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Les pires Ferrari de l’histoire : Ferrari F92A, clap de fin pour Capelli

Seule écurie présente en Formule 1 depuis 1950, la Scuderia Ferrari possède un palmarès inégalé dans la discipline. 16 titres constructeurs, 238 victoires, 9 pilotes champions du monde sur les monoplaces rouges, et des voitures iconiques comme la F2004 ou la 500 F2. Mais au milieu de tous ces titres et honneurs, la firme italienne a parfois fait des monoplaces clairement ratées. La dernière SF1000 doit ainsi plus ses deux podiums au talent et à la chance de Charles Leclerc qu’autre chose tant elle se traîne en piste. Elle est cependant loin d’être la Ferrari la plus loupée de l’histoire, comme nous allons vous le montrer ce mois-ci. Retour aujourd’hui sur la F92A, qui doit ses seuls résultats à la persévérance de Jean Alesi.

La saison 1990 avait comme un air de renouveau pour Ferrari. Marquée par l’arrivée d’Alain Prost dans le giron rouge, elle avait vu le pilote français se battre pour le titre face à son éternel rival Ayrton Senna. Cependant, le Brésilien remportait le titre à Suzuka dans les circonstances que l’on sait, avec cet accrochage dans le premier virage. Côté constructeurs, McLaren raflait la mise malgré six victoires à mettre à l’actif de la Scuderia, dont cinq pour Prost.

Mais la Scuderia se trompe complètement sur la direction à prendre pour la monoplace de 1991. La 642 n’est qu’une évolution de la précédente 641, et se révèle rapidement moins performante que les Williams et McLaren qui dominent la hiérarchie. Qui plus est, si Alesi accomplit son rêve d’enfant de courir chez Ferrari (en ayant possiblement raté la chance de sa vie en déclinant une offre de Williams), Prost est plus que dubitatif. Il est conscient que cette 642 est une erreur, et ses relations avec les dirigeants de Maranello sont plus que tendues…

Cette 642 ne fera que six courses, avant d’être remplacée par la 643, certes plus performante mais qui ne gagnera pas une seule course. Excédé, Prost ne retient plus sa colère contre Maranello et va payer le prix fort. Après le Grand Prix du Japon, il estime sa direction si dure que selon lui, « un bon chauffeur de camion avec de gros bras aurait pu faire aussi bien ». Hélas, la presse F1 va réduire ses propos à « Prost compare sa Ferrari à un camion ! », et il se voit ainsi viré avant même la dernière course à Adélaïde. Il est remplacé par Gianni Morbidelli, qui sauve un demi-point d’une course qui n’aura duré que 14 tours.

Gianni Morbidelli rejoint Ferrari par intérim

Auteur d’une saison plutôt satisfaisante compte tenu du matériel dont il disposait (21 points dont trois podiums), Alesi est logiquement reconduit pour 1992. Son nouvel équipier est l’Italien Ivan Capelli, qui décroche là un volant en apparence bien meilleur que celui de March. Il a déjà réussi trois podiums, et frôlé la victoire lors du Grand Prix de France 1990. Il avait dû laisser la victoire à Prost à seulement deux tours de la fin, handicapé par des problèmes mécaniques… Toutefois, il ne se doute pas que cette saison sera si catastrophique qu’elle mettra presque un terme à sa carrière.

La nouvelle arme de Ferrari pour cette saison 1992 est donc la F92A. Enfin nouvelle arme, tout reste relatif car cette nouvelle monoplace se révèle rapidement hors du coup. Signée Jean-Claude Migeot, elle présente un concept vraiment intéressant avec un système de double fond plat avec des pontons de style « avion de chasse ». C’est un système très différent de ce qui se fait chez les autres écuries, tandis que le V12 est lui annoncé à 725 chevaux, pour une voiture de 505kg seulement (250 de moins qu’aujourd’hui !). Alesi se veut optimiste, et déclare avant le début de la saison que « c’est une monoplace saine, bien équilibrée et riche d’une impressionnante marge de progression ». Il ne le restera pas bien longtemps…

Les deux premières courses tirent une sonnette d’alarme : aucune arrivée et trois casses moteur ! Le quatrième abandon vient d’un accrochage en début de course au Mexique entre Capelli et Wendlinger… alors que l’Italien partait seulement 20ème ! Alesi est bien plus lucide sur sa monoplace en arrivant au Brésil, la trouvant instable et poussive au point de monter les moteurs de 1991 ! Cette solution permet ainsi aux deux pilotes de terminer quatrième et cinquième à un tour des Williams et de ramener leurs premiers points de la saison. En Espagne, l’Avignonnais parvient même à arracher son premier podium de la saison alors que Capelli part à la faute dans les derniers tours alors qu’il était sixième.

Jean Alesi au volant de sa Ferrari F92A en Australie

Si « Jeannot » est applaudi par les tifosi après sa superbe course en Catalogne, Imola ramène les Rouges à la dure réalité. Les deux F92A abandonnent alors, et Alesi perd un nouveau podium. En coulisses, les ingénieurs essaient de nouvelles choses mais rien ne marche sur cette monoplace décidément très mal née… La boîte de vitesses transversale ne donne pas satisfaction, et les résultats sont au mieux décevants, au pire inexistants…

Alesi parvient de nouveau à terminer sur le podium au Canada, puis l’ambiance se tend en France. Longtemps troisième sous la pluie, le Français perd son podium face à Brundle en restant trop longtemps en piste avant d’abandonner sur casse moteur, S’ensuit une dispute avec Harvey Postlewhaite qui l’accuse de ne pas avoir écouté l’équipe en s’arrêtant au stands plus tôt. Alesi rétorque qu’il savait ce qu’il faisait en piste, étant au volant et que la casse de son V12 n’est pas de son fait. Ambiance…

Capelli lui est totalement mis sur la touche par Ferrari. A peine considéré comme un numéro deux, il est clairement désavantagé par rapport à Alesi qui reçoit toutes les nouvelles évolutions en priorité. Ses résultats sont juste catastrophiques, sa neuvième place à Silverstone étant sa première arrivée depuis le Brésil… En coulisses, Luca di Montezemolo lui cherche activement un remplaçant pour 1993. Ecrasé par son coéquipier, il nage en plein cauchemar et cherche un point de chute chez Ligier ou Jordan.

