Séries

Les Grands Prix perturbés : Etats-Unis 2005, courra ou ne courra pas ?

À cause de l’épidémie de COVID-19 qui fait rage dans le monde entier, toute la saison 2020 de Formule 1 est compromise. Les Grands Prix d’Australie et de Monaco ont été purement et simplement annulés, tandis que d’autres ont été reportés, avec un début de saison prévu au plus tôt le 14 juin, au Canada. Ce n’est cependant pas la première fois que certains Grands Prix soient perturbés, au point parfois de virer à la farce. Cette semaine, place au tristement célèbre Grand Prix des Etats-Unis 2005.

La saison 2005 marque un tournant dans l’histoire de la Formule 1. La poule aux œufs d’or de Bernie Ecclestone voit Michael Schumacher et Ferrari enchaîner les titres année après année. Si les saisons 2000 et 2003 ont vu McLaren et même Williams rivaliser avec l’écurie au cheval cabré, ce sont toujours les Italiens qui gagnent à la fin. Le quatuor Todt-Brawn-Byrne-Schumacher fait des miracles, et derrière Rubens Barrichello assure la titre constructeurs pour Ferrari en étant le valet du Kaiser.

Mais pour cette nouvelle saison, la FIA décide d’interdire les changements de pneus en course. Cette règle va entre autres briser la domination insolente de Ferrari, car les pneus Michelin vont bien mieux s’en accommoder que les Bridgestone. Les Japonais équipent ainsi Ferrari, Jordan et Minardi, alors que les Clermontois de Michelin équipent tout le reste de la grille. Qui plus est, les voitures sont alourdies, l’aérodynamique des voitures est revue à la baisse et chaque voiture doit garder le même moteur pour deux Grands Prix.

Ferrari décide alors d’engager l’ancienne F2004 modifiée pour le début de saison 2005, mais les performances ne suivent pas. Si Barrichello termine 2ème en Australie, les performances ne sont pas au rendez-vous du Grand Prix de Malaisie et la F2005 est lancée dès la troisième épreuve à Bahreïn. Sur ses premières courses, la voiture semble performante, notamment à Imola où Schumacher termine deuxième derrière Alonso après une superbe course. Ce sera la meilleure course de la saison pour Ferrari.

Schumacher 2e au GP d'Imola 2005

Devant, la hiérarchie est chamboulée, et un homme se détache rapidement de la mêlée en la personne de Fernando Alonso. L’Espagnol écrase ce début de saison avec quatre victoires et 59 points sur 70 possibles après sept courses. Derrière, Kimi Räikkönen semble être le seul à pouvoir rivaliser avec lui quand sa McLaren MP4-20 ne le lâche pas. Cependant, il se retrouve second ex-aequo avec Trulli et sa Toyota, et juste devant la Williams de Heidfeld. Michael Schumacher n’est que huitième, Rubens Barrichello dixième !

Après un Grand Prix du Canada qui a vu Alonso abandonner alors qu’il était en tête et Räikkönen gagner devant les deux Ferrari, le championnat du monde continue sa tournée nord-américaine. La neuvième épreuve de la saison se déroule sur le circuit d’Indianapolis, qui emprunte une partie de l’ovale ainsi qu’un infield intérieur pour avoir un tracé plus tortueux et intéressant. Après les 11 éditions des 500 Miles d’Indianapolis ayant compté pour le championnat du monde entre 1950 et 1960, la Formule 1 est de retour sur ce tracé depuis 2000.

Cependant, l’ovale a déjà frappé, notamment l’année précédente avec le grave accident de Ralf Schumacher. En début de course, son pneu arrière éclate à 290 km/h et sa Williams s’explose dans le mur avant de s’arrêter en plein milieu de la piste. Il est relevé avec plusieurs vertèbres fracturées (après avoir également perdu connaissance) et doit passer de longs mois en convalescence. Un premier avertissement pour Michelin…

Crash de Ralf Schumacher à Indianapolis en 2004
Vous aimerez aussi :

Les Grands Prix perturbés : Saint-Marin 1982, la dernière de Villeneuve

C’est ainsi que les essais commencent, mais un élément important va rentrer en compte. Le revêtement de la partie ovale a été refait, et si Bridgestone a pu amener des pneus adaptés, ce n’est pas le cas de Michelin qui n’a pas été mis au courant de la situation. Ce sont les pilotes Toyota qui vont en faire l’amère expérience : Ralf Schumacher finit de nouveau dans le banking du virage 13 (sans se blesser cette fois), tandis que Ricardo Zonta (alors troisième pilote) se sort lui aussi après l’éclatement d’un pneu.

