Les présentations de voitures insolites : Jordan, à la gloire des sponsors ou du propriétaire
Qui dit mois de février dit lancement des monoplaces pour la nouvelle saison qui arrive. C’est l’occasion de présenter les nouvelles voitures ainsi que les pilotes, avec la livrée qui va avec. Si aujourd’hui la plupart des lancements se font dans la sobriété, certaines écuries ont eu par le passé fait dans l’extravagance ou l’inhabituel. Jordan est le sujet de ce deuxième épisode avec les présentations de ses F1 en 2002 et 2005.
De toutes les écuries créées dans la période 1985-1992, Jordan est la seule à avoir approché les sommets de la discipline. Arrivée en 1991 dans la discipline, elle se fait remarquer par une magnifique livrée verte, à la fois couleur de l’Irlande d’Eddie Jordan et du sponsor-titre 7-Up. Si les performances sont fluctuantes, l’équipe s’affirme comme un solide concurrent de milieu de grille, capable d’aller chercher des podiums si l’occasion se présente.
Le premier exploit de l’écurie reste le Grand Prix de Belgique 1998. Après le carambolage du départ et divers accidents en piste, seule Jordan ramène ses deux voitures à l’arrivée, qui plus est aux deux premières places pour ce qui reste le seul doublé de l’écurie irlandaise. Jordan avait même ordonné à ses pilotes de geler les positions pour éviter un accrochage… Mais la révélation se produit en 1999 avec Heinz-Harald Frentzen. La paire réalise la saison de sa vie, avec deux victoires et de nombreuses performances de premier plan. Un temps en lutte pour le titre mondial, l’Allemand doit se contenter de la troisième place du championnat derrière Irvine et Häkkinen. Ce sera l’apogée de Jordan.
Début 2002, l’écurie sort de deux saisons ô combien compliquées. Elle n’a pas réussi à capitaliser sur son incroyable campagne 1999 et a retrouvé le milieu de grille qu’elle avait quitté le temps d’une saison. Frentzen a signé deux podiums en 2000, puis ni lui ni Trulli n’ont fait mieux que quatrième lors de la saison 2001. Preuve de l’animosité qui règne alors dans l’écurie, l’Allemand finit sa saison chez Prost, échangeant son baquet avec Jean Alesi qui termine sa carrière dans l’écurie irlandaise.
Jordan se doit de réagir pour 2002 et engage un nouveau duo de pilotes. Cinq ans après, Giancarlo Fisichella est de retour au bercail et se retrouve naturellement propulsé leader de l’écurie. Il est accompagné par un jeune Japonais imposé par le motoriste Honda, Takuma Sato. Ce dernier sort d’une saison triomphale en F3 britannique, champion avec 12 succès mais qui a désormais tout à prouver en F1.
La présentation est toutefois organisée dans un lieu insolite : la EJ12 sera dévoilée… dans l’aéroport de Bruxelles ! La scène est mise en place, aux couleurs de l’écurie, mais personne ne sait où est la voiture… qui va arriver de façon pour le moins originale. Juste à côté trône fièrement un énorme Airbus A300 aux couleurs de DHL, sponsor de Jordan et plus grande compagnie de logistique du monde. Tout à cup, la porte de l’Airbus s’ouvre, une plateforme se déploie… et dessus apparaît la Jordan EJ12, descendue et amenée ensuite devant la foule.
Le reste de la présentation est lui plus conventionnel, avec une séance de questions-réponses avec Jordan, Sato et Fisichella puis les photos des pilotes et de la voiture entre autres. On peut cependant voir Fisico songer à une possible reconversion dans l’aviation, pris en photo aux manettes de l’A300 qui surplombe cette présentation.
Cette saison 2002 se révèle aussi compliquée, si ce n’est plus que les saisons précédentes. Fisichella parvient à grapiller quelques points ci et là, tandis que Sato se sauve lors de la dernière course de la saison au Japon. Alors qu’il restait sur une 12ème place sur la grille et une huitième place en course comme meilleurs résultats (tous deux en Allemagne), il réalise une superbe performance à Suzuka, devant son public. Qualifié septième derrière les trois top teams, il termine à une magnifique cinquième place, qui lui offre ses premiers points en F1.
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Cependant, plus les années vont et plus l’avenir s’assombrit pour Jordan. L’abracadabrantesque Grand Prix du Brésil 2003 est un véritable miracle dans un fleuve de désillusions. Fisichella s’impose à la surprise générale (et est déclaré vainqueur deux semaines après la course suite à l’imbroglio final), mais ce sera une performance isolée. Avec seulement trois points marqués sur cette même saison 2003, la Jordan EJ13 devient pour beaucoup la pire monoplace à avoir remporté un Grand Prix de Formule 1. Malgré l’arrivée de Nick Heidfeld, 2004 est du même calibre avec seulement cinq points marqués, dont trois inscrits au Canada… au prix de quatre disqualifications !
L’écurie d’Eddie est au fond du gouffre financièrement et fin 2004, elle est revendue au Canadien d’origine russe Alex Schnaider. Il profite de la manne financière générée par sa société Midland, spécialisée dans le commerce de métaux pour conclure la transaction. C’est la fin pour Jordan, dont le nom est cependant conservé pour la saison 2005. Et pour maquer le coup, la EJ15 à moteur Toyota est présentée sur la Place Rouge de Moscou, dans le cœur de la capitale russe.
Tiago Monteiro et Narain Kartikheyan, le nouveau duo de pilotes (payants) de l’écurie est bien évidemment présent. Ils sont accompagnés des pilotes essayeurs Robert Doornbos et du local Roman Rusinov. Au-delà de cette présentation dans l’hiver russe, le but avoué de Colin Kolles est de donner « un goût de Russie » à l’écurie en référence à Schnaider, le nouveau propriétaire. Il faut dire cependant que la EJ15 brille au milieu de quelques-unes des plus belles œuvres architecturales que nous offre la Russie.
La saison 2005, la dernière de Jordan, ne sera pas à la hauteur de sa présentation. Comme en 2003, il faudra un cataclysme pour marquer de gros points. Il surviendra lors du fameux Grand Prix des Etats-Unis 2005, où toutes les voitures en pneus Michelin furent contraintes à l’abandon avant même la fin du premier tour. Seules six voitures se présentèrent sur la grille : les deux Ferrari, les deux Jordan et les deux Minardi, qui finiront dans cet ordre. Monteiro devient par la même occasion le premier Portugais à monter sur un podium de F1 et savoure le moment, tranchant avec l’embarras visible des pilotes Ferrari.
En dehors de cette course, seul Monteiro ramène un point avec une huitième place en Belgique, une performance d’autant plus remarquable qu’il partait dernier. A défaut d’être rapide, la EJ15 est presque toujours à l’arrivée, avec seulement cinq abandons. Monteiro passe même à une course près de devenir le premier rookie à terminer toutes les courses de la saison (performance réussie par Max Chilton en 2013). Ainsi se termine le chapitre Jordan, qui devient Midland en 2006 non sans avoir présenté sa dernière monoplace dans un écrin d’exception. Avec la présentation de 2002, Eddie Jordan a lui aussi su faire dans l’originalité pour présenter ses modèles de course.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.