Schumacher au sommet de l’Eau Rouge en 92
« Je ne peux pas décrire ce qui se passe, c’est complètement fou… Mais je dois dire que durant tout le week-end, j’avais de bonnes sensations et je ne sais pas pourquoi, quand j’étais dans le motor-home ce matin, je me disais que j’avais les moyens de gagner cette course. Quand je me suis retrouvé en troisième ou quatrième position, je me suis dit que mon rêve ne se réaliserait pas. Soudainement, la situation a changé. »
Le 30 août 1992, sur fond de décor spadois, le drapeau à damier s’agite au-dessus d’une Benetton jaune et verte, casquée de bleu et blanc. Le pilote se glisse hors du baquet et il est inutile de relever sa visière pour deviner le sourire béat qui orne son visage. À 23 ans, Michael Schumacher remporte son premier Grand Prix de Formule Un.
À ce moment-là, installé à la troisième place du championnat, Schumi a tout : le talent, la science de la course, l’assurance, une écurie Benetton montante et des supporters qui commencent à accrocher à ce petit nouveau qui en fait des ravages. Tout, ou presque. Il lui manque une chose, celle qu’on appelle la drogue du pilote, la victoire. Il la désire férocement. Déjà lors des qualifications, il montre cette soif sans se cacher. Il décroche une troisième place sur la grille, lui-même est presque surpris. Sur son chemin, en pole, l’intouchable Nigel Mansell, déjà sacré champion, devance avec sa Williams-Renault la McLaren-Honda de Senna. Derrière ces deux grands noms, Schumacher se sent un peu comme David face à Goliath. Lors de l’extinction des feux, il loupe d’ailleurs son départ et perd quelques places.
Une chose que le futur septuple champion du monde sait, c’est que tout bon pilote doit garder la tête froide. Après tout, une course n’est terminée que lorsque le drapeau à damier est brandi. Avant cela, tout peut arriver. C’est alors qu’il voit apparaitre des gouttes sur sa visière. Digne d’un Spa-Francorchamps, il ne pleut que sur certaines zones de la piste. Il n’en faut pas moins au Regenmeister pour réfléchir vite et lancer les paris. Tout comme Nigel Mansell venait de le faire, Schumi s’engage dans la voie des stands pour chausser les pneus mixtes. Pendant ce temps, Senna joue la carte des slicks, priant pour une météo clémente, et prend la tête. La chance ne sourit pas au Brésilien qui éprouve de plus en plus de difficultés à aborder les virages. De son côté, Schumacher suit le rythme de Patrese et Mansell et se rapproche des pots d’échappement de Senna. Il laisse Ayrton derrière et prend la troisième place. Le stade de la mi-course est passé, il ne se fait plus trop d’illusions quant à une victoire.
Le futur septuple champion du monde continue à se battre mais commet une erreur, l’obligeant à passer par les stands, tuant tout espoir de première place à quinze tours de l’arrivée. Une faute qui va pourtant réécrire la partition de la course. Le Baron Rouge a vu la piste se dessécher et décide qu’il est temps de relancer les dés. Il chausse des pneus slicks et tente sa chance. Il sort de la voie des stands et voit que ses concurrents Mansell et Patrese hésitent encore à l’imiter. Il profite de ses pneus neufs et adaptés pour pousser sa Benetton dans le but de gagner du temps et terrain durant trois tours. Une stratégie qui s’avère payante. Au 34e tour, il voit ses deux adversaires surgir de la sortie des stands tout juste derrière lui. L’Allemand connait la puissance de la Williams qui le poursuit, il ne demande pas son reste et appuie sur l’accélérateur. Cette victoire dont il avait tant rêvé est si proche, il se sent pousser des ailes et signe le meilleur tour.
Après une heure et trente-six minutes et un coup de pouce du moteur Renault défaillant, Michael Schumacher voit au travers sa visière ce drapeau à damier s’agiter devant ses yeux. Le team hurle de joie en bord de piste et lui, il n’en revient pas. Il agite son point et secoue sa tête, pris par l’émotion. Le Kaiser offre la sixième victoire à Benetton en tant que constructeurs. Une petite année après avoir disputé son premier Grand Prix sur le même circuit en remplacement de Betrand Gachot chez Jordan, il revient en conquérant sur la première place du podium. Il devient également le premier allemand à remporter un Grand Prix depuis Jochen Mass en 1975. Dans sa combinaison jaune, il signe le début d’une grande histoire, puisqu’il soulèvera encore cinq fois le trophée du vainqueur entre les sapins spadois parmi les nonante-et-une autres qui écriront le script de sa carrière.
Angelique Belokopytov
4 commentaires
J.P
Thanks for that article, always good to get back to those times.
Angélique Belokopytov
Thank you for your comment 🙂
Nicolas
Thanks for this nice report Angélique. I remember sitting with my father in the «double gauche» corner when Schumi came alongside the safety wire to great his fans during the lap of honor. At that time, there was one at least….
Angélique Belokopytov
Thanks for you comment Nicolas 🙂 I can imagine how stunning it was !