Grand Prix d’Emilie-Romagne : la course qui signe le clap de fin pour Albon ?
Le retour de la Formule 1 à Imola aura été quelque peu similaire au Grand Prix du Brésil 2019 : une course aux allures de purge mais au final haletant. Si les Mercedes ont réalisé leur doublé habituel en qualifications puis en course, derrière ce fut plus animé. Au milieu de toutes ces batailles, il est un pilote qui a possiblement tout perdu : Alexander Albon.
Cela faisait 14 ans qu’Imola n’était pas programmé au calendrier de la Formule 1. Originellement programmé en 1980 pour remplacer Monza pour le Grand Prix d’Italie, il avait été ensuite conservé dans le calendrier de 1981 à 2006. Le Grand Prix de Saint-Marin avait ainsi vu de tout, des victoires aux drames mais aussi des courses aux allures de processions. Ainsi lors de l’édition 2006, Tiago Monteiro reste le seul pilote à avoir réussi un dépassement en piste ! Certains pilotes comme Hamilton se montrent pessimistes et anticipent « une course ennuyeuse » …
Le siège dont tout le monde parle est celui de second pilote chez Red Bull. Albon est ainsi sur la sellette depuis plusieurs Grands Prix et un ultimatum lui a été posé : il doit signer deux belles courses au Portugal et en Emilie-Romagne pour garder son volant. Mais la course de Portimao fut plus que compliquée pour le Thaïlandais, anonyme 12ème à un tour de son coéquipier ! Et dire que l’an passé Gasly avait connu pareille mésaventure en Hongrie en terminant pourtant 7ème… Autant dire que cette course est plus que décisive pour Albon : ça passe ou ça casse.
La piste « à l’ancienne » d’Imola est un régal pour les pilotes, bien loin des tracés aseptisés qui surpeuplent le calendrier en temps normal. Russell et Grosjean entre autres ne se privent pas de partager leur plaisir à la radio, bien que ne disposant que d’une seule séance d’essais libres pour redécouvrir le tracé. En qualifications, les Mercedes monopolisent la première ligne, mais le poleman se nomme Bottas ! Verstappen est lui en deuxième ligne, accompagné par… Gasly ! Le Français n’en finit plus d’impressionner son monde et égale sa meilleure performance en qualifications. Preuve de la forme des AlphaTauri, Kvyat est huitième, sa première Q3 de la saison. Albon lui ne fait pas mieux que sixième, ce qui est de mauvais augure pour la suite.
Au départ, Bottas conserve l’avantage devant Verstappen et Hamilton, mal parti. Ce dernier a même dû défendre de façon agressive sur Gasly, auteur d’un excellent départ mais forcé de lever le pied pour éviter l’accrochage. Le Français se retrouve ainsi cinquième derrière Ricciardo, tandis qu’Albon n’est que septième… menacé par Kvyat qui sera éjecté d’AlphaTauri en fin de saison. Encore une course compliquée qui se profile pour le Thaïlandais, bloqué dans le peloton.
Le premier coup de théâtre survient dans le neuvième tour, lorsque Pierre Gasly est appelé par son stand pour abandonner. Un problème de pression d’eau n’a pu être résolu sur la grille, et le moteur ne tiendrait pas les 300km de course… Le Normand doit donc rendre les armes, la mort dans l’âme car il pouvait viser un superbe résultat. Tout le monde derrière lui gagne une place, mais les seuls dépassements sont dus à des stratégies décalées. Les pilotes en pneus softs s’arrêtent dans le premier quart de course, alors que ceux en médiums continuent leur ronde dominicale.
En tête, Verstappen choisit de s’arrêter en premier pour passer les pneus durs dans le 19ème tour, bloqué par Bottas. Le Finlandais réplique dans le tour suivant et repart devant le Hollandais, mais devant Hamilton a pris les commandes de la course et aligne les meilleurs tours en course pour tenter un overcut. Verstappen est lui bloqué derrière Bottas, qui est en plus en proie à des problèmes aérodynamiques. Derrière rien ne bouge ou presque, excepté Pérez, Vettel, Räikkönen et Latifi qui poursuivent leurs relais en médiums et pointent aux quatrième, cinquième, sixième et septième rang.
