Les plus belles courses de Moss : Monaco 1961, Moss seul contre Ferrari
Le 12 avril dernier, le monde de la Formule 1 pleurait la mort de Stirling Moss, parti à 90 des suites d’une longue maladie. Celui qu’on surnomme « le champion sans couronne » reste l’un des meilleurs pilotes de son époque voire même de tous les temps. Il ne manque qu’un titre mondial à un palmarès que nombre de pilotes lui envieraient. Nous allons ainsi revenir sur certaines courses marquantes de sa carrière, en terminant sur l’un des combats les plus épiques de sa carrière.
Après une saison 1958 qui aura vu sa sportivité sans égal lui coûter le titre, Moss doit se trouver une nouvelle écurie pour la saison 1959. Tony Vanderwell a choisi de se retirer du monde de la Formule 1, miné par une santé déclinante et la mort de Stuart Lewis-Evans au Maroc. Possiblement en écho à sa victoire en Argentine l’année précédente (la première d’une F1 à moteur arrière), il signe chez Rob Walker, qui engage des Cooper identiques à celles d’usine, à un détail près : la boîte de vitesses.
Rob Walker choisit plutôt d’utiliser une boîte de vitesses de marque Colotti, qui va purement et simplement condamner Moss dans sa quête pour le titre mondial. Il en casse une première à Monaco alors qu’il mène depuis près de 60 tours, puis une seconde aux Pays-Bas alors qu’une fois de plus il est en tête. Dépité, il choisit de partir pour BRM avec un nouvel abandon en France et enfin un podium en Grande-Bretagne où il termine second. Revenu chez Rob Walker, il casse sa boîte (encore !) dès le premier tour en Allemagne avant d’enchaîner deux victoires de rang au Portugal et en Italie. Il garde encore une chance d’être titré lors de la dernière course : il doit cependant terminer dans les deux premiers sans que Brabham ne signe un bon résultat. Parti en tête devant ce dernier, il casse (encore) sa boîte Colotti dans le cinquième tour et termine troisième du championnat derrière Brooks et Brabham.
Pour 1960, Moss continue de faire confiance à Walker malgré ce choix purement calamiteux de boîte de vitesses. En tête en Argentine, il abandonne sur casse de suspension avant de récupérer la voiture de Trintignant. S’il finit troisième, le résultat ne compte que pour la forme car tout changement de pilote en course annule les points marqués par la voiture partagée. Lassé par ces casses à répétition, il fait pression sur Walker et obtient ainsi une Lotus 18, qui démontre son potentiel aux mains d’Innes Ireland.
Il arrive donc à Monaco avec cette nouvelle monture et le résultat est sans appel : première pole et première victoire pour Lotus en championnat du monde avec 50 secondes d’avance sur Bruce McLaren. Ce résultat ne manque pas de faire grincer des dents chez Lotus : une voiture privée a vaincu les monoplaces d’usine ! Il termine ensuite quatrième aux Pays-Bas… non sans avoir ramassé un morceau de béton sur une roue et avoir été contraint de réparer !
Mais ses chances vont s’effondrer en Belgique. En qualifications, la fragilité des Lotus est fatale à l’Anglais, qui est victime d’un terrible accident dont il ressort avec de multiples fractures. Il est cependant l’équivalent de Rubens Barrichello à Imola en 1994 : Chris Bristow et Alan Stacey se tuent tous deux pendant la course. Absent en France et en Grande-Bretagne alors que Brabham enchaîne les victoires, il revient au Portugal, où il est disqualifié… pour une manœuvre similaire à celle d’Hawthorn il y a deux ans ! Il perd ainsi les deux points de sa cinquième place, et après le boycott du Grand Prix d’Italie par les constructeurs anglais, il domine le dernier Grand Prix de la saison aux Etats-Unis, en signant la pole et en menant 71 des 75 tours de course. Qui sait, sans son accident à Spa-Francorchamps il aurait pu jouer le titre…
1961 est le théâtre d’un gros chamboulement au niveau réglementation. Fini les voitures à moteur avant et les moteurs de 2,5 L, place aux monoplaces à moteur 1,5L ! Avec sa nouvelle 156 Sharknose et son trio Hill-von Trips-Ginther, Ferrari est LA favorite pour cette nouvelle saison, d’autant plus que Moss doit composer avec un choix qui le place en outsider. Il a choisi pour la troisième année consécutive de rester avec Rob Walker, et il reste sur la Lotus 18 alors que l’usine a mis à disposition de ses pilotes la 21, plus moderne et plus performante.
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La saison commence à Monaco, mais comme à son habitude Moss déjoue les pronostics. Il parvient à signer la pole devant Ginther et Clark, alors que Hill n’est que cinquième et Von Trips huitième ! Cependant, l’Américain prend un meilleur départ et prend la tête dans la première boucle devant Clark et Moss. L’Ecossais disparaît cependant dans le fond du classement dès la boucle suivante, victime de problèmes moteur et y passera toute la course.
