Les sponsors originaux ou douteux : Penthouse, le charme s’invite en Formule 1
L’année 1968 fut un grand tournant économique pour la Formule 1 avec l’avènement du sponsoring sur les voitures. Au fil des ans, de nombreuses marques de tous univers ont ainsi dépensé jusqu’à des millions d’euros pour apparaître sur l’une des monoplaces présentes sur la grille. Si les cigarettiers furent jusque dans les années 2000 les principaux sponsors dans la discipline, il y eut d’autres sources de financement plus originales, ou plus douteuses. Nous allons ainsi en voir quelques-unes, en commençant par le magazine de charme Penthouse.
Qu’elle semble déjà lointaine, l’époque où Hesketh pouvait jouer les trouble-fête au point d’en gagner des courses… L’écurie a été fondée en 1972 par le richissime Lord Alexander Hesketh, richissime aristocrate dont sa fortune n’a d’égal que sa passion pour le sport automobile. En compagnie d’Anthony Horsley, alors pilote en Formule 3, il recrute un jeune Anglais de 25 ans du nom de James Hunt. Celui-ci vient d’être renvoyé de chez March, son patron Max Mosley étant lassé de ses accidents à répétition. Hunt pilotait plus qu’à la limite et finissait dans le mur plus souvent qu’à son tour…
Après deux saisons infructueuses en Formule 3 et en Formule 2, Hesketh décide de se lancer dans le grand bain de la Formule 1 au milieu de la saison 1973. L’écurie débarque à Monaco pour son premier Grand Prix, et achète une March 731 qui sera ensuite modifiée par un ingénieur qui saura se faire un nom dans la discipline : Harvey Postlethwaite. Profitant des abandons de ses concurrents, Hunt pointe en sixième position avant d’abandonner sur casse moteur. Il marque son premier point lors de la course suivante en France (après avoir fait l’impasse sur la Suède), son premier podium aux Pays-Bas avant de passer à moins d’une seconde de la victoire aux Etats-Unis, battu par Peterson.
Mais si en piste Hesketh montre de belles aptitudes, c’est surtout dans le paddock que l’écurie fait parler d’elle. Lord Hesketh organise ainsi des fêtes dont le faste n’est plus à démontrer, profitant pleinement de la fortune qui est sienne. Hunt lui se fait une réputation de play-boy, d’homme à femmes par son physique avantageux, son côté tête brûlée ou encore ses tenues débraillées. On retient notamment le fameux « Sex is the breakfast of champions », qui aujourd’hui hérisserait bien des hauts dirigeants de la discipline… Cette fortune se traduit aussi par la livrée totalement vierge de sponsors de la voiture, alors que toutes les autres écuries de Ferrari à Tecno s’en parent sans la moindre hésitation.
Avec l’arrivée de la nouvelle Hesketh 308, Hunt et Hesketh alignent les bons résultats malgré une fiabilité assez douteuse en 1974. 1975 marque l’apogée de l’écurie avec une quatrième place pour Hunt au championnat du monde pilotes, avec trois podiums dont sa fameuse victoire lors du Grand Prix des Pays-Bas. Mais fin 1975, la situation tourne au vinaigre pour l’écurie anglaise.
James Hunt profite du départ soudain d’Emerson Fittiapldi chez Copersucar, fondée par son frère Wilson. Il parvient à récupérer son volant chez McLaren et ainsi de disposer d’une voiture de pointe pour aller jouer des victoires et pourquoi pas le titre. Hesketh est au bord de la ruine, à vouloir soutenir son écurie sur ses propres fonds et quitte le navire, ayant ainsi perdu son pilote de pointe. Pour récupérer quelques subsides, il vent ses dernières 308 à Frank Williams, qui voit ensuite son écurie rachetée par Walter Wolf. Il est cependant rejoint par Postlethwaite, qui sait que rester chez Hesketh condamnerait son avenir en F1.
Mais malgré ces coups durs, l’écurie est toujours sur la grille en 1976 grâce à Anthony Horsley, qui engage des 308D conçues par Postlewhaite avant son départ. Harald Ertl se retrouve ainsi propulsé premier pilote et se voit épaulé par Guy Edwards à partir du Grand Prix de Belgique. L’Anglais se démarque cependant par son sponsor, qui n’est autre que le magazine de charme Penthouse en association avec Rizla, fabricant de feuilles de tabac à rouler.
