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Les pilotes français chez Renault : Jean-Pierre Jabouille, l’homme des premières

Cela fait quelques jours que l’information est officielle : Esteban Ocon pilotera pour Renault pour 2020. Il remplace donc Nico Hülkenberg et devient le cinquième pilote français à piloter à temps plein pour Renault, Romain Grosjean n’ayant assuré qu’une sorte d’intérim en 2009. Retour ce mois-ci sur les quatre mousquetaires qui ont piloté les monoplaces de la Régie entre 1977 et 1985.

Le Grand Prix de Grande-Bretagne 1977 aurait pu être une épreuve comme une autre, mais cette course voit l’apparition d’une technologie alors toute nouvelle en Europe mais qui va révolutionner la discipline : le moteur turbocompressé. La BMW 2002 Turbo, première voiture de série européenne équipée d’un tel dispositif n’a alors que 4 ans, mais les hommes de Renault Sport voient le premier accomplissement d’un pari totalement fou qui va s’avérer plus que payant.

Ce projet est né 1973, mais le turbocompresseur n’est pas encore à l’ordre du jour. François Guiter, spécialiste publicité et marketing chez Elf, parvient à convaincre Renault de concevoir un moteur de course pour le circuit. Si l’idée originale est de concevoir un moteur destiné à la Formule 2, l’objectif est clair : avoir un groupe propulseur capable d’équiper une Formule 1. Mais il est hors de question de faire comme tout le monde, et en reprenant la règle d’équivalence en vigueur au début des années 50, c’est un V6 turbo d’1,5L qui est mis en chantier.

Jean-Pierre Jabouille est le pilote des premiers tests sur un prototype de Formule 1, l’A500. Lors de tests à Jarama en 1976, il est effaré du temps de réponse de ce fameux turbo, qui est de 4 secondes, soit une éternité en sport automobile ! Le chemin à parcourir semble encore bien long, mais les hommes de Renault Sport ne se découragent pas et poursuivent leurs efforts. Un châssis spécifique est mis en chantier, et en ce Grand Prix de Grande-Bretagne 1977, la Renault RS01 prend pour la première fois la piste au niveau mondial.

Hélas, une fois de plus le travail à accomplir est encore important. Jabouille, au volant de la seule Renault au départ, ne se qualifie que 21ème et abandonne après un problème au niveau du collecteur d’admission. La RS01 ne revient pas avant Zandvoort, et en 4 courses, Jabouille se qualifie trois fois sans jamais rallier l’arrivée. Il parvient cependant à se qualifier 10ème aux Pays-Bas, et cette technologie du turbo va démontrer peu à peu tout son potentiel.

Il reste l’unique pilote de la Régie pour 1978, qui préfère se concentrer sur une seule voiture pour améliorer les choses et éviter de se fourvoyer. De plus, Renault mène un double programme en Endurance, avec en point d’orgue la victoire au 24 Heures du Mans cette année-là, avec Pironi et Jaussaud. Jabouille lui voit les performances de sa RS01 sensiblement s’améliorer, en particulier en qualifications où il collectionne les tops 10, avec même deux troisièmes places. Cependant, la « théière jaune » ainsi surnommée par les journalistes outre-Manche le trahit à de nombreuses reprises. 10ème à Monaco pour sa première arrivée, il n’est classé que 4 fois au total mais les progrès se confirment, avec une 4ème place aux Etats-Unis Est, les premiers points de Renault en F1 !

1979 commence encore avec la vénérable RS01 et l’arrivée d’un second pilote dont on reparlera : René Arnoux. Jabouille montre cependant que la théière est capable de jouer devant, avec sa première pole en Afrique du Sud qu’il ne peut concrétiser, à cause d’une énième casse moteur. Cependant, la RS10 à effet de sol fait son apparition et est équipée désormais de deux turbos plus petits afin d’assurer une meilleure fiabilité. Et à Dijon, le miracle se produit puisque Jabouille gagne la course après avoir signé la pole, une juste récompense pour celui qui s’échine à mettre au point ce moteur turbo depuis 3 ans. C’est la première victoire d’un moteur turbo en F1, ce qui deviendra la règle 6-7 ans plus tard. Hélas, s’il reste rapide en qualifications en signant au total 4 poles cette saison, il ne termine plus une seule course tant la fiabilité de sa voiture est désastreuse.

Il est cependant conservé avec Arnoux pour 1980 avec la nouvelle Renault RE20, qui n’est finalement qu’une RS10 remaniée et mise au point. Mais la malchance ne va pas l’épargner, à tel point que malgré six premières lignes dont deux poles positions, il ne termine que deux courses ! Plus étonnant encore, il termine 10ème à Long Beach… et il gagne en Autriche ! Décidément, il est bien mal récompensé de tant d’efforts à développer cette technologie complexe, classé seulement 10 fois en 45 départs, avec pourtant deux victoires !

Fin 1980, il quitte le navire Renault, remplacé par un jeune loup français en provenance de McLaren, un certain Alain Prost, alors un des grands espoirs de la F1 française. Il arrête sa carrière en 1981 après six Grands Prix chez Ligier, en cruel manque de performances et de résultats. Quand on voit les performances qu’il réalisait en qualifications et comment il parvenait à les concrétiser en course, si la mécanique ne faisait pas des siennes, il ne fait aucun doute qu’il aurait pu atteindre les sommets de la discipline. Membre de la « French Connection » des années 70-80, il aurait pu viser plus haut sans une voiture aussi capricieuse et difficile à mettre au point, d’autant plus que Renault se révélera en mesure de se battre pour les titres mondiaux… mais ceci est une autre histoire.

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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