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Les pilotes français chez Renault : Alain Prost, si proche du titre…

Cela fait quelques semaines que l’information est officielle : Esteban Ocon pilotera pour Renault pour 2020. Il remplace donc Nico Hülkenberg et devient le cinquième pilote français à piloter à temps plein pour Renault, Romain Grosjean n’ayant assuré qu’une sorte d’intérim en 2009. Retour donc ce mois-ci sur les quatre mousquetaires qui ont piloté les monoplaces de la Régie entre 1977 et 1985.

La fin de saison 1980 est bien agitée par les transferts en tout genre, et Renault voit Jean-Pierre Jabouille, l’homme avec qui tout a commencé partir chez Ligier en 1981. La Régie doit donc lui trouver un successeur, et les candidats se font rares, mais avec un fort potentiel. Cependant, Pironi étant parti chez Ferrari remplacer Scheckter qui part à la retraite, une seule option se présente avec un certain Alain Prost, déterminé à partir de chez McLaren.

Il est alors un jeune pilote de 25 ans, qui vient de terminer sa première saison dans la discipline avec McLaren. Pilote depuis ses 14 ans, il a accumulé de nombreux succès en karting et a continué sur sa lancée en formules de promotion. Entre 1976 et 1979, il gagne le volant Elf, le championnat de France Formule Renault (12 victoires en 13 courses !), le championnat d’Europe de la même discipline et le championnat d’Europe F3, avec en prime une victoire à Monaco.

Désireux de rejoindre la F1 et fort de ce CV solide, il refuse de courir en F2 et signe finalement avec McLaren pour la saison 1980. Il se signale ainsi dès ses deux premiers Grands Prix, puisqu’il termine 6ème en Argentine et 5ème au Brésil ! Hélas, la M29 ne lui permet pas d’exprimer tout son talent, si bien qu’il ne signe ensuite que deux autres 6ème places. Il est surtout victime de nombreux accidents et cherche à tout prix un autre volant pour l’année suivante, alors que l’écurie néo-zélandaise voit l’arrivée à sa tête d’un certain Ron Dennis…

Renault est ainsi le point de chute idéal pour Prost, d’autant plus que malgré un petit score (5 points), il a écrasé Watson, pourtant bien plus expérimenté. Le voici donc associé à René Arnoux pour la saison 1981, où il découvre également les F1 à moteur turbo, la McLaren M29 étant équipée d’un V8 Cosworth atmosphérique. Entre accrochages et problèmes de fiabilité, il ne voit l’arrivée que 6 fois… mais toujours sur le podium, avec notamment trois victoires au volant de la Renault RE30 apparue à Monaco (France, Pays-Bas, Italie). S’il termine 5ème du championnat cette année, il ne termine qu’à 7 points de Piquet, champion du monde, et a littéralement surclassé Arnoux en course, pourtant plus expérimenté (43-11 et 3-0 pour ce qui est des victoires). Ce dernier ne peut qu’opposer sa vitesse sur un tour (4-2 à son avantage pour les pole positions), et des tensions vont rapidement naître entre les deux pilotes.

Après deux courses et deux victoires, 1982 semble être l‘année Prost. Il réalise le début de saison parfait et se conforte rapidement un petit matelas d’avance… qui va fondre comme neige au soleil avant de disparaître. Comme la saison précédente, il n’est pas épargné par la malchance, et il doit attendre huit courses avant de marquer de nouveaux points (6ème en Grande-Bretagne) ! Il a notamment été victime des conditions météo capricieuses à Monaco, en partant à la faute à quelques tours de l’arrivée alors qu’il était largement en tête.

De plus, il n’est nullement aidé par son coéquipier René Arnoux, qui ne supporte plus d’être ainsi dominé et le Grand Prix de France va marquer le climax de la rivalité entre les deux hommes. Prost termine second derrière « Néné », qui a refusé d’obtempérer aux consignes d’équipe, et vide son sac dans la presse, dénonçant ce qu’il s’est passé avec une rage non dissimulée. Ce faisant, il divise les fans français, et s’en met une partie à dos, qui lui préfèrent Arnoux. Ainsi, le soir de la course, il s’arrête dans une station-service, et un pompiste croyant reconnaître son équipier lui lance : « Vous avez vraiment bien fait, Monsieur Arnoux. Je suis vraiment content que vous ayez battu cette petite sal*** de Prost ».

Tel Anquetil avant lui avec Poulidor, il voit les fans de l’Hexagone lui préférer son rival, plus charismatique à leurs yeux malgré son manque de réussite (il n’avait pas gagné depuis plus de 2 ans !). Une attitude bizarre des Français que de soutenir les éternels seconds, qu’il devra supporter toute sa carrière malgré les succès à venir. Impliqué malgré lui dans le terrible accident de Pironi en Allemagne, qui met un terme à sa carrière en F1, il parvient à accrocher deux secondes places, et termine à la 4ème place avec 34 points, derrière Rosberg, Pironi et Watson avec deux victoires et cinq pole positions.

Arnoux parti chez Ferrari pour 1983, Prost est ainsi le nouveau numéro 1 incontesté de la Régie, qui pour la première fois engage un pilote étranger en la personne d’Eddie Cheever. L’Américain est clairement destiné à un rôle de numéro 2 pour essayer d’assurer de gros points derrière Prost pour le titre constructeurs. De plus, la RE40 est enfin fiable, et il accumule les belles performances jusqu’en Autriche, 11ème manche de la saison sur quinze, avec six podiums dont quatre victoires, et une avance de 14 points sur Piquet, de 17 sur Arnoux et de 20 sur Tambay. On se dit alors que Renault et Prost vont réussir le doublé pilote-constructeur (68-65 pour Renault face à Ferrari), mais les vieux démons de l’écurie française vont la rattraper au pire moment.

Prost ne termine qu’un seul des quatre derniers Grand Prix (second en Europe), et voit impuissant Piquet lui voler le titre lors de la dernière course, le Brésilien terminant sur le podium alors que le Français casse son moteur et voit ses derniers espoirs de titre partir en fumée. Dans le même temps, Ferrari a finalement devancé l’écurie française pour le titre constructeurs. C’est ainsi que quelques jours plus tard, Prost est convié à un rendez-vous avec Bernard Hanon (PDG de Renault), Max Mangenot (président de Renault Sport) et Gérard Larrousse.

Cet entretien va sceller le sort des deux parties, qui se rejettent violemment la faute de cette double défaite. Prost accuse un manque d’implication de l’équipe technique, responsable selon lui de son échec dans la course au titre, ce que nient en bloc Larrousse et Mangenot. Ils le soupçonnent d’avoir fait une Arnoux et d’avoir négocié un contrat chez Ferrari dans leur dos, ce qui est totalement faux. De plus, le pilote accuse la nonchalance de ses dirigeants, qui refusent de porter réclamation contre Brabham (qui a utilisé un carburant illégal tout au long de la saison). Renault n’y voit aucun intérêt, refusant d’être impliquée dans un possible scandale et ne voyant aucun mérite à être titrée sur tapis vert, se pliant également à une sorte de gentlemen’s agreement entre constructeurs.

Finalement, les deux parties se séparent alors que Prost avait un contrat pour 1984, et ce dernier part immédiatement rejoindre McLaren, qui a bien changé depuis 1980 avec les arrivées de Dennis, Barnard et Ramirez. Renault ne se relèvera jamais réellement de cette rupture, tandis que le Professeur va avec McLaren, Ferrari et Williams écrire les plus belles pages de la Formule 1 française jusqu’en 1993, bénéficiant presque toujours d’une voiture capable d’aller jouer le titre.

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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