Le titre joué de justesse: 1964, maudit Climax !
Si cette année 2019 est bien partie pour être un récital d’Hamilton au vu de ses quatre victoires en six Grand Prix, tous les championnats n’ont pas eu d’issue aussi prévisible en 70 saisons. Retour ce mois-ci sur ces saisons où le titre s’est joué dans la dernière course, voire parfois même dans les derniers virages.
Cette saison 1964 voit comme favoris le champion du monde en titre Jim Clark au volant de sa Lotus Climax ainsi que son compatriote Graham Hill sur sa BRM, champion du monde 1962. Cependant, il faut aussi compter sur les Ferrari du champion du monde moto John Surtees et du play-boy italien Lorenzo Bandini, ainsi que sur le coéquipier de Jim Clark, le jeune Peter Arundell qui impressionne en Formule Libre britannique, empochant deux titres consécutifs. Les américains Dan Gurney et Richie Ginther, ainsi que le Néo-Zélandais Bruce McLaren et l’Australien Jack Brabham font également office d’outsiders.
Au bout de quelques courses, une bataille à deux se précise entre Hill et Clark. Après six courses Hill mène le championnat avec 32 points, deux de plus que Clark et 13 de plus que Surtees sur sa Ferrari, qui vient tout juste de gagner pour la deuxième année consécutive sur la Nordschleife. Suivent ensuite avec 11 points Brabham, Ginther et Arundell, mais ce dernier a été victime d’un terrible accident lors d’une course F2 à Reims et a été contraint de mettre un terme à sa saison. On retrouve ensuite Dan Gurney avec 10 points, dont neuf acquis lors de sa victoire au Grand Prix de France.
Si le Grand Prix d’Autriche à Zeltweg voit Bandini s’imposer à la suite de l’hécatombe des favoris, le vent tourne en cette fin de saison, et Surtees remonte ainsi à grandes enjambées sur Clark, incapable de scorer depuis sa victoire à Silverstone, et Graham Hill, qui s’impose devant Surtees lors de l’avant-dernière manche de la saison aux Etats-Unis. Cependant, seuls les six meilleurs résultats comptent, et Hill doit retrancher sa cinquième place obtenue en Belgique.
Au départ du Grand Prix du Mexique, Hill est leader du championnat du monde pilotes avec 39 points, devant Surtees qui compte 34 points et Clark qui en compte 30. Hill doit espérer que Surtees ne finisse pas mieux que troisième et que Clark ne gagne pas. Surtees doit gagner ou terminer deuxième en espérant que Hill ne gagne pas. Clark, lui, ne peut se permettre de calculer, il doit gagner à tout prix sans que Hill ne finisse sur le podium.
A la fin des qualifications, les pronostics sont en faveur de l’Ecossais, puisqu’il est le seul à passer sous la barre des 1.58. Il devance Dan Gurney, tandis que Surtees part quatrième derrière son coéquipier, mais deux places devant Graham Hill. Petite particularité, les Ferrari se sont départies de leur rouge traditionnel pour la livrée bleue et blanche du NART ! Une bizarrerie liée à une décision de la Confédération Sportive Italienne (CSI) qui refusa l’homologation en GT de la Ferrari 250 LM, tant et si bien qu’Enzo Ferrari menaça de quitter le sport automobile pour de bon.
La première moitié de course voit Clark s’envoler en tête devant Gurney, tandis que Hill et Surtees, après un mauvais départ (10ème et 13ème à la fin du premier tour) remontent dans la hiérarchie, et au 18ème tour de course, Clark devance Gurney, Hill, Bandini et Surtees. Mais 12 tours plus tard survient un premier coup de théâtre, lorsque Bandini commet une erreur et percute Hill dans une épingle. L’Anglais doit donc rentrer aux stands pour faire réparer une ligne d’échappements tordus et doit désormais espérer que Clark ne s’impose pas, et que Surtees ne fasse pas mieux que troisième. Il repart malgré tout, mais en 13ème position.
Entre le 34ème et le 63ème tour, un seul dépassement est à noter dans le top 6, avec le dépassement de Mike Spence sur Pedro Rodriguez pour le gain de la cinquième place dans le 45ème tour. Mais alors que Jim Clark voit le titre se rapprocher à grands pas, il aperçoit une traînée d’huile sur la piste à quelques tours de la fin. Il change alors sa trajectoire… et découvre deux traînées d’huile dans le tour suivant ! Et hélas, une fois de plus la fiabilité aléatoire de la Lotus va faire des siennes, Clark se retrouve contraint à l’abandon à deux tours de l’arrivée sur fuite d’huile, tout ça pour un boulon mal serré.
Hill redevient donc champion du monde, Gurney menant devant Bandini et Surtees. Mais voyant les problèmes de Clark, Ferrari parvient à prévenir Bandini juste à temps afin qu’il laisse passer Surtees en seconde position. L’Italien s’exécute et donne à son coéquipier la couronne mondiale pour un point face à Graham Hill. John Surtees devient par la même occasion le seul et unique pilote à avoir été champion du monde moto et auto, le tout grâce à un boulon mal serré chez Clark, dont la fiabilité de la Lotus aura eu raison de ses espoirs de titre mondial cette année-là.