Les Grands Prix de folie : Monaco 1982, la course improbable que personne ne voulait finir
Le dernier Grand Prix d’Allemagne nous a démontré que même en 2019, des courses totalement débridées où tout le monde peut gagner existent encore. La série de ce mois revient sur quelques courses au scénario dingue et qui n’ont rien à envier au niveau du spectacle ou du suspense.
Les esprits sont assez perturbés au moment d’aborder le traditionnel rendez-vous monégasque en cette année 1982. Tout le monde a en mémoire l’accident mortel de Gilles Villeneuve à Zolder, fauché en pleine gloire à la suite d’une incompréhension avec Mass. Il cherchait à reprendre la pole à Pironi, furieux après le Français depuis que ce dernier l’ait empêché de gagner à Imola. La F1 venait alors de perdre l’un de ses pilotes les plus incroyables, comme en témoignent sa bataille avec Arnoux à Dijon ou ses prouesses avec des voitures endommagées. Ferrari n’aligne qu’une seule voiture pour Pironi, n’ayant pas encore trouvé de remplaçant au Québécois.
L’atmosphère est lourde. Au niveau du championnat, Alain Prost est en tête avec 18 points bien qu’il n’ait pas scoré depuis trois courses. Il devance John Watson d’un point, Keke Rosberg de quatre, Niki Lauda de six, Didier Pironi et Michele Alboreto de huit. Autant dire qu’il est impossible de dégager un réel favori parmi cette liste de pilotes de haut vol. Les qualifications mettent Arnoux en pole avec la Renault, alors que son coéquipier Prost se classe quatrième. Un exploit pour les voitures jaunes, habituellement handicapées par leur turbo sur ce tracé tortueux. Pironi est 5ème devant Rosberg, Alboreto 9ème devant Watson alors que Lauda n’est que 12ème. Prost part donc comme le favori pour creuser l’écart au championnat. A noter que Rosberg se qualifie pour la première fois à Monaco, après trois non-qualifications en 1978, 1980 et 1981.
Dès les premiers tours, les Renault se mettent en évidence. Prost remonte rapidement second en doublant Patrese et Giacomelli, tandis qu’Arnoux s’envole en tête de course. Pironi est quatrième devant De Cesaris, Alboreto et Rosberg, qui se transforme en troisième place après le premier coup de théâtre de la course. Arnoux, qui menait la course avec une avance confortable, part à la faute au premier S de la Piscine. S’il parvient à éviter le rail, son moteur cale et le contraint à l’abandon. Coup dur pour le Grenoblois, qui pouvait légitimement espérer une belle victoire.
Les tours se suivent et ne montrent pas d’évolutions particulières au classement. Prost mène devant Patrese et Pironi qui se battent furieusement pour la seconde place. De Cesaris est quatrième et devance Rosberg et Alboreto, sixième et dernier pilote dans les points. Au 25ème tour, Eliseo Salazar, 18ème et dernier, voit son extincteur de bord se déclencher et rapidement la mousse envahit son cockpit. Plus de peur que de mal pour le Chilien qui doit renoncer. Plus tard, c’est Piquet qui abandonne sur problème mécanique après une course anonyme, le Brésilien détestant profondément ce circuit.
Prost file vers sa troisième victoire de la saison après être parvenu à distancer Patrese et Pironi, mais le ciel va lui jouer un bien mauvais tour. Une petite pluie commence à tomber à 12 boucles de la fin, et s’intensifie peu à peu pour rendre la piste glissante et particulièrement piégeuse. A 5 tours de la fin, Prost fait signe que la piste est humide, mais personne ne réagit car le Français tourne dans les 1’30, ce qui reste rapide en conditions de course. Et c’est à partir de là que la course s’emballe.
Dans le 72ème tour, Derek Daly tape le rail à la sortie du Bureau de Tabac. Il peut repartir mais a endommagé sa boîte de vitesses et son carter d’huile, le contraignant à rouler au ralenti pour espérer terminer. Deux tours plus tard, nouveau coup de théâtre d’envergure, puisque Prost est dans le rail ! A la sortie de la chicane, sa Renault est partie à l’équerre et a tapé de face la glissière avant de finir de l’autre côté de la piste. Prost est sonné, ayant subi le « coup du lapin ». Il s’est également foulé la cheville et égratigné le genou dans l’opération, ainsi que perdu une victoire qui lui tendait les bras.
Patrese récupère donc la tête du Grand Prix, mais part à la faute dans le Loews. Comme Arnoux, la voiture est intacte mais a calé. Cependant, le Padouan va s’avérer plus chanceux, alors que les commissaires le poussent dans une échappatoire, la Brabham glisse dans la pente et le moteur repart. Patrese peut donc se relancer en troisième position, derrière Pironi et De Cesaris. Mais dans le dernier tour, tout s’emballe de nouveau. Pironi est contraint à l’abandon sur une panne d’allumage liée à un court-circuit. Derrière, Andrea De Cesaris est inconsolable, son Alfa Romeo est arrêtée à la suite d’une panne d’essence alors qu’il pouvait gagner son premier Grand Prix. Derek Daly voit également sa Williams le lâcher, conséquence de son accident plus tôt.
Dans la confusion la plus totale, Patrese passe la ligne en vainqueur pour la première fois de sa carrière. Les Lotus de Mansell et De Angelis, la Tyrrell d’Henton et l’Arrows de Surer voient également le drapeau à damier, mais seules les Lotus sont classées dans les points. Patrese est déclaré vainqueur devant Pironi et De Cesaris, sur le podium malgré leurs abandons. Mansell se retrouve quatrième devant son coéquipier De Angelis, et Daly sauve un point pour Williams, son premier cette saison.
Après une épreuve au dénouement particulier, le classement est quasi-inchangé, exception faite de Pironi qui se replace à deux points de Prost et Patrese à cinq points. Le classement constructeurs est alors tout aussi indécis, car si McLaren mène avec 29 points, Ferrari, Renault (22 points) et Williams (21 points) se tiennent dans un mouchoir de poche. Une saison alors aussi disputée que dramatique, et le pire reste à venir…
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.