Dans le 29ème tour, les drapeaux jaunes sont agités dans la Variante Alta, puisque la Renault d’Ocon y est arrêtée. L’embrayage a rendu l’âme… Une course décidément à oublier pour les tricolores… Hamilton est décidément sous le signe de la chance, puisque la voiture de sécurité virtuelle est déployée pile au moment de son arrêt ! L’overcut est une réussite : il repart toujours en tête avec trois secondes d’avance sur un Bottas en perdition. Il contient malgré tout Verstappen derrière lui, ce qui permet au n°44 de s’envoler vers sa 93ème victoire en Grand Prix. Alors quatrième, Vettel rentre aux stands pour son seul arrêt, mais ses mécaniciens perdent une dizaine de secondes à cause de pistolets récalcitrants. Encore une course à oublier pour l’Allemand…
Deux tours plus tard, c’est un Bottas toujours en délicatesse avec sa voiture qui se loupe dans Rivalta et passe par les graviers. Ni une ni deux, Verstappen ne se fait pas prier et double la Mercedes dans Tamburello pour récupérer sa deuxième place. Hamilton échappé devant, il ne peut rien espérer de mieux. Derrière, c’est Räikkönen qui n’en finit plus d’épater son monde : il est quatrième grâce à sa stratégie décalée et résiste à Pérez ! Il s’arrête finalement dans le 49ème tour… mais va amèrement regretter sa décision.
Deux tours plus tard, coup de tonnerre sur Imola : Max Verstappen est dans les graviers ! Son pneu arrière-droit a explosé et envoyé sa Red Bull dans de décor, le contraignant à l’abandon. La safety car est automatiquement déployée, et les stratégies divergent selon les écuries : certains pilotes s’arrêtent alors que d’autres décident de garder leurs gommes. Alors dixième et en passe de marquer son premier point en Formule 1, Russell perd le contrôle de sa Williams dans la descente vers Acque Minerale. C’est l’abandon pour le pilote anglais, terriblement frustré par une telle erreur. Il reçoit par la même occasion le soutien inconditionnel des fans de la discipline, aussi déçus que lui de ce qui vient de se passer. Romain Grosjean n’avait pas eu droit au même traitement à Baku il y a deux ans…
A cruel blow for @Max33Verstappen 😔 #ImolaGP 🇮🇹 #F1 pic.twitter.com/nu9yCLlUkF
— Aston Martin Red Bull Racing (@redbullracing) November 1, 2020
Il ne reste donc que six tours, et les deux Mercedes partent vers le doublé. Au jeu des arrêts aux stands, Ricciardo est troisième, devant Leclerc, Albon, Pérez, Kvyat, Sainz, Norris et Räikkönen malgré tout dans les points. Albon se retrouve ainsi à jouer à quitte ou double : il peut sauver son siège en terminant troisième comme signer son arrêt de mort à la moindre erreur. Et le podium va vite s’envoler… Si comme prévu les Mercedes s’envolent, derrière Kvyat est littéralement déchaîné avec ses pneus neufs et s’offre le scalp d’Albon et de Pérez, avant de doubler Leclerc à l’extérieur dans Rivazza et ce sans sortir de la piste ! Albon lui met peut-être un terme à sa carrière en Formule 1 : il perd le contrôle de sa Red Bull à la sortie de Villeneuve et part en tête-à-queue.
Le classement lui ne bouge plus après l’erreur du Thaïlandais : Hamilton remporte son 93ème Grand Prix devant Bottas et Ricciardo, qui signe son second podium en trois courses. Kvyat termine quatrième, de loin son meilleur résultat de la saison, devant Leclerc qui aura su résister à Pérez jusqu’au bout pour accrocher le top 5. Albon termine bon dernier sans pouvoir accrocher le meilleur tour en course : Hamilton a tourné en 1’15’’484, soit deux secondes plus vite que quiconque excepté Bottas et Albon !