Fondé en 1965, le magazine avait pour objectif de concurrencer Playboy avec à la fois des articles de fond sur divers sujets mais aussi – et surtout – des photos plus osées que pour ce dernier. Cependant, si le nu est bien souvent mis à l’honneur dans ses pages, il était évident que cela serait très mal vu sur une Formule 1. John Surtees en fait alors l’expérience avec son nouveau sponsor qui n’est autre que Durex, mais nous aurons l’occasion d’en reparler…
C’est ainsi qu’Edwards se présente avec sa Hesketh 308D sponsorisée par Penthouse et Rizla. L’astuce pour combiner les deux sponsors est toute trouvée : une pin-up tient un panneau Rizla entre ses mains, tandis que les deux marques s’affichent sur le reste de la voiture. Si James Hunt peut jalouser un tel sponsor, partir pour McLaren a été le meilleur choix de sa carrière vu qu’il joue (et gagnera) le titre mondial. Les Hesketh elles végètent en fond de grille quand elles parviennent à se qualifier et ne terminent jamais dans les points. Leur seul fait d’armes sera sur la Nordscheleife, lorsque Ertl et Edwards porteront secours à Lauda.
Pour 1977, Guy Edwards est remplacé par le jeune Sud-Africain Rupert Keegan, qui récupère la nouvelle Hesketh 308E toujours sponsorisée par Penthouse. La voiture s’affiche ainsi en bleu nuit avec quelques sponsors supplémentaires, mais toujours avec la même pin-up qu’en 1976, portant un panneau Rizla. Elle est accompagnée d’une autre pin-up qui elle apparaît sur chaque côté du cockpit avec le même panneau, tandis que le nom du magazine apparaît un peu partout sur la carrosserie. En piste cependant, si Keegan parvient à se qualifier à chaque Grand Prix et parfois même en milieu de grille, il ne finit jamais dans les points. Ertl, Rebaque et Ashley vont eux souvent buter sur l’obstacle de la qualification. La 308E aura cependant les honneurs de la une de Penthouse durant cette année 1977.
Alors qu’Hesketh termine sa carrière dans l’anonymat le plus total, Keegan conserve Penthouse et Rizla comme sponsors qui s’afficheront plus discrètement sur les voitures qu’il pilotera en Formule 1 et en Aurora AFX Series (le championnat britannique). Fini les pin-up, on ne retrouve désormais plus que le nom du magazine sur les voitures, un marketing moins tape à l’œil que l’on verra sur des Arrows, Williams et autres Theodore, toutes pilotées par Keegan. Quant à son ancienne Hesketh 308E, il est toujours possible de la voir lors de divers événements historiques, notamment à Goodwood où, pilotée par Michael Lyons, elle avale la célèbre course de côte en à peine plus de 46 secondes.
Ce sponsoring est témoin d’une époque où malgré les paradoxes, une certaine liberté était laissée pour le sponsoring des voitures, en particulier pour les plus petites écuries qui avaient des difficultés. Or Bernie Ecclestone a au fil des ans lissé le sport tout en le rendant plus sélectif pour aussi plaire au plus grand nombre et lui rapporter des centaines de millions d’euros. Il serait impensable de retrouver une livrée aussi osée en 2020 dans les plus grandes compétitions automobiles (bien qu’il y ait quelques contre-exemples, comme la Porsche 911 GT2 « Naked Lady » de Wolinski ayant couru aux 24 Heures du Mans 1998). Qui plus est, avec notamment la suppression des grid girls en F1 et les questions sociétales sur les droits des femmes, une telle décoration serait de mauvais goût et vaudrait une sérieuse polémique à quiconque oserait pareil exercice de style.
Partager :
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Twitter(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Pinterest(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Plus
- Cliquez pour partager sur Reddit(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Tumblr(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Skype(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
- Cliquez pour partager sur Pocket(ouvre dans une nouvelle fenêtre)
Articles similaires
Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.