Dans les allées du Paddock

Grand Prix du Brésil : une épreuve emblématique

Ca y est, Lewis Hamilton est champion du monde de Formule 1 pour la sixième fois. Il dépasse ainsi Juan Manuel Fangio au palmarès et n’est plus qu’à un titre d’égaler Schumacher. Cependant, il reste encore deux courses à disputer, l’occasion de se rapprocher d’autres records et d’améliorer ceux qu’il détient déjà. Le vingtième Grand Prix de la saison se déroule au Brésil, une épreuve riche en histoire.

Si au Brésil le football fut, est et restera pour longtemps le sport roi, le pays auriverde n’a pour autant jamais réellement délaissé le sport automobile. Cependant, il lui manquait un pilote d’envergure pour avoir une réelle raison d’organiser un Grand Prix de F1. Chico Landi fut le plus connu des trois Brésiliens à avoir couru dans les années 50, mais il n’obtint aucun résultat d’envergure. Il fallut attendre 1970 et l’émergence d’un certain Emerson Fittipaldi pour voir le Brésil s’enflammer comme peu d’autres pays.

S’il est d’abord engagé comme troisième pilote chez Lotus cette année-là, la mort de Rindt à Monza et la retraite de Miles qui s’ensuit le propulse leader de l’écurie anglaise. Malgré cet enchaînement dramatique, il parvient à triompher à Watkins Glen, offrant le titre au regretté Autrichien. Deux ans plus tard, il devient le plus jeune champion du monde de l’histoire à 25 ans, et il devient la deuxième icône nationale derrière le roi Pelé.

Après une première course hors-championnat en 1972, le circuit d’Interlagos accueille la F1 dans le cadre du championnat du monde pour la première fois. Il s’agit alors de la seconde manche de la saison, et le public est enfiévré comme seul Monza sait l’être pour Ferrari. Si les tifosi n’ont d’yeux que pour la Scuderia Ferrari, ici le héros national se nomme Emerson Fittipaldi, son frère Wilson étant également au départ. Toutefois, le circuit est alors bien plus long que le tracé actuel, s’étirant sur près de 8 kilomètres ! Bien que parti second derrière Peterson, le champion du monde en titre prend la tête dans le premier tour et mène toute la course, pour s’imposer devant Stewart et Hulme devant un public acquis à sa cause corps et âme.

Cependant, ce tracé d’Interlagos, renommé Autodromo José Carlos Pace en 1977 à la mort du pilote brésilien, souffre de problèmes de sécurité de plus en plus évidents avec la performance accrue des voitures. Ainsi, le Grand Prix est délocalisé une première fois à Jacarepagua en 1978 avant de revenir à São Paulo les deux années suivantes, mais l’épreuve 1980 est disputée après la menace d’un boycott de la part d’une partie des pilotes. Le tracé pauliste n’est plus aux normes de sécurité demandées et les infrastructures sont plus que sommaires…

C’est ainsi que la F1 va courir à Jacarepagua de 1981 à 1989, sur un tracé sans dénivelé mais à la piste extrêmement bosselée et aux conditions météo difficiles, en particulier quand la chaleur s’abat sur le circuit. Nombreux sont les pilotes qui se sont évanouis une fois la course terminée… Ce circuit reste toutefois le jardin de Prost, qui y a triomphé à cinq reprises, ainsi que de Piquet, qui donna son nom à la piste. Elle perd le Grand Prix en 1990, incapable de débloquer les fonds nécessaires à sa réfection complète, avant de se voir détruite en 2012 et remplacée par des infrastructures destinées aux Jeux Olympiques.

C’est ainsi qu’Interlagos, berceau d’Ayrton Senna redevient la terre d’accueil du Grand Prix en 1990. La piste et les infrastructures ont été totalement refaites à neuf, et le tracé est presque deux fois plus court tout en gardant ses caractéristiques principales. Le dénivelé et les virages les plus techniques sont conservés, et le tracé de 2019 est à peu de choses près la même depuis désormais près de 30 ans. Un changement important est son changement de position dans le calendrier, puisqu’il se déroule en fin de saison depuis 2004. Il y verra ainsi  six couronnements de champion du monde, dont cinq consécutifs et le fameux épilogue de 2008 que vous pouvez retrouver ici.

