Séries

Les faux espoirs hivernaux : Renault R31, beaucoup de bruit pour peu de résultats

Depuis des années déjà, les essais d’intersaison sont l’occasion pour les différentes écuries de tester leur voiture pour la saison qui arrive. Tout le monde essaie ainsi de se situer par rapport au reste du peloton, pour savoir où leur création va passer la majeure partie de son temps. Il arrive cependant que leurs espoirs soient douchés dès la première course, voire même dès les premiers tours de roue. Retour cette fois en 2011, avec la Renault R31 à échappements soufflés.

30 ans… C’est l’équivalent d’une génération de la population qu’il faut remonter pour trouver les origines de cette écurie Renault. En effet, l’écurie originale (entre théière jaune et titre manqué de peu avec Prost) a disparu fin 1985 sans être rachetée ou reprise. Ici, il nous faut remonter en 1981 et l’apparition de Toleman sur les grilles des Grands Prix. Après des débuts plus que compliqués (une seule qualification par pilote en 1981 !), l’écurie est lentement montée en puissance. L’exemple le plus évident reste l’engagement d’Ayrton Senna en 1984, avec trois podiums dont le légendaire Grand Prix de Monaco dont tout le monde connaît l’histoire. Hélas, malgré une pole de Teo Fabi en Allemagne, la saison 1985 vire au cauchemar. C’est ainsi que Benetton, alors sponsor principal décide de racheter l’écurie pour la faire courir sous le nom de l’entreprise.

Les débuts sont concluants : les voitures sont rapides et l’espoir autrichien Gerhard Berger s’impose au Mexique en fin de saison. La montée en puissance de l’écurie est symbolisée par le triangle Brawn – Byrne – Schumacher supervisé par Flavio Briatore. Ce quatuor remporte deux titres pilotes pour l’Allemand en 1994 et 1995, complété par le titre constructeurs en 1995. Cependant, une fois Schumacher parti, l’écurie ne gagne plus qu’une fois, lors du Grand Prix d’Allemagne 1997. Pour l’anecdote, c’est Gerhard Berger qui amène la B197 à la victoire, comme pour boucler la boucle.

Michael Schumacher et Flavio Briatore

En quelques années, Benetton passe de favori à écurie de milieu de grille. Sur la fin, elle s’en remet à des exploits de Giancarlo Fisichella, qui arrache plusieurs podiums et mène entre autres le GP d’Europe 1999. Fin 2001, après une saison calamiteuse (10 points, et seulement quatre arrivées dans les points), Renault rachète l’écurie et fait son grand retour en F1. En seulement quelques années, l’écurie française atteint les sommets, et rafle avec Alonso les titres pilotes et constructeurs en 2005 et 2006.

L’écurie est cependant fragilisée par le « Singapourgate » révélé par Nelsinho Piquet au lendemain de son licenciement par Renault en 2009. Lors du premier Grand Prix de Singapour en 2008, il révèle s’être crashé sur ordre de Briatore pour favoriser Alonso qui venait de s’arrêter aux stands en faisant sortir la voiture de sécurité. Briatore est ainsi suspendu à vie, alors que Pat Symonds est lui suspendu pour cinq ans pour avoir activement participé à la manœuvre.

Durement touchée par le chambardement technique de 2009, Renault parvient cependant à sortir la tête de l’eau en 2010, notamment grâce à Robert Kubica. Transfuge de BMW qui est redevenue Sauber, il signe plusieurs podiums et se bat notamment contre Massa et Rosberg. Vitaly Petrov, premier pilote russe de la discipline, ne termine que cinq fois dans les points, mais offre malgré lui le titre à Vettel en gardant Alonso derrière lui toute la course à Abu Dhabi.

Vitaly Petrov chez Renault

Le même duo est conservé pour 2011, mais l’écurie est empêtrée dans des démarches administratives sans fin. En effet, Genii Capital a racheté les dernières parts de Renault et la situation est la suivante :

Cependant, lors de la présentation de la R31, tout le monde remarque que les échappements ont « comme disparu », et plusieurs hypothèses circulent sur le sujet. En réalité, avec un certain James Allison aux commandes, cette R31 est équipée d’échappements soufflés. C’est ainsi que les gaz sont redirigés vers l’avant de la voiture, au début du fond plat pour ensuite être renvoyés vers le diffuseur pour générer plus d’appuis. C’est une façon de contourner le nouveau règlement technique qui interdit le système qu’utilisait Red Bull notamment en 2010, en faisant directement déboucher les gaz dans le diffuseur.

