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|SERIE| Les porteurs d’eau : Ronnie Peterson, numéro 2 forcé au destin tragique

Après cinq ans de bons et loyaux services, Valtteri Bottas va quitter Mercedes à la fin de cette saison 2021 pour rejoindre Alfa Romeo. Il garde cette image de l’éternel second, et ce malgré un talent indéniable. Il n’est cependant pas le seul pilote à avoir endossé ce costume peu envié. Comme lui, d’autres ont joué les porteurs d’eau, plus ou moins selon leur bon gré. La série s’ouvre cette semaine sur la saison 1978 de Ronnie Peterson, qui allait être sa dernière…

Fin 1977, Ronnie Peterson est dans le doute. Le talentueux pilote suédois végète dans le ventre mou de la grille depuis trois saisons et ne sait que faire pour retrouver l’avant de la grille. Lui qui jouait régulièrement la victoire chez Lotus sort de trois saisons compliquées, où les lauriers se sont fait rares. En 1975, marquer des points avec une Lotus 72E conçue cinq ans auparavant relevait de l’exploit, et Peterson n’y arrive qu’à trois reprises sans jamais monter sur le podium. Son coéquipier Ickx finit second en Espagne, mais dans les circonstances que l’on sait… Et après le premier Grand Prix de la saison 1976, il juge la nouvelle 77 si mauvaise qu’il claque la porte de l’écurie de Colin Chapman et part chez March, elle aussi à la peine. Seule une victoire surprise à Monza sauve la saison du Suédois, seulement sixième par ailleurs. Pire, il finit loin derrière Andretti, qui gagne en fin de saison sous le déluge de Fuji.

Il part donc chez Tyrrell en 1977 et devient le troisième pilote à conduire la fameuse P34 à six roues. Mais pour la première fois de sa carrière, le Suédois montre ses limites. Pilote rapide mais mauvais metteur au point, il est dominé par Patrick Depailler, qui cependant connaît bien l’écurie pour y piloter depuis 1974. L’Auvergnat arrache trois podiums là où Peterson ne finit sur la boîte qu’en Belgique.

Mais son salut va venir de Lotus… à certaines conditions. Son compatriote Gunnar Nilsson est licencié par l’écurie Britannique, lassée de son inconstance. Sa victoire en Belgique n’aura pas suffi à conserver son volant, et le voici donc parti pour Arrows… avant qu’un cancer diagnostiqué en fin de saison le force à abandonner la course automobile. Conscient qu’il n’a pas trop le choix, Peterson se résout donc à retourner chez Lotus, deux ans après avoir claqué la porte au nez de tout le monde.

Mais en deux ans, Lotus est revenue au premier plan. La 78 est en effet la première Formule 1 à exploiter l’effet de sol, et Andretti a signé plusieurs performances probantes à son volant. De plus, il se dit que la 79 en préparation va écraser la concurrence tant le principe de l’effet de sol y est perfectionné et abouti. La concurrence tremble devant une telle menace… Dans cette histoire, Chapman n’oublie pas le comportement de Peterson à son égard deux ans auparavant. S’il engage le Suédois, le contrat est clair et net : il est n°2 de l’écurie et tout va d’abord à Andretti. Après tout, l’Américain était au centre du développement de la 78 puis de la 79, alors pourquoi laisser la place à quelqu’un d’autre ? D’autant plus qu’il a gagné a plusieurs reprises avec la 78, laissant entrevoir de sérieuses chances de titre… Peterson se résout à accepter, en attendant de trouver mieux la saison prochaine.

Et dès l’Argentine, première manche de la saison, il se demande s’il aura la moindre chance de briller. S’il termine cinquième avec sa 78, il a été écrasé par Andretti qui s’est imposé sans être inquiété. Il est malgré tout poleman au Brésil lors de la seconde course mais doit cependant abandonner après un contact avec Villeneuve. Andretti termine quatrième, non sans avoir dû batailler ferme contre lui.

Toutefois, une éclaircie semble poindre en Afrique du Sud. Profitant de l’hécatombe devant lui et du mauvais calcul de Lotus qui laisse Andretti au bord de la panne sèche, Peterson peut attaquer et gagne en dépassant Depailler dans le dernier tour. Le voici à un seul point d’Andretti, mais le contrat reste le même : il est numéro deux quoi qu’il arrive.Mais pour la sixième manche de la saison en Belgique, celle que tout le monde redoutait tant est enfin lancée en Grand Prix : la Lotus 79. Surnommée la « beauté noire », elle semble vouée à écraser cette saison 1978 tant ses pilotes louent ses qualités. Toutefois, seul Andretti y a droit pour cette course, qu’il remporte sans réelle concurrence si ce n’est celle de Gilles Villeneuve. Peterson termine malgré tout second en étant plus rapide en fin de course.