Seul Kvyat aura donc ramené des points au clan AlphaTauri avec une quatrième place totalement inespérée. De quoi mettre du baume au cœur de Franz Tost après l’abandon précoce de Pierre Gasly. Mais chez Red Bull, les tensions ne font que s’accentuer course après course. Si Verstappen a visiblement été victime d’un bris mécanique, Albon lui n’en finit plus de couler au fur et à mesure que la saison avance. Qu’elle semble loin sa troisième position en Toscane… Il n’a marqué qu’un point sur les quatre derniers Grands Prix et s’est ainsi loupé sur les deux courses décisives pour son avenir.
Albon va-t-il rester en F1 ? Qui pour le remplacer s’il part ?
Avec ces deux dernières courses désastreuses, nul doute que l’avenir du Thaïlandais est plus en danger que jamais. Ce dernier est en sursis jusqu’au Grand Prix d’Abou Dhabi et on sait désormais que Marko et Horner ne feront pas de sentiments et n’hésiteront pas à l’évincer de chez Red Bull, mais pour aller où ? On a ainsi plus ou moins compris que Yuki Tsunoda sera le second pilote AlphaTauri pour 2021, et que tous les autres baquets sont pris. On annonce ainsi Mazepin et Schumacher chez Haas, ce qui signifierait qu’Albon serait mis sur la touche.
Le Thaïlandais pourrait sans mal se reconvertir dans d’autres disciplines, telles que la Formule E, l’Endurance, le GT, voire pourquoi pas la Super Formula. Ce serait cependant un indéniable coup dur porté à son moral, surtout qu’il ne serait pas sûr de revenir dans la discipline à court voire moyen terme.
Pour ce qui est de ses remplaçants, Sergio Pérez et Nico Hülkenberg semblent être en pole position pour ce baquet. Le Mexicain a ainsi terminé toutes les courses qu’il a disputé cette année dans les points. Rapide, expérimenté, régulier et doté d’un gros sponsor, il a tout pour plaire à Red Bull d’autant plus que comme Marko l’a annoncé, il cherchera un second pilote hors de l’académie interne. Nico Hülkenberg pourrait aussi sauter sur l’occasion, bien aidé par ses superbes piges pour Force India. Celle de l’Eifel reste la plus impressionnante, avec une huitième place obtenue sans roulage avant les qualifications !
Et Pierre Gasly alors ? Le Français a été mis hors du coup d’entrée de jeu par Horner et Marko, qui l’ont prolongé chez AlphaTauri pour 2021 aux côtés du japonais Yuki Tsunoda à qui il ne manque plus que la super licence (qui sera confirmée après le dernier Grand Prix de F2 à Bahreïn). C’est en soi une bonne nouvelle pour le Normand, qui tel le phoenix renaît de ses cendres depuis son éviction de Red Bull et la mort d’Anthoine Hubert. Second au Brésil l’an dernier, victorieux à Monza cette année, il enchaîne les performances de premier ordre et prouve que la réputation qui lui a été faite chez Red Bull était fausse.
La faute en revient-elle donc à la gestion faite de la seconde voiture par Red Bull ? Depuis le départ de Ricciardo fin 2018, Red Bull tâtonne pour trouver un numéro 2 à la hauteur. Kvyat avait fait les frais de la montée en puissance de Verstappen en 2016, et ni Gasly ni Albon n’ont pu rivaliser avec le Néerlandais. Un problème analogue à la situation de Honda-Repsol en MotoGP l’an dernier : alors que Marquez enchaînait les victoires et les podiums, Lorenzo n’était que l’ombre de lui-même, un triple champion du monde incapable de performer. La Red Bull serait-elle ainsi uniquement conçue pour Verstappen, obligeant le numéro 2 à s’adapter ? Seuls les cadres de l’écurie de Dieter Mateschitz savent exactement ce qu’il en est, et seul l’avenir nous dira ce qu’il en est réellement…
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.