Ross Brawn dompte le cheval cabré
SERIE. Ces dernières années, la Formule 1 ne peut se dissocier d’un nom britannique qui a fait son histoire : celui de Ross Brawn. L’actuel directeur technique et sportif de la discipline a marqué le championnat grâce à ses compétences d’ingénieur. Mécanicien, directeur technique ou encore directeur d’écurie, la plupart des voitures et des pilotes qui ont roulé sous sa coupe ont gouté au succès. La série du mois de mai se penche sur les cinq chefs d’œuvre de Ross Brawn.
De 1997 à 2006, c’est la plus belle histoire d’amour qu’a vécu Ross Brawn. Le charme à l’italienne a fait battre son cœur des années durant. À l’époque, Jean Todt, sauvé de justesse par le talent de Schumacher qui arrive à tirer miraculeusement le meilleur d’une monoplace presqu’inexploitable, décide de poursuivre la restructuration de la Scuderia. Il considère que John Barnard est ingérable et décide de le remplacer. Il va chercher celui qui a participé chez Benetton au succès de son pilote protégé: Ross Brawn. Ce dernier arrive dans une écurie fatiguée par la restructuration et blessée au combat. Tiens, tiens… cela sonne familier pour le Britannique qui a déjà connu pareil cas chez Arrow. Le défi à relever est énorme mais c’est ce qui accroche Brawn. Il est rapidement rejoint par son acolyte Byrne au sein de l’écurie italienne.
D’un coup de baguette magique, l’arrivée de Ross réveille le cheval cabré. Schumacher est capable de se battre pour le titre jusqu’à sa disqualification du championnat pour une action litigeuse sur son concurrent direct, Jacques Villeneuve. La saison suivante, la Ferrari a du mal à rivaliser avec la McLaren-Mercedes. C’est sans compter sur le talent du pilote allemand qui la repousse dans ses retranchements et parvient à menacer Hakkinen dans la course au titre. En 1999, Ferrari remporte le titre des constructeurs. Brown a encore frappé. Cette fois, il ne va pas quitter le navire de si tôt.
Triumvirat Todt-Schumacher-Brawn
Inutile de rappeler l’une des dominations les plus fortes que la F1 n’ait jamais connu. De 2000 à 2004, il est impossible de rivaliser : Schumacher domine, la Ferrari survole. Le vrai petit bijou de cette période, c’est la F2004. Le binôme Ross Brawn et Rory Byrne est au sommet de art. Une monocoque composite moulée en fibre de carbone en nid d’abeille cache un V10 qui développe une puissance de 900 chevaux. Dès sa première sortie, elle en met plein la vue. Lors des premiers essais hivernaux sur le circuit d’Imola, Schumacher signe un nouveau record de piste. Le couple Michael et F2004 part à la conquête du monde. En cinq courses, Schumi signe quatre poles et cinq victoires. Mais la rutilante voiture va bien à Barrichello également : il signe trois doublés à ce stade de la saison. Montoya met fin à cette suite en percutant la Ferrari de l’Allemand à Monaco sous safety car. Il en faut plus pour abattre une telle voiture. Schumacher sort l’artillerie lourde au Grand Prix d’Europe et signe encore une victoire. Elle sera suivie de six autres au terme desquelles, l’Allemand décroche déjà son septième titre mondial sur les terres spadoises en occupant la deuxième place du podium derrière Kimi Räikkönen.
Cette F2004 est une femme autant belle que cruelle. Elle aime le charme brésilien de Rubens, et pourtant, l’accent allemand lui est agréable à écouter. Elle jette son dévolu sur ce dernier sans pour autant réussir à laisser partir Rubens. Plusieurs fois, elle lui tend la victoire et lui ôte de justesse pour l’offrir à on favori, Schumacher. La saison 2004 a été la saison de la souffrance pour Rubens. Que peut-il faire ? Il a le talent et la voiture mais il est second dans le cœur du cheval cabré tout comme dans le cœur de la F2004. Ce qui est offert à Schumacher, il le sait, il pourrait l’avoir aussi, si seulement il avait le même soutien que Michael. La F2004 n’a pas terminé de se moquer de lui. Après avoir donné le titre à son coéquipier, elle laisse Rubens terminer la saison victorieux. Elle remue le couteau dans la plaie un peu plus.
C’est indiscutable, Ross Brawn a réalisé le chef d’œuvre de sa carrière : quinze victoires sur dix-huit courses, huit doublés, la F2004 a gravé son nom dans le marbre. Lorsqu’on frôle la perfection, on risque de tomber de son piédestal. La FIA change son règlement pour limiter la domination de Ferrari. Le déclin de la belle italienne se ressent dès la saison 2005. Il faut attendre la moitié de la saison 2006 pour revoir les légendaires voitures rouges au premier plan. Schumacher réussit même à reprendre la tête du championnat au détriment d’un Fernando Alonso dominant jusque-là. Felippe Massa peut y prétendre également. Cependant, des problèmes de fiabilité mettront fin à leurs rêves de titre, remporté par l’Espagnol une deuxième année consécutive. Main dans la main, Schumacher et Brawn y voient un signe : il est temps de quitter la Scuderia. L’Allemand annonce son départ à la retraite, le Britannique décide de se retirer pour année sabbatique. Les spéculations vont de bon train : va-t-il revenir ? Brawn ne peut s’éloigner longtemps des circuits. À son retour, l’esprit reposé et la tête pleine de projets, il rejoint Honda F1. Ros Brawn ne peut échapper à sa nature, il aime les challenges et il est reparti pour un tour.
Angélique Belokopytov