premier round de la saison en Argentine, Williams arrive ainsi avec une version B de la FW07, au châssis et à la monocoque améliorés. Dire que l’écurie va dominer la saison est un euphémisme… Cependant, Jones choisit de se rabattre sur le modèle 79 pour la première course de la saison contrairement à Reutemann qui garde la FW07B. L’Australien fait le bon choix en signant le deuxième et dernier hat-trick de sa carrière alors que Reutemann abandonne sur casse moteur. La FW07 ne reviendra plus qu’aux mains de pilotes privés en 1980.
La FW07B est ainsi définitivement adoptée pour le reste de la saison, et seul Nelson Piquet pourra opposer une quelconque résistance au rouleau-compresseur Williams. Jones connaît cependant plusieurs mésaventures et se voit également retirer la victoire du Grand Prix d’Espagne, la course étant déclarée illégale après le retrait des constructeurs dits « légalistes ». Régulier à la manière d’un Lauda ou d’un Scheckter, Piquet va réussir l’exploit de s’emparer des commandes du championnat à deux courses de la fin. Jones se rebiffe et gagne les deux dernières courses de la saison pour s’adjuger son seul titre mondial avec cinq victoires. Il a pu aussi bénéficier d’un statut de numéro un incontestable, Reutemann étant clairement cantonné au rang de numéro deux. L’Argentin fait contre mauvaise fortune bon cœur : au moins il dispose d’une voiture performante…
La Williams évolue en FW07C pour la saison 1981. On peut ainsi noter le retour de l’aileron avant, une carrosserie redessinée, une coque rétrécie… Niveau pilotes, on prend les mêmes et on recommence, mais les choses vont se passer différemment. Furieux d’être considéré comme un porteur d’eau, Reutemann décide de faire le coup que lui a plus ou moins fait Lauda en 1977 : devenir le numéro 1 par la force. Il ouvre ainsi les hostilités au Brésil, en refusant de laisser passer Jones pour la victoire. Ce faisant il gagne la course, mais entre en guerre ouverte avec son coéquipier qui digère très mal cette trahison. Désormais, ce sera du chacun pour soi chez Williams, et un homme va en profiter : Nelson Piquet.
Ce seront ainsi cinq hommes qui vont se battre pour le titre : Jones et Reutemann chez Williams, Piquet chez Brabham, Prost chez Renault et Laffite chez Ligier. « El Lole » réalise un début de saison fantastique et marque 34 points en cinq courses seulement ! Il devient immédiatement le grand favori au titre, mais ses performances vont chuter par la suite. Aucunement aidé par un Jones rancunier, il est finalement battu par Piquet dans la dernière course de la saison. Le Brésilien termine cinquième au bout de l’effort à Las Vegas et arrache le titre pour un petit point face à l’Argentin.
Williams récupère malgré tout le titre constructeurs, mais Reutemann ne digère pas cet échec cuisant surtout qu’il a mené la quasi-totalité du championnat exception faite de la première et de la dernière course. Il reste malgré tout chez Williams pour 1982 suite à la retraite de Jones, tandis que la FW07C dispute les trois premières épreuves de cette saison avant d’être remplacée par la FW08. Reutemann jette finalement l’éponge après deux courses malgré un podium en Afrique du Sud, alors que Rosberg termine second à Long Beach pour la dernière course de la FW07C. La Williams FW07 a connu une longue et prolifique carrière grâce à ses évolutions au fil des ans. C’est ainsi entre 1979 et 1982.
- 43 Grands Prix disputés (pour le compte de l’usine Williams
- 14 victoires
- 7 pole positions
- 16 meilleurs tours en course
- 42 podiums (presque toujours une voiture sur le podium en moyenne !)
- 3 titres mondiaux (pilotes en 1980 avec Alan Jones, constructeurs en 1980 et 1981)
Il va sans dire qu’elle est une pierre angulaire dans l’histoire de Williams. Après plus de 10 ans de galères et de déceptions voire de drames, l’écurie obtient enfin le droit de se battre à l’avant du peloton avec cette formidable voiture. Très bien conçue et développée, et conduite par d’excellents pilotes, elle aurait également dû permettre à Reutemann ou Jones d’être titrés en 1981. Elle trône ainsi au panthéon de la discipline, avec une très belle longévité et le sceau des premiers succès d’une écurie qui fait toujours partie intégrante de la discipline malgré un déclin latent.
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Angélique Belokopytov
Fondatrice et rédactrice en chef. Amoureuse de la course et du journalisme depuis des années, le ronronnement des moteurs m'a bercée depuis ma plus tendre enfance et rythme mon quotidien. F1nal Lap a pour but de rapprocher les amoureux de la F1 au plus près du Paddock au travers d'un contenu original et recherché. F1nal Lap, la F1 comme vous ne l'avez jamais vue !