La panique est alors de mise pour Michelin, qui se rend compte que ses pneus ne tiendraient pas la distance de la course sans mettre en danger ses pilotes. Le manufacturier clermontois tente de ramener un autre type de gommes pour résoudre le problème (celles utilisées en Espagne) mais le problème reste insoluble et doit être réglé d’une autre façon.

Les négociations commencent alors avec la FIA pour sauver le Grand Prix mais aucun compromis n’est trouvé. Plusieurs solutions sont pourtant évoquées :

Michelin tente de défendre comme il peut sa place en F1 à l'aube du Grand Prix des États-Unis en 2005

Michelin semble perdant quoi qu’il advienne et refuse toutes ces propositions. Le week-end se poursuit normalement en piste, mais en coulisses tout le monde s’active pour la tenue normale de la course. Une nouvelle idée émerge alors de la masse : l’installation d’une chicane dans ce fameux virage 13 pour ralentir les voitures et ainsi assurer la sécurité de tous. Cependant, les pilotes équipés de Michelin ne pourraient pas marquer de points. Mais Max Mosley refuse catégoriquement pour deux raisons :

Mosley remet ainsi sur la table la réduction de la vitesse dans le banking et les changements de pneus tous les dix tours, mais les propositions sont rejetées par les écuries équipées de ces pneus. L’heure du départ se rapproche, et rien n’a été décidé, au point qu’on évoque même la possibilité d’organiser un Grand Prix « pirate » …

Les 20 monoplaces s’alignent toutes sur la grille lors du tour de formation, et celui-ci se déroule normalement… jusqu’à ce que toutes les voitures en Michelin se voient obligées de rentrer aux stands. L’incompréhension est générale, et seules les voitures chaussées en Bridgestone sont au départ : les Ferrari, Jordan et Minardi. La foule est scandalisée et hue copieusement la FIA entre autres, tandis que certains spectateurs quittent déjà ce simulacre de Grand Prix. Au vu de l’écart de niveau entre les monoplaces, le suspense est déjà tué sauf en cas de casse mécanique…

La course est ainsi soporifique au possible, et ressemble plus à une triste parade qu’à une réelle épreuve de Formule 1. Les deux Ferrari survolent ainsi la course, et Schumacher s’impose devant Barrichello. Derrière, Jordan et Minardi obtiennent une opportunité unique d’aller marquer de gros points, et si Albers devance Karthikeyan en début de course, les deux monoplaces d’Eddie Jordan terminent devant celles de Paul Stoddart.

Monteiro savoure son podium sans retenue ®Autosport

Le podium est ainsi assez singulier, car si les pilotes Ferrari se montrent gênés, Monteiro le savoure sans retenue. Il devient ainsi le premier Portugais à monter sur un podium grâce à ces circonstances si particulières. Derrière lui, Narain Karthikeyan devient le premier (et seul) pilote indien à marquer des points dans la discipline, tandis que Minardi réussit pour la deuxième fois à classer ses deux voitures dans les points (après le Grand Prix de Grande-Bretagne 1989).

En conséquence, Michelin rembourse l’intégralité des spectateurs présents pour s’excuser des circonstances qui ont provoqué cette parodie de course. Ferrari elle tient là sa seule victoire de la saison, et une fois passé l’épisode américain Renault et McLaren reprennent leur domination. Après Indianapolis, Schumacher signe encore deux podiums alors que Barrichello ne fait pas mieux que cinquième en Belgique. Devant, Alonso gère parfaitement son immense avance acquise en début de saison pour triompher de Räikkönen, qui a cependant signé une magnifique fin de saison.

Ce Grand Prix reste comme étant celui avec le moins de voitures au départ (seulement six), mais tout le monde ayant rallié l’arrivée, on reste loin des 3 arrivés de Monaco 1996. Indianapolis disparaîtra deux ans plus tard et le Grand Prix des Etats-Unis avec lui. Ce dernier ne reviendra qu’en 2012 à Austin sur le circuit des Amériques, et semble enfin connaître un semblant de stabilité (comme nous l’évoquions ici).

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

%d blogueurs aiment cette page :