Capelli vit mal son aventure Ferrari puisqu'il est remis plus qu'au second plan au sein de l'écurie

Pendant ce temps, John Barnard revient chez Ferrari grâce à un pont d’or offert par di Montezemolo, qui essaie de sauver les meubles comme il peut. En Hongrie, Ferrari fête son 500ème Grand Prix en F1 et une démonstration d’anciennes monoplaces est organisée. Tambay se fend ainsi d’une petite remarque : « On nous demande de ne pas forcer la cadence. Sans doute pour ne pas humilier les Ferrari d’aujourd’hui… ». Il faut dire que Barnard a compris que la F92A devait être remplacée, or il ne pourra pas faire courir une voiture de sa création avant 1994. 1993 s’annonce au moins aussi compliquée… Capelli sauve les meubles avec une sixième place, son dernier point en Formule 1.

En Belgique apparaît la nouvelle Ferrari F92AT, avec le T pour « transversale » en référence à la nouvelle boîte de vitesses installée sur la monoplace des Rouges. Seul Alesi dispose de cette nouvelle voiture, alors que Capelli doit garder la F92A classique. Ce dernier, qui sait déjà qu’il ne courra pas pour la Scuderia en 1993, sera remplacé par le revenant Gerhard Berger, qui sort de trois saisons éprouvantes chez McLaren aux côtés d’Ayrton Senna. Alesi abandonne après avoir calé son moteur alors que Capelli casse le sien dans le 25ème tour, alors qu’il était sixième… Pour l’Italie, les V12 sont gonflés à bloc pour espérer un résultat… qui sera un double abandon dans le 12ème tour alors que les deux voitures étaient dans les points. Le Grand Prix du Portugal est le dernier de Capelli pour Ferrari, qu’il termine sur un dernier abandon sur casse moteur.

Pour les deux derniers Grands Prix, seul Alesi dispose d’une voiture capable de jouer les points. Nicola Larini se retrouve lui au volant d’un laboratoire roulant. Il dispose en effet d’une Ferrari F92A équipée d’un système de suspension active qui rend sa monoplace 30kg plus lourde. L’objectif est simple : accumuler du roulage pour utiliser ce système sur la F93A de l’an prochain. Toutefois, il a fallu toute la sagesse de Niki Lauda pour éviter un forfait sur ordre de Montezemolo… Si Larini termine les deux dernières courses au-delà du top 10, Alesi parvient à ramener cinq points lors de ces deux rendez-vous aux antipodes.

Nicolas Larini

Avec 21 points marqués et la quatrième place du championnat constructeurs, Ferrari obtient son pire résultat depuis 1980 et l’abominable 312 T5. Seulement deux podiums, aucune pole, aucun tour en tête, aucun meilleur tour en course : cette saison fut un naufrage presque total. Si Alesi a pu se sauver en quelques occasions, Capelli s’est complètement noyé et a vu son rêve virer au cauchemar. Il jettera définitivement l’éponge après deux Grands Prix pour Jordan en 1993 et une non-qualification au Brésil.

Alors, pourquoi la F92A fut aussi lente et peu fiable ? Dans une récente interview accordée à Motorsport.com, Alesi affirmait que « le moteur souffrait d’un blow-by, c’est-à-dire qu’il y avait une fuite d’huile des anneaux de piston dans la chambre de combustion. Cela provoquait la perte de 40 à 50 chevaux. Mais dans la tradition de Ferrari, on ne pouvait pas dire que c’était la faute du V12. Au lieu de cela, la faute a été attribuée à la voiture – ce qui est dommage car le concept était intéressant. »

Jean-Claude Migeot, qui a conçu la F92A expliquait ensuite que toute tentative de développer la voiture était un échec, car personne ne partait dans la bonne direction. Mettre en cause le V12 eut été un blasphème sans pareil en Italie, alors qu’il était responsable de tous les maux. De plus, la boîte transversale était également une erreur selon lui car elle perturbait le flux d’air des deux canaux des fonds plats et la ralentissait encore davantage. Son idée était pourtant bonne car cela générait une forte adhérence : Alesi en avait fait la démonstration à Magny-Cours sur piste humide en étant le dernier à rentrer aux stands pour passer en pneus pluie. Qui plus est, ces problèmes d’huile obligeaient Ferrari à installer un radiateur d’huile supplémentaire, ce qui perturbait le réglage de la suspension avant à mono-amortisseur…

En bref, la Ferrari F92A est une voiture qui aurait pu avoir un potentiel intéressant si elle n’avait pas tant été plombée par son moteur. Son V12 raté a totalement perturbé son développement, et plutôt que de reconnaître ses erreurs, la Scuderia a accusé son département aérodynamique de cet échec cuisant. Si Alesi a pu finir six fois dans les points avec deux podiums et ainsi sauver sa saison, Capelli a lui ruiné sa carrière dans la discipline avec cette monoplace. Incapable d’en tirer quoi que ce soit, il n’a même pas fini la saison, mais reste encore aujourd’hui le dernier Italien titularisé par Ferrari (Larini, Badoer et Fisichella n’ont assuré que des remplacements).

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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