GP de Turquie : Lewis Hamilton, et Goliath se joue une fois de plus de David…
On peut le dire sans mal, ce Grand Prix de Turquie restera dans les annales de la Formule 1. Piste glissante même sur le sec, pluie omniprésente, spectacle à gogo et résultats surprenants, il a tout de la course qu’aiment les fans de la discipline. Cependant, même dans des conditions dantesques le vainqueur reste le même ou presque en la personne de Lewis Hamilton. Et pourtant nombreux étaient ceux qui attendaient un autre résultat…
« Cette piste, c’est de la m**** avec un grand M ». Voici comment Lewis Hamilton parlait du nouveau bitume de l’Istanbul Park après les essais du vendredi, mais pour une fois il n’avait pas totalement tort. En effet, le bitume flambant neuf n’offre aucune satisfaction aux pilotes. Pour beaucoup, piloter dessus revient à conduire sur de la glace ! Les sorties de pistes et autres têtes à queue sont monnaie courante, quand la pluie ne vient pas se rajouter à l’équation. Dans ces conditions, Verstappen est le plus rapide des deux séances du vendredi, alors qu’Hamilton n’est que 15ème en FP1 avant de prendre la quatrième place de la FP2.
Scène insolite le vendredi soir : face au manque d’adhérence criant de la piste, des voitures de location tournent sur le circuit ! Le but est de gommer la piste pour essayer d’améliorer les temps au tour, mais la météo va réduire ces efforts à néant. L’Istanbul Park est noyé sous les eaux le samedi matin, et Verstappen signe encore le meilleur temps de la séance alors qu’Hamilton est lui bon dernier, n’ayant pas signé de temps. Et la qualification se déroule sous la pluie…
Les conditions sont si mauvaises que le drapeau rouge est brandi en Q1 et se prolonge pendant 45 minutes. Chez Renault, on se prend à espérer que la qualification en reste là, vu qu’Ocon est en haut de la feuille des temps. La séance repart malgré tout, et ne réserve aucune grosse surprise puisque les Haas et les Williams passent à la trappe avec Kvyat. La Q2 elle est déjà plus surprenante : si Gasly est éliminé avec les deux McLaren et les deux Ferrari, Giovinazzi et Räikkönen amènent leurs Alfa Romeo en Q3 ! Et le spectacle ne fait que commencer…
Team work 🤜🤛 Dreamwork
— Formula 1 (@F1) November 14, 2020
Congratulations for a first pole position in pink, @RacingPointF1 🎉#TurkishGP 🇹🇷 #F1 pic.twitter.com/nWTDC5f8vd
Dans cette dernière séance qualificative, la pluie a cessé et la piste s’assèche peu à peu, poussant certains pilotes à passer les pneus intermédiaires. Et alors qu’on attendait Verstappen en pole, c’est Lance Stroll qui signe sa première pole position à la surprise générale ! Il devance un Verstappen terriblement déçu, Pérez qui signe la meilleure qualification de sa carrière, Albon, Ricciardo et Hamilton seulement sixième ! Bottas est lui neuvième, devancé par Räikkönen !
Nombre de fans sont aux anges : Mercedes semble en difficulté, Racing Point en état de grâce, Verstappen est dans le coup et mieux encore, la pluie est présente au moment du départ ! Ainsi, Russell et Giovinazzi se font piéger dans leur tour de mise en grille et abîment leurs voitures. L’Anglais part des stands alors que l’Italien conserve sa dixième place sur la grille. Le départ promet d’être agité et tient toutes ses promesses : Stroll s’envole devant Pérez alors que Verstappen est resté cloué sur place. Derrière, les Renault et les Mercedes s’envolent très bien aussi, mais dans le premier virage Hamilton plonge à l’intérieur et provoque un effet domino bien involontaire. Ricciardo doit élargir pour éviter le pilote britannique, et percute Ocon qui part en tête-à-queue. Derrière, Bottas pile pour l’éviter et part lui aussi en toupie : leurs courses sont d’ores et déjà ruinées. Hamilton est ainsi cinquième devant un Vettel revenu de nulle part : il a gagné sept positions dans ce premier tour ! L’Allemand fait même mieux en passant Albon pour prendre la troisième place ! Jamais on l’avait vu à pareille fête en cette saison 2020…
Il fait pourtant bouchon derrière les Racing Point : après 3 tours, il pointe déjà à 14 secondes de Stroll qui signe un début de course parfait. Hamilton n’est pas à la fête, puisqu’il n’est que sixième, doublé par Verstappen qui est toujours à l’aise dans ces conditions. Cependant la piste sèche peu à peu, et dans le septième tour Leclerc est parmi le premier à chausser les gommes intermédiaires. Tout le monde suit le mouvement dans les tours qui suivent, et le grand gagnant se nomme Verstappen puisqu’il double Vettel victime d’un arrêt un peu long.
Hamilton est lui cinquième et se retrouve bloqué derrière Vettel, qui réalise sa plus belle course de l’année et de loin. Pire, le pilote Mercedes se plaint de ses freins avant, qui selon lui ne fonctionnent pas correctement. A la fin du 15ème tour, il tente de dépasser Vettel dans le virage 12, mais se rate et vire au large… En trois tours, ils se font doubler par une Red Bull, celle d’Albon qui tente le tout pour le tout, puis repassent Verstappen. Le Hollandais volant était en bagarre face à Pérez, mais le Mexicain n’a rien lâché et la Red Bull est partie en toupie dans la ligne droite vers le virage 12. Tout est à refaire…
Et si Hamilton suit Vettel comme son ombre, il est en tout cas assuré d’être couronné champion du monde. Bottas connaît lui un dimanche cauchemardesque, partant pour la troisième fois en tête-à-queue dans le 22ème tour, qui le laisse en… 17ème position ! Le milieu de grille est assuré d’avoir au moins une place sur le podium. Le Britannique décide lui de laisser filer Vettel pour économiser ses pneus et compte jusqu’à plus de quatre secondes de retard sur l’Allemand. Verstappen est lui retombé en huitième position après avoir remis un train d’intermédiaires.