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Gêné en Espagne, il assure un nouveau doublé malgré lui derrière Andretti. Troisième en Suède, il se replace à six points d’Andretti et semble relancer le championnat, mais il doit se contenter d’assurer le doublé lors des Grands Prix suivants. Dans les échappements de son coéquipier toute la course en France, il est contraint d’y rester. Une infamie quand on y pense… Et en Grande-Bretagne, il signe la pole mais laisse Andretti choisir son emplacement sur la grille ! C’est à n’y plus rien comprendre…

Toutefois, il rappelle au peloton de la Formule 1 de quel bois il est fait en dominant la course de bout en bout et en s’imposant avec la manière, là où Andretti abandonne dès le premier tour. Mais bien qu’il honore son contrat de second pilote jusqu’au bout, il estime que la farce a assez duré. Avant le Grand Prix des Pays-Bas, il quitte donc Lotus et rejoint McLaren, qui se sépare d’un James Hunt aux résultats toujours plus décevants. Chapman lui offre un nouveau contrat, mais Peterson refuse : fini de jouer les porteurs d’eau ! Qui plus est, il se retrouve à rester second toute la course derrière Andretti alors qu’il aurait pu le reléguer loin, très loin derrière…

C’est alors qu’arrive le Grand Prix d’Italie. Si Andretti signe la pole, Peterson n’est que cinquième sur la grille à cause de freins récalcitrants. Qui plus est, il détruit sa 79 lors du warm-up ! Et lorsque son agent demande à Chapman de lui en redonner une, ce dernier le renvoie dans ses pénates et ne donne qu’une vieille 78 au Suédois…Le départ va ainsi virer au cauchemar pour le Suédois par la faute d’un starter incompétent. Giovanni Restelli donne ainsi le départ alors que seuls Andretti et Villeneuve sont arrêtés sur la grille. Les voitures de derrière étant plus rapides que celles de devant, le paquet se resserre dangereusement à l’approche du goulot d’étranglement, la première chicane qui n’aura jamais si bien porté son nom… Dans la confusion la plus totale, plusieurs pilotes se fraient un chemin tant bien que mal, mais ce qui devait arriver arriva.

Patrese se retrouve tout à gauche de la piste avec les roues dans l’herbe et revient en piste sur Hunt. Celui-ci braque à droite et percute Peterson qui devient prisonnier d’une boule de métal en feu. Sa Lotus 78 décolle, percute le rail à gauche puis à droite, se désintègre et s’embrase en plein milieu de la piste avant d’être percutée par Brambilla. Et alors que la confusion règne aux abords de la piste, ce sont Regazzoni et Hunt qui l’extraient de sa voiture. Ils doivent même casser le volant de la Lotus pour dégager le pied du malheureux Suédois…

Pendant ce temps, les secours tardent à arriver. Sid Watkins est bloqué par les carabinieri qui ne laissent personne approcher sur les lieux de l’accident, alors que Peterson et Brambilla sont en danger de mort ! Les deux pilotes sont évacués sans réelles précautions en ambulance, tandis que Regazzoni enguirlande sévèrement Ecclestone, lui demandant où est le fameux médecin recruté par la FOCA ! Il faudra donc que James Hunt aille jusque dans les stands chercher Watkins pour l’informer de la situation.

A première vue, Peterson semble tiré d’affaire. Si sa saison est terminée, il ne désespère pas de retrouver la compétition début 1979. On lui compte ainsi pas moins de 27 fractures ! Mais les médecins italiens, au lieu de le rapatrier, décident de l’opérer le soir même. Tout le monde est d’accord et le Suédois s’assoupit paisiblement. Mais dans la nuit, son état de santé s’aggrave brutalement. Une embolie pulmonaire se déclare, et les médecins ne pourront constater que l’agonie du pilote, qui décède le lendemain main. La Suède vient de perdre son plus grand champion, et perd un mois plus tard son plus grand espoir, Gunnar Nilsson succombant à son cancer.

Chapman accusera lourdement le coup, bien qu’au fond il n’y soit pas pour grand-chose. Un fâcheux concours de circonstances a ainsi condamné un numéro 2 qui jamais n’aurait dû être à cette place. Si Peterson fut incroyablement conciliant et diplomate, nul doute que le Suédois ne supportait pas cette situation indigne d’un pilote de son talent. Il a surtout agi par intérêt, conscient qu’il avait là une chance unique de sauver sa carrière. Mais il avait prouvé à tout le monde qu’il n’avait absolument rien perdu de son talent, ni de sa vitesse. Et qui sait ce qu’il aurait pu tirer de la McLaren en 1979…

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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