Les supporters russes de la Formule 1 : une nouvelle génération en développement
Les supporters européens de Formule 1 sont réputés pour être fervents. Dernier phénomène en date : les marées orange qui envahissent les tribunes au nom de Max Verstappen. Comment cela se passe-t-il plus à l’est ? Sergey Sirotkin, pilote russe réserviste chez Renault, raconte.
Ces dernières années, le sport moteur en Russie a connu un réel coup boost avec l’arrivée de pilotes dans les grandes disciplines tels que Vitaly Petrov et Daniil Kvyat actuellement, ou encore grâce aux programmes formateurs de SMP Racing. Drapeau vert également pour les amateurs de moteurs bruyants qui suivent cette évolution. Sont-ils aussi enthousiastes que les européens ou cette nouvelle génération se veut pour l’instant plus réservée ?
- Comment pourrais-tu définir les supporters russes, quelle relation entretiens-tu avec eux ?
Á vrai dire, le sport moteur en Russie se développe très fort et de manière étonnante. Le soutien et l’attention suivent ce mouvement, même si ce n’est pas encore partout et tout le temps mais c’est assez significatif. Évidemment, il y aussi des avis négatifs chez certains, c’est inévitable, mais c’est derniers temps, c’est beaucoup de positif. Tous les jours, un bon nombre de gens m’écrivent pour me souhaiter tout ce qu’il y a de meilleur, bonne chance et sont derrière moi. Pour être honnête, ça me fait vraiment plaisir et ça fait du bien de voir que tu n’es pas seul, que derrière toi il y a des gens qui s’inquiètent pour toi qui te soutiennent et qui veulent te voir toucher l’objectif que tu te fixes. Et c’est d’autant plus précieux dans les moments difficiles, on peut partager les instants plus compliqués et d’autres plus joyeux. Et je dois avouer que des fois je suis inquiet par le fait de ne pas pouvoir répondre à tout le monde, les remercier, parce ces attentions me touchent vraiment et j’aimerais que ça soit possible de pouvoir dire merci pour ce soutien, que chacun entende à quel point ça me touche. Malheureusement, ce n’est pas possible et ça me met même un peu mal à l’aise. Mais je me sens très reconnaissant, certains pensent que nous les pilotes, on ne fait pas attention à ces choses-là, mais personnellement ça compte beaucoup.
- On dit les supporters russes fervents mais possédant la critique facile et dure, est-ce que c’est vrai ? Et comment est-ce que tu y fais face ?
D’abord il faut voir le contexte, comme je me connais, j’analyse un peu d’où vient le négatif. Par exemple, je vais beaucoup plus faire attention à quelqu’un qui va venir me parler directement, vous savez, ce sont ces personnes qui s’intéressent et s‘investissent suffisamment dans le sport moteur, ceux qui partagent les choses avec toi, bonnes ou mauvaises. Puis il y a une autre catégorie de gens, ceux qui vont s’acharner dans les commentaires d’articles scandaleux par exemple. Généralement, je n’y prête pas trop attention. Déjà parce qu’il s’agit vraiment d’une toute petite partie des personnes impliquées, et puis si on doit passer son temps à lire chacun de ces commentaires et surtout à le prendre pour soi alors que certains n’ont pas forcément conscience de ce qu’ils écrivent, on ne s’en sort pas. C’est pour ça que je ne les lis pas et n’y fais pas attention.
Par contre je prête évidemment attention à ce que les médias disent. Mais j’ai de bonnes relations avec les représentants des médias russes, donc sur ce plan tout va bien.
- Tu as passé une partie de ta carrière en Italie et ensuite sur la scène européenne, tu as donc des supporters européens également. À quel point est-ce que le soutien de ta terre natale est-il important pour toi ?
Pour parler à cœur ouvert, je pense que n’importe quel soutien fait plaisir, peu importe d’où la personne vient, qu’elle soit de ton pays ou pas. Il y a clairement certains pays où les fans sont beaucoup plus chauds et évidemment que je les apprécie fort. Mais vous savez, c’est aussi ça le sport, et je ne change pas mon intérêt pour une personne en fonction d’où elle vient ou de ce qu’elle fait dans la vie, mais je la prends tel qu’elle est.
- Est-ce que tu ressens une différence entre les supporters européens et russes ?
Je pense bien, évidemment je ne veux pas en faire une généralité. En Europe, la F1 a de vraies racines : il y a l’histoire, tous les circuits et toutes les saisons disputées avec les moments où elle était au summum de sa popularité. Les gens sont donc beaucoup plus formés face à la F1, ils connaissent bien le sport, ils vont se poser des questions beaucoup plus fondées. Alors qu’en Russie, la F1 c’est quelque chose de récent, même si ça se développe de manière assez forte, je pense que ça prendra plusieurs années, voire même plusieurs dizaines d’années pour que ça rentre dans la norme et dans les habitudes des gens. C’est à ce moment-là que ça va vraiment changer.
- Est-ce que SMP Racing et tout le programme qu’ils proposent permettent d’intéresser et d’enthousiasmer les fans de sport moteur en Russie ?
SMP aide évidemment au développement et à l’arrivée de plus en plus de fans. Il suffit de comparer ce qu’on avait il y a un an, trois ou cinq : la différence est évidente. Quand tu es à fond dans le programme, que tu y travailles au quotidien, tu as l’impression que le progrès est minimal. Mais quand tu te mets à comparer ce qu’il y avait avant, c’est là que tu constates à quel point les choses ont évolué. Souvenez-vous de ce qu’on avait avant SMP, avant qu’on ait des pilotes russes ou même avant le Grand Prix de Sotchi, il n’y avait presque rien, c’est indéniable, c’est le jour et la nuit, c’est inexplicable. De pilotes comme Petrov, Daniil et j’espère que j’en ferai partie aussi ont vraiment changé les choses, ils ont apporté de l’affluence.
- Lorsque tu vas en Russie, est-ce tu ressens une différence par rapport à d’autres pays ? Au niveau de l’accueil, ou de la réaction des personnes que tu croises….
C’est partout différent. Par exemple ici, quand je suis arrivé à Budapest à l’aéroport, il y avait beaucoup de gens qui m’attendaient et qui m’ont reconnu, ont demandé des photos, ça m’a fait vraiment plaisir. Par contre, lorsque j’arrive à Sotchi ou à Moscou, il n’y a pas ça. Après, dans d’autres moments ou événements, l’attention qu’on me porte en Russie est plus importante qu’ailleurs. Ça dépend des situations concrètes.
- De quoi cela peut-il dépendre ?
Je ne sais pas, mais je pense que c’est toujours la même raison : la F1 est plus populaire en Europe. Les fans confirmés viennent chaque année et attendent leurs favoris à l’aéroport. Tandis qu’en Russie on n’a pas ça encore, il faut que ça se développe, j’espère que cette cuture du sport moteur arrivera au plus vite.
Angélique Belokopytov