L’écurie, qui la présente comme totalement différente de la R30, voit le potentiel de la R31 confirmé au fil des essais. Petrov et Kubica alignent les tours sans rencontrer de problème majeur, et le 3 février 2011, dernier jour des tests, le Polonais signe le meilleur temps des essais. Il tourne ainsi en 1’13’’144 sur le circuit Ricardo del Tormo, habituellement utilisé par le MotoGP et laisse à penser que sa voiture va au moins jouer la victoire régulièrement.

Lancement de la Lotus Renault R31 avec notamment Robert Kubica au volant lors des tests

Hélas, trois jours plus tard tout va s’arrêter lors du Ronde di Andora, un rallye comptant pour le championnat d’Italie de la discipline. Il perd le contrôle de sa Skoda Fabia S2000 sur une plaque d’humidité et termine sa course dans le rail. Le choc est si violent que la voiture s’empale sur le rail et blesse gravement le pilote polonais au bras gauche. A la différence d’Alessandro Nannini (qui avait eu le bras gauche sectionné dans un accident d’hélicoptère en 1990), il parvient à revenir en F1 en 2019 chez Williams, après plusieurs années en rallye (et un titre WRC-2 en 2013). Une longue convalescence et de nombreuses opérations furent nécessaires pour récupérer une mobilité et une force suffisante.

Quoi qu’il en soit, Renault se retrouve décapitée et doit faire appel en urgence à Nick Heidfeld, qui avait pu tester la R31 lors des essais à Valence. Les deux premiers Grands Prix sont prometteurs et laissent entrevoir une saison finalement brillante. Petrov devient le premier Russe à monter sur un podium de F1 en terminant troisième en Australie. Lors de l’épreuve suivante, c’est au tour d’Heidfeld d’aller chercher le podium… mais la R31 va ensuite sombrer dans le classement. Hormis une cinquième place de Petrov au Canada, les monoplaces n’intègrent plus le top 6.

Vitaly Petrov et Sebastian Vettel au Grand Prix d'Australie 2011

Le développement de la voiture n’avance pas aussi vite qu’escompté, et Mercedes passe devant l’officine désormais anglaise. En désespoir de cause, Nick Heidfeld est remplacé par Bruno Senna après la pause estivale. Bien qu’étant le neveu du légendaire triple champion du monde, il ne marque que deux points en Italie, en profitant du carambolage du départ. Si Lotus Renault GP sauve la cinquième place du classement constructeurs, l’écurie n’a marqué que 73 points avec une fin de saison catastrophique.

Les échappements soufflés furent les principaux responsables de ce naufrage. James Allison l’expliquera alors ainsi à AutoHebdo à l’époque.

Le dispositif semblait avoir beaucoup de potentiel, mais il nous a été difficile d’améliorer ses performances au rythme que nous espérions. Le développement est très compliqué. Lorsque nous l’avons sorti des cartons, il était bon mais la courbe de progression n’a pas été aussi forte que prévu. Ensuite, il n’a pas apporté les appuis escomptés sur certains circuits.
James Allison
Directeur technique

Fin 2011, l’écurie devient enfin Lotus F1 (l’écurie de Tony Fernandes devenant alors Caterham). Cependant, Lotus n’est ici qu’un prête-nom, si bien que les quatre ans de l’écurie et ses résultats ne peuvent être associés à l’écurie originale. Après deux superbes saisons 2012 et 2013 avec deux victoires et de nombreux podiums, le règlement 2014 donne une E22 totalement ratée. Romain Grosjean doit sa huitième place à Monaco aux pénalités reçues par… la Marussia de Jules Bianchi ! Après une saison 2015 un peu plus convaincante et un podium de Romain en Belgique, l’écurie redevient Renault en 2016.

Depuis son retour, l’écart entre le top 6 et le reste du plateau s’est sensiblement creusé, si bien que Renault n’a toujours pas signé de podium depuis son retour. Quatrième en 2018 et cinquième en 2019 derrière McLaren, cette saison 2020 retardée par le COVID-19 devrait nous montrer si la Régie peut retrouver les sommets. Avec un duo de pilotes composé de Ricciardo et d’Ocon, la RS20 est entre de bonnes mains pour jouer devant. Reste désormais à savoir si cette voiture aura le niveau de performances nécessaire pour emmener ses deux pilotes au sommet de la grille.

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

%d blogueurs aiment cette page :