Devant, Ginther prend le large mais se fait une frayeur dans le tunnel et baisse son rythme, laissant revenir Moss et la Porsche de Bonnier. Le 14ème tour est décisif : Moss parvient à prendre la tête devant Bonnier et Ginther, pendant que Hill et von Trips se replacent derrière l’Américain après avoir passé la deuxième Porsche de Gurney. Une dizaine de tours plus tard, Hill est revenu sur le duo Bonnier-Ginther relégué à près de dix secondes de Moss, et passe à l’attaque pour aller chercher l’Anglais.
C’est alors que Moss impressionne : Hill ne reprend pas un dixième en quinze tours malgré 30 chevaux de plus par rapport à la Lotus ! Aux alentours du 40ème tour, la Porsche de Bonnier commence à rencontrer des problèmes moteur et Ginther se retrouve alors jute derrière Hill. Rencontrant lui aussi des problèmes mécaniques, von Trips se contente d’assurer la cinquième place sans aller chasser Moss.
Le plus fort de la lutte commence alors avec d’un côté Moss sur sa vieille Lotus, et de l’autre les Américains de Ferrari Hill et Ginther. A la mi-course, le pilote Lotus compte environ huit secondes d’avance sur les deux pilotes Ferrari, qui haussent pourtant le rythme à coups de meilleurs tours en course. L’écart se réduit tour après tour, et ce dernier passe sous la barre des quatre secondes vers le 60ème tour. La puissance des Ferrari devrait faire le reste… mais le rythme s’équilibre de nouveau entre le leader et ses poursuivants.
Alors que les panneauteurs de Ferrari s’évertuent à pousser leurs pilotes à chaque tour, Ginther prend le relais de Hill qui se laisse ensuite décrocher pour assurer le podium. A ce moment, l’écart est de six secondes et Ginther ne ménage pas sa peine : il explose le temps de la pole de près de trois secondes et revient peu à peu sur Moss, mais ce dernier parvient à tourner aussi vite que la Ferrari ! Cette dernière devra finalement rendre les armes pour moins de quatre secondes, après un âpre mais magnifique combat. Moss triomphe ainsi pour la seconde fois consécutive à Monaco devant un magnifique Ginther et un Hill gestionnaire. Von Trips sauve la quatrième place devant Gurney, tous deux à deux tours, et McLaren, sixième certes… mais relégué à cinq tours !
Moss ne pourra cependant pas jouer le titre pour la première fois depuis bien longtemps. Il termine ensuite quatrième aux Pays-Bas et s’offre une autre magnifique victoire sur la Nordscheleife, mais ne marque pas d’autres points de la saison. Il termine ainsi troisième derrière Hill et von Trips, l’Américain gagnant le titre à Monza après la mort de son coéquipier et rival dans le second tour de course.
Sa saison 1961 fut sa dernière en F1. Alors qu’il est en contact avec Enzo Ferrari, qui lui fait une faveur rarissime en lui laissant la liberté de courir avec une voiture du Commendatore aux couleurs de Rob Walker, il est victime d’un terrible accident à Goodwood lors du Glover Trophy le 15 avril 1962. Alors qu’il reprend un tour au leader Graham Hill, il tire tout droit et termine sa course dans un talus. Emmené à l’hôpital avec de nombreuses fractures, les conséquences seront bien plus graves qu’à Spa-Francorchamps deux ans auparavant.
Il doit attendre plus d’un an avant de reconduire dans le cadre d’essais privés. Comme le sera Wendlinger après lui, il est certes physiquement rétabli mais il a perdu son légendaire coup de volant. Conscient qu’il n’est plus aussi compétitif qu’auparavant, il décide de mettre un terme à sa carrière professionnelle. On le reverra cependant piloter dans de nombreux événements tels que Goodwood jusqu’en 2011, où il raccrochera le casque pour de bon après s’être fait une frayeur en course.
Sir Stirling Moss nous a ainsi quittés le 12 avril 2020 après une longue maladie. Pilote aussi rapide que talentueux, une sportivité sans égal ainsi qu’une bonne dose de malchance l’ont privé d’un titre mondial en F1 qui lui était promis. Jamais vainqueur des 24 Heures du Mans (2ème (encore !) en 1953 et 1956), il compte pourtant un palmarès qui restera parmi les plus impressionnants de la discipline, surtout au vu de l’époque à laquelle il a couru. Sa victoire aux Mille Miglia en 1955 en compagnie de Denis Jenkinson restera dans les mémoires, tant pour la performance des deux hommes que l’utilisation pour la première fois du roadbook ou encore l’excellent livre de Jenkinson, devenu un immense classique. Vainqueur de 16 Grands Prix et de dizaines d’autres courses en Sport-Prototypes, il restera pour toujours « le champion sans couronne ».
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.