Grand Prix de Singapour : encore un caprice de Bernie…
Ce week-end se déroule le Grand Prix de Singapour, qui marque le retour de la F1 en Asie en tant que 15ème manche du championnat. Présent au calendrier depuis 2008, il présente la particularité de se courir de nuit, et bien que jeune, ce tracé a connu lui aussi son lot d’histoires…
La F1 n’est pas la discipline qui a vu naître le Grand Prix de Singapour. En effet, cette épreuve a existé entre 1966 et 1973, juste après l’indépendance du pays, et était alors une course de F2. L’ancien tracé n’avait absolument rien à voir avec le circuit actuel, et cette course était assez mineure, le seul vainqueur ayant une certaine renommée étant Vern Schuppan en 1973.
Il faut donc attendre 34 ans avant que cette course renaisse de ses cendres, avec d’une part Bernie Ecclestone (dont l’intérêt est avant tout financier), et d’autre part, l’accord des autorités locales. Bien évidemment, Hermann Tilke est au crayon pour dessiner ce tracé urbain serpentant dans la Marina de Singapour et nous offre un tracé de 5,2 kilomètres, avec cependant peu de possibilités de dépassement. Un Monaco asiatique en plus long et un peu plus large finalement.
Mais la plus grande originalité de l’épreuve est qu’elle se déroule… en nocturne ! Ceci permet d’une part aux chaînes européennes de retransmettre l’épreuve dans l’après-midi, et d’autre part, aux écuries et aux pilotes d’échapper à la chaleur étouffante de la journée. Bien évidemment, avec Bernie, le business n’est jamais étranger à ce genre de décisions. De plus, on peut soupçonner une certaine jalousie enfantine vis-à-vis du MotoGP, ce dernier disposant également de son Grand Prix de nuit à Losail au Qatar. Les deux premières éditions de ces deux courses ont de plus lieu la même année (mars pour le MotoGP, septembre pour la F1).
On repassera niveau écologie, puisque le circuit est totalement éclairé par 1500 lampes de 2000 watts. Il est ainsi quatre fois plus éclairé qu’un terrain de football ! Au lancement, certaines équipes comme McLaren avaient cherché avec une pointe d’humour des solutions en cas de panne de ces éclairages. On pouvait notamment retrouver un museau avant équipé d’une rampe de phares, bel hommage au rallye qui sait s’accommoder des pires conditions climatiques sans sourciller.
Le tracé est retouché pour la première fois en 2012, avec la suppression du pif-paf au virage 10, remplacé par une simple courbe. De nombreux pilotes n’appréciaient pas cette chicane, qu’ils jugeaient inutile et propice à l’erreur. L’édition 2013 voit donc ce virage 10 épuré et réduisant les temps au tour des voitures de plusieurs secondes. Deux ans plus tard, la section juste après, des virages 11 à 13 est également légèrement retouchée, mais les différences sont finalement assez minimes. Par ailleurs, ce circuit atteste de la montée en performances des F1 actuelles, ainsi l’écart entre les pole positions 2015 et 2018 est proche des 8 secondes ! Reste à voir si Hamilton, Bottas ou Verstappen vont aller chercher un chrono sous les 1’36 et battre le record de la piste.
Le Singapour gate de 2008
Comme le montrait la série du mois précédent, certaines courses sont entrées dans la légende du sport pour leur scénario complètement dingue. Ce Grand Prix de Singapour 2008 allait faire de même… mais pour des raisons différentes. Le moment du départ est juste historique, puisqu’il s’agit du 800ème Grand Prix de l’histoire, le premier de nuit. Au départ, Felipe Massa garde le bénéfice de sa pole position devant Hamilton, d’autant plus qu’un seul point sépare les deux hommes au championnat, à l’avantage de l’Anglais.
Tout bascule une première fois lors du 14ème tour, lorsque Nelson Piquet Jr se crashe violemment dans le virage 17 et occasionne la sortie de la safety car. La ruée dans les stands se produit alors, et au 17ème tour, Massa s’arrête. Hélas, il repart trop tôt et embarque avec lui le tuyau de carburant, ruinant ainsi sa course jusque-là rondement menée. Au 19ème tour, le classement est plus que déroutant, Rosberg menant devant Trulli, Fisichella sur sa Force India (!), Kubica, Alonso (remonté de la 15ème place sur la grille), Webber, Coulthard et Hamilton, seulement 8ème.
Rosberg puis Trulli se relaient en tête de course, avant de laisser place à Fernando Alonso, qui prend les commandes dans le 34ème tour pour ne plus les lâcher. Il file droit vers sa première victoire de la saison, et s’impose devant Rosberg second malgré un stop-and-go, et Hamilton qui signe le bon coup du jour, reprenant 6 points à Massa qui termine dans les profondeurs du classement.
Mais un an plus tard survient un coup de théâtre. En représailles de son éviction par Renault, Nelson Piquet Jr avoue à la FIA que son accident du 14ème tour n’est en réalité qu’un coup monté. Le but avoué était d’avantager Fernando Alonso qui s’était arrêté juste avant l’accident, afin qu’il remonte dans la hiérarchie. Il ajoute également que les décisionnaires étaient Flavio Briatore, directeur de Renault F1, et Pat Symonds, alors directeur technique.
Si les pilotes sont épargnés (Piquet Jr pour avoir collaboré et Alonso pour avoir été mis à l’écart de toute cette histoire), la FIA ne sera pas aussi clémente avec Symonds et Briatore. Le premier est suspendu pendant cinq ans de toute activité liée au sport automobile, mais voit finalement sa peine commuée en appel. Il est suspendu de son poste de directeur technique, mais peut toujours agir en tant que consultant pendant cette période. Quand à l’homme d’affaires italien, le verdict est sans appel : il est interdit à vie d’occuper une quelconque fonction dans une écurie de sport automobile.
Singapour 2017 : le traumatisme Ferrari
Nous en sommes alors à la 14ème manche du championnat du monde et la bataille fait rage entre Vettel et Hamilton depuis le début de saison. L’Anglais ne compte que trois points d’avance sur l’Allemand, la première fois depuis 2012 que le titre se joue entre pilotes d’écuries différentes.
Ce Grand Prix semble offert aux Ferrari et aux Red Bull, et les qualifications ne mentent pas, puisque Vettel signe la pole devant Verstappen, Ricciardo et Räikkonën, tandis que les Mercedes partent de la troisième ligne. Vettel a ainsi mis toutes les chances de son côté pour reprendre la tête du championnat… mais le premier tour va virer au cauchemar.
Comment oublier ce départ, de Verstappen et surtout de Räikkonën qui surgit de la deuxième ligne, puis de Vettel qui se rabat… et le choc. Le Néerlandais et le Finlandais sont immédiatement out (non sans accrocher la McLaren d’Alonso), tandis que Vettel voit sa Ferrari mourir un peu plus loin, comme mon âme de tifosi en ces instants. Ainsi, ils ont déroulé le tapis rouge pour Hamilton, qui mène la course du début à la fin et s’impose à la surprise générale. Ricciardo et Bottas complètent le podium, tandis que Vettel signe sa première grosse erreur avec Ferrari… la première d’une longue liste. Il perd le titre au profit d’Hamilton, plus régulier que l’Allemand.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.