Revivez les 10 moments les plus forts du Grand Prix du Brésil

Autre enfant du pays évoluant quelque peu dans l’ombre d’Emerson Fittipaldi, Carlos Pace gagne cette année-là devant ce même Fittipaldi et un certain Jochen Mass, qui signe son premier podium dans la discipline. Ceci restera la seule victoire en Grand Prix de Pace, qui se tue deux ans plus tard dans un accident d’avion.

Ce premier Grand Prix à Jacarepagua se déroule sous une chaleur écrasante, qui met machines et pilotes à rude épreuve. Reutemann triomphe de ces conditions et offre à la fois sa première victoire en F1 à Michelin et sa dernière victoire à la Ferrari 312 T2, remplacée par la T3 dès la course suivante. Deuxième, Emerson Fittipaldi signe ce qui restera le seul et unique podium de Copersucar, l’écurie fondée par son frère Wilson.

La F1 vient pour la dernière fois à Jacarepagua, 10 jours après des essais de présaison qui ont vu un accident mettre un terme à la carrière de Philippe Streiff. Victime d’une rupture de suspension à 220 km/h, son AGS termine sa course dans les filets de sécurité après avoir perdu son arceau et effectué plusieurs tonneaux. Blessé à la colonne vertébrale notamment, il est victime de l’incompétence totale des divers secouristes qui le laisseront paralysé à vie.

La nouvelle Ferrari 640 étrenne un nouveau type de boîte de vitesses, un système semi-automatique avec palettes au volant. Le système est alors trop peu fiable pour être démocratisé dans l’immédiat, si bien que Nigel Mansell, persuadé qu’il ne finira pas la course, décide de prendre un billet d’avion pour rentrer en Angleterre avant la fin du Grand Prix. Cependant, bien aidé par les déboires des McLaren, il remporte cette course à la surprise générale, devant Prost, le local Gugelmin qui signe son seul podium en F1 et Herbert, quatrième malgré de fortes douleurs aux jambes consécutives à son grave accident de F3000 l’année passée. En plus de rater son avion, Mansell se coupe involontairement la main en soulevant son trophée…

Troisième l’année passée après avoir percuté Nakajima, Senna est plus que jamais déterminé à gagner ce Grand Prix du Brésil qui le fuit tant. Comble de l’infamie, son rival Prost s’est lui adjugé sa sixième victoire en territoire auriverde à la suite de cet accrochage ! Aidé par l’abandon de Mansell et des Ferrari pas au niveau, il réalise l’une des plus belles courses de sa carrière. Alors qu’il mène confortablement la course, il perd la troisième à 25 tours du but, puis la cinquième à 19 tours et la seconde et la quatrième à 15 tours de la fin. Il se retrouve alors bloqué en sixième pour la fin du Grand Prix, et tente de rallier l’arrivée coûte que coûte. Les tours s’égrènent dans une souffrance intenable, Mansell casse sa boîte et abandonne, Patrese revient en boulet de canon, la pluie se fait menaçante…

Sans savoir comment, Senna parvient à s’imposer et à enfin conjurer le mauvais sort, en hurlant de joie et de douleur. Livide, il est au bord de l’évanouissement tant il est épuisé par ce qu’il vient de réussir, et parvient malgré tout à soulever son trophée sur le podium, tandis que les spectateurs chavirent de bonheur sous une pluie juste diluvienne.

Juan Pablo Montoya est alors un débutant dans le monde de la Formule 1 chez Williams-BMW, mais avec de solides références, notamment en étant vainqueur en titre des 500 Miles d’Indianapolis. En début de course, il se fait remarquer par un superbe dépassement sur Michael Schumacher, la référence de la discipline, et s’envole en tête pour filer vers ce qui semble être sa première victoire. Hélas, il percute Jos Verstappen à la mi-course en lui prenant un tour, et se retrouve contraint d’abandonner. Schumacher termine finalement second derrière Coulthard et devant Heidfeld, qui a su profiter des abandons pour arracher un superbe podium.

Avec 2008, il s’agit de l’édition la plus mouvementée de l’histoire de ce Grand Prix. Accidents, abandons crève-cœur et vainqueur incertain, on aura tout eu. Disputée sous la pluie, cette course connaît rapidement sa première victime avec Nick Heidfeld sur problème mécanique. Entre le 24ème et le 32ème tour, Pizzonia, Montoya, Schumacher, Verstappen et Button sortent de la piste et doivent eux aussi abandonner. Devant, les McLaren se battent avec la Ferrari survivante de Barrichello, l’enfant du pays, mais contrairement à Senna il ne conjurera pas le mauvais sort. Alors qu’il vient de reprendre la tête de la course, il abandonne au 47ème tour sur casse mécanique, le laissant inconsolable.

