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Les Grands Prix perturbés : Espagne 1980, victime de la guerre FISA-FOCA

À cause de l’épidémie de COVID-19 qui fait rage dans le monde entier, toute la saison 2020 de Formule 1 est compromise. Les Grands Prix d’Australie et de Monaco ont été purement et simplement annulés, tandis que d’autres ont été reportés, avec un début de saison prévu au plus tôt le 14 juin, au Canada. Ce n’est cependant pas la première fois que certains Grands Prix soient perturbés, au point parfois de virer à la farce. Retour sur le Grand Prix d’Espagne 1980, exclu du championnat du monde.

La saison 1980 est marquée par une guerre sans merci entre les deux grosses fédérations qui régissent la F1. Deux camps s’affrontent, avec d’une part la Fédération Internationale du Sport Automobile (FISA), dirigée par Jean-Marie Balestre et d’autre part la Formula One Constructors Association (FOCA) menée par Bernie Ecclestone. Ainsi, les deux associations n’arrivent pas à se mettre d’accord sur la redistribution de l’argent mais surtout s’écharpent sur la question de la réglementation technique.

En effet, Renault a montré que les moteurs turbos pouvaient permettre de gagner des Grands Prix, avec la victoire de Jabouille à Dijon. Fini l’histoire de la théière jaune qui ne finissait pas une course, désormais le turbo est une technologie vouée à gagner. De plus, Ferrari et Alfa Romeo se rangent derrière la FISA avec Renault, car ils développent eux aussi des moteurs turbocompressés. Cela conforte Balestre qui non content de favoriser les turbos, réclame l’interdiction de l’effet de sol à compter de 1981.

Cela irrite au plus haut point Ecclestone, qui représente presque tout le reste du plateau (exception faite d’Osella). En effet, ce changement de réglementation serait totalement dirigé contre la plupart des équipes affiliées, et ce pour deux raisons :

Scheckter à la tête de la GPDA

Qui plus est, une troisième force est présente (bien qu’ayant un impact mineur) en la présence du Grand Prix Drivers Association (GPDA). Menée par Jody Scheckter, elle est cependant rapidement mise à mal, incapable de faire annuler le Grand Prix du Brésil et accusée par la FOCA de faire le jeu de la FISA (Scheckter et Arnoux pilotant pour Ferrari et Renault).

La guerre éclate vraiment à partir de Zolder, avec notamment le boycott des briefings d’avant course par les pilotes d’écuries alliées à la FOCA. L’escalade est inévitable, et c’est dans un climat tendu qu’arrive le Grand Prix d’Espagne, septième manche de la saison. À la suite de ce boycott, les pilotes fautifs ont reçu des amendes, mais aucune d’entre elles n’a été payée. La FOCA fait donc pression en demandant la levée de ces amendes, et le Real Automovil Club de España (RACE) propose même de payer les amendes pour sauver la course, ce que Balestre refuse.

La situation est ainsi chaotique… au point que la course va se dérouler « sous les auspices de la FIA », ce qui implique de ne pas reconnaître l’autorité de la FISA. Face à cette situation, les légalistes refusent de courir dans l’illégalité, et de nouvelles négociations s’ouvrent entre Ecclestone et les dirigeants des écuries légalistes. Le capharnaüm est total, personne à l’extérieur ne sait ce qu’il va se passer, si un accord sera trouvé ou non. Finalement, aucun accord n’est trouvé, et les légalistes quittent Jarama après le départ de Balestre. Ecclestone maintient que Piccinini, le directeur de Ferrari était le plus déterminé, les 312 T5 étant juste lamentables…

Ecclestone et Balestre

La joie du grand argentier est hélas de courte durée. Balestre est parti avec Renault, Ferrari et Alfa Romeo, mais aussi une grande partie des médias internationaux. C’est ainsi que le Grand Prix ne sera diffusé en direct qu’en Espagne, au grand dam d’Ecclestone et des sponsors. Autant d’argent qui va être perdu, et une visibilité qui se révèle plus que dépendante de la FISA… Car on a beau dire, mais aucune écurie n’a l’aura de Ferrari.

C’est ainsi que le Grand Prix a tout de même lieu dans l’illégalité la plus totale. Osella décide quand même de courir (bien que ralliée à la FISA), mais renomme sa voiture Denim (du nom de son sponsor) afin d’éviter toute sanction. Les Ligier et les Williams occupent les deux premières lignes, devant Piquet et Prost qui court alors son septième Grand Prix en carrière. La course est en soi assez anecdotique, avec seulement six voitures à l’arrivée. Jones s’impose devant Mass et De Angelis. Patrick Gaillard parvient à terminer sixième avec sa modeste Ensign, tandis que Cheever avec son Osella casse sa boîte à 12 tours de la fin alors qu’il était troisième…

Cependant, Jones se doute que le Grand Prix sera annulé vu le déroulé des événements, et la logique sera appliquée dès le lendemain. La FIA se retrouve ainsi à Athènes pour statuer sur la légalité du Grand Prix et le verdict est sans appel. Le prince de Metternich se range ainsi du côté de la FISA et de Balestre, et ne fait donc pas compter ce Grand Prix au championnat du monde. Les deux camps se retrouvent alors dos à dos, d’autant plus que plusieurs boycotts pourraient se matérialiser lors des épreuves (France puis Grande-Bretagne). Ecclestone n’oublie pas que ses velléités de championnat parallèle sont grandement freinées par l’utilisation du nom « Formule 1 », ce qui laisse ouvertes les négociations.

Il n’y aura finalement pas d’autre boycott de la saison, mais l’accident mortel de Depailler à Hockenheim va ramener les questions sécuritaires sur le devant de la scène. Cependant, le GPDA ne parvient pas à avoir l’unanimité sur les diverses propositions (suppression des jupes, réduction de la taille des roues…). Pourtant elles seraient bien nécessaires quand on voit la performance de ces avions de la route… Mais de son côté, Ecclestone continue de mûrir son projet de championnat parallèle. Affaire à suivre…

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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