Mais à la mi-course, les espoirs de certains vont prendre un sérieux coup dans l’aile car le DRS est désormais autorisé. David ne le sait que trop bien, le Goliath qu’est Hamilton va désormais fondre sur tout le monde avant de s’envoler en tête tant la Mercedes W11 est au-dessus du lot. Vettel décide de s’arrêter dans le 33ème tour et ne repart que sixième, la faute à un arrêt aux stands encore trop long. Hamilton passe quatrième, puis troisième lorsque Albon se loupe dans le virage 3. Le Thaïlandais passe immédiatement aux stands pour changer ses pneus et repart cinquième.
LAP 21/58
— Formula 1 (@F1) November 15, 2020
Barely a third of the way through this crazy race!
None of our top three have ever stood on the top step of the podium... is today the day?#TurkishGP 🇹🇷 #F1 pic.twitter.com/VESF6mQvh2
Les mauvaises langues diront alors qu’avec Stroll devant Pérez et Hamilton, Mercedes réalise un triplé historique. Il n’en reste pas moins que les Racing Point réalisent une course magnifique, en particulier Stroll qui mène de main de maître sans commettre une seule erreur ! De quoi faire taire nombre de ses détracteurs après plusieurs courses difficiles… Mais alors qu’il est toujours en tête, son équipe veut le faire rentrer pour remettre des pneus intermédiaires neufs. Stroll refuse, conscient qu’il a tout à perdre, avant de finalement obtempérer dans le 36ème tour. Il va rapidement regretter cette décision…
Pérez est lui resté en piste, mais Hamilton le dépose grâce à l’aide du DRS et prend les commandes de la course. Etonnamment, ses pneus semblent tenir la distance là où tout le monde ou presque fut contraint de rentrer aux stands. Stroll lui dégringole au classement : reparti quatrième, il retombe rapidement au septième rang alors que Pérez tient sa deuxième position. Si seulement il avait persisté au lieu d’écouter son écurie…
Devant, Hamilton tue tout suspense et s’envole vers sa 94ème victoire en carrière ainsi qu’un septième titre mondial qui fait de lui l’égal de Michael Schumacher. Derrière lui, un Pérez en souffrance parvient à garder sa deuxième place face à des Ferrari en état de grâce. Leclerc tente le tout pour le tout dans le dernier tour mais se rate dans les derniers virages et ne termine que quatrième, derrière Vettel qui signe son premier podium de l’année. Le Monégasque ne décolère pas après la ligne, se fustigeant violemment d’avoir gâché de la sorte une telle chance de monter sur le podium.
LEWIS HAMILTON IS A SEVEN TIME WORLD CHAMPION!#TurkishGP 🇹🇷 #F1 pic.twitter.com/gOGfeEZxp8
— Formula 1 (@F1) November 15, 2020
Sainz complète le top 5, devant les deux Red Bull et Norris qui signe le meilleur tour en course. Stroll ne sauve que la neuvième position, et s’il marque ses premiers points depuis son podium de Monza, il pouvait légitimement espérer un top 5 voire le podium. Sa performance est telle que même Jacques Villeneuve fut pris de pitié pour Lance, lui qui habituellement est l’un de ses plus fervents détracteurs !
On a tous espéré une fin différente à cette course dingue, mais la maestria de Lewis Hamilton fut totale. Il n’a laissé aucune chance à quiconque grâce à une stratégie à un arrêt parfaitement maîtrisée. Ses pneus ont en effet tenu près de 50 tours là où nombre d’autres pilotes se sont arrêtés. Son talent incroyable ainsi que la performance de la Mercedes W11 ont fait le reste du travail. Comme quoi, il peut gagner partout même quand le reste du week-end est compliqué pour lui…
Toutefois, cette victoire peut énerver certains fans, frustrés de l’impression de facilité que dégage le désormais septuple champion du monde. Il y a cette impression qu’il marche sur l’eau quelles que soient les conditions ou les circuits, et qu’il n’a aucune concurrence sérieuse. Valtteri Bottas est clairement bien trop tendre pour faire un concurrent crédible, alors que Verstappen est pénalisé par une Red Bull RB16 un ton en-dessous. Leclerc lui réalise des miracles avec une Ferrari désespérément lente et mal conçue…
On se croirait revenus en 2002 ou 2004, où les Ferrari écrasaient tellement la concurrence que Schumacher enchaînait les victoires sans avoir besoin de forcer son talent. Qui plus est, Hamilton signale souvent à la radio des problèmes de pneus entre autres mais écrase malgré tout son monde en piste. Si ce titre est totalement mérité au vu du travail fourni par les hommes de Brackley, il faut espérer que 2022 rebatte totalement les cartes. La bataille en milieu de peloton est absolument splendide, mais à distance respectable du trio Hamilton-Bottas-Verstappen qui a remporté toutes les courses de la saison, sauf Monza. Et encore, il avait fallu une lourde pénalité pour empêcher Hamilton de filer vers une victoire désespérément facile. Seul l’avenir nous dira ce qui va se passer en 2021, mais il y a fort à parier qu’Hamilton va encore rouler sur la concurrence…
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.