Mais plus impressionnant encore, si Coulthard reprend la tête devant Räikkönen… Fisichella et sa Jordan sont troisièmes ! Et l’Italien va faire mieux que ça puisqu’il double Coulthard, puis pousse Räikkönen à la faute dans le 54ème tour qu’il boucle en tête ! Mais deux tours plus tard, Webber part à la faute dans le dernier virage et sème des débris sur toute la piste. Alonso ne peut les éviter et fracasse sa Renault dans le mur, provoquant l’arrêt de la course. De plus, le moteur Ford de la Jordan de Fisichella prend feu dans le parc fermé !

La victoire est initialement attribuée à Kimi Räikkönen devant Fisichella et Alonso, le classement ayant été arrêté au 53ème tour de course. Mais après révision, le classement est finalement arrêté au 54ème tour, et Fisichella gagne donc la course. Au vu de ses performances sur le reste de la saison (trois points en plus de cette victoire), la Jordan EJ13 reste l’une des plus mauvaises voitures à avoir gagné un Grand Prix de F1.

Pour sa dernière saison en F1 avec Ferrari, Michael Schumacher garde une infime chance d’être titré, mais il doit gagner sans qu’Alonso ne termine dans les points. Il n’est qualifié que 10ème et un petit accrochage avec Fisichella, l’équipier d’Alonso ruine ses derniers espoirs. Libéré de toute pression, il part dans une remontée dont lui seul a le secret, et termine quatrième non sans avoir signé un dépassement absolument magnifique sur Räikkönen en fin de course. Deuxième derrière Massa, Alonso devient champion du monde pour la deuxième fois de sa carrière.

Les pilotes McLaren sont favoris pour aller chercher le titre mais Hamilton a gâché une belle cartouche en abandonnant en Chine. Il compte quatre points d’avance sur Alonso et sept sur Räikkönen, qui garde ainsi quelques chances d’être titré. Alors que les Ferrari s’envolent en tête, Massa devant son coéquipier finlandais, Hamilton part en tête-à-queue après un contact avec Alonso et se retrouve au ralenti avant de pouvoir repartir et remonter dans le classement. Hélas, il ne peut remonter plus haut que septième, et Alonso, troisième derrière les Ferrari et lui perdent le titre pilotes face à un Kimi Räikkönen opportuniste qui a pu compter sur le soutien de Felipe Massa pour arracher le titre. Hamilton loupe pour un rien l’occasion de devenir le premier rookie champion du monde.

Sebastian Vettel part avec 13 points d’avance sur Fernando Alonso et un statut de favori pour le titre. Cependant, il s’accroche avec le local Bruno Senna en début de course et se retrouve bon dernier avec une voiture endommagée. Il remonte rapidement dans le classement et garde virtuellement son titre, Alonso ne pointant que quatrième. L’autre principal rebondissement de la course survient dans le 54ème tour, lorsqu’Hülkenberg s’accroche avec Lewis Hamilton pour reprendre la tête du Grand Prix. L’Anglais abandonne tandis que l’Allemand passe par les stands pour réparer et repart 5ème, derrière Alonso mais toujours devant Vettel. L’accident de Di Resta à trois tours de la fin scelle le résultat final, Button gagne son dernier Grand Prix devant Alonso, qui termine vice-champion du monde de Vettel, sacré malgré sa sixième place.

Max Verstappen réalise un superbe numéro grâce à une excellente stratégie, et se retrouve en tête devant Hamilton et Räikkönen. Mais à l’amorce du 44ème tour, Ocon tente de se dédoubler, bénéficiant de pneus plus frais. Il rate complètement sa manœuvre et percute la Red Bull du Néerlandais, qui se retrouve alors derrière Hamilton. Furieux, Max exprime ses états d’âme au pilote français par un doigt d’honneur avant de chasser Hamilton jusqu’au drapeau à damier, en vain. Frustré et déçu, il laisse éclater sa colère après-course sur Ocon, sous le regard de quelques caméras. Cette prise de bec lui a valu deux jours de travail d’intérêt général sous la direction de la FIA.

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

%d blogueurs aiment cette page :