Les outsiders des 80ies : Life Racing Engines, la définition d’un naufrage
Si l’on retient surtout de la fin des années 1980 et du début des années 1990 le duel Prost-Senna ou la domination de McLaren puis de Williams avec Ferrari en éternel outsider, cette période ne s’arrête pas à ces trois écuries. Derrière ces tops-teams, et d’autres outsiders tels que Benetton, Lotus ou Tyrrell, une kyrielle d’autres écuries ont rempli les grilles de départ des Grand Prix, avec plus ou moins de réussite.
À une époque où jusqu’à 35 voitures tentaient de prendre le départ d’un Grand Prix, la FIA instaura un système dit de « pré-qualification » afin d’éliminer les voitures les plus lentes. Si certaines équipes telles que Eurobrun ou Coloni éprouvaient les pires difficultés à s’en sortir, une autre écurie n’a quant à elle jamais franchi ce cap : Life Racing Engines.
L’écurie voit le jour fin 1989, à la suite de la conception par l’ingénieur Franco Rocchi d’un moteur W12 qui devait être révolutionnaire. Ami proche d’Enzo Ferrari et ancien de la Scuderia Ferrari, il se lance dans ce projet, et ne trouve hélas aucune écurie à qui vendre son moteur, faisant face à la concurrence de motoristes tels que Judd, Renault, Lamborghini ou encore Hart.
N’ayant trouvé aucune équipe à qui fournir un moteur, Rocchi et son associé Ernesto Vita, le créateur de l’écurie, décident de chercher un moyen de courir en Formule 1 pour la saison suivante. C’est alors qu’ils reprennent le projet mort-né First Racing de Lamberto Leoni, propriétaire d’une écurie de Formule 3000 et qui a voulu se lancer en Formule 1 en 1989. La First L189, dérivée de la March 88B de Formule 3000, se révèle être un cercueil roulant tant elle est dangereuse. Mal conçue, elle ne passe pas les crash-tests d’homologation de la FIA.
Leoni abandonne le projet, qui est finalement racheté par Vita. La Life L190 est mise aux normes pour pouvoir courir, et se retrouve naturellement équipée du W12 conçu par Rocchi. Richard Divila, qui était à l’origine de la conception de la First L189, prévient Vita du danger de conduire cette voiture à haute vitesse, mais ne parvient pas à réduire les ambitions de ce dernier, qui croit alors pouvoir concurrencer les plus grands de ce sport.
Après avoir approché nombre de pilotes, c’est finalement Gary Brabham, le fils cadet du triple champion du monde Jack Brabham, qui hérite du poste de pilote. Mais le rêve vire rapidement au cauchemar pour l’Australien, qui va se rendre compte dès le premier Grand Prix de l’amateurisme qui règne dans l’écurie, ainsi que de la piètre qualité de sa monture. Pour le premier Grand Prix de la saison aux Etats-Unis, il ne couvre que quatre tours en pré-qualifications, victime d’un moteur n’étant clairement pas au point. Il se retrouve ainsi relégué à près de 40 secondes de la pole position signée par Berger ! La situation est encore pire au Brésil, puisque Brabham casse son moteur au bout de 400 mètres et ne peut boucler un seul tour…
L’écurie n’a pas bonne mine : seulement six personnes dans le team, presque pas de matériel, pas de pièces de rechange et encore moins de motorhome. Face à une telle situation, Brabham décide d’abandonner le navire en plein naufrage pour éviter d’écorner son image, et Life va chercher un nouveau pilote. L’écurie s’adjoint ainsi les services de Bruno Giacomelli, qui n’a pas couru depuis 1983. Il va également signer un accord avec un consortium soviétique, Pilowski I.C, dans le but d’obtenir de l’argent afin de maintenir la structure à flot. Life ne percevra jamais le moindre centime des Soviétiques.
Les Grands Prix se suivent et se ressemblent : Giacomelli ne qualifiera jamais la voiture, bien trop mal conçue pour ne serait-ce qu’approcher les temps de ses rivales. Même une Formule 3000 eut été plus compétitive au vu des temps réalisés ! À Silverstone, les Formule 3 ne sont que trois secondes au tour plus lentes que la Life… Un V8 Judd arrive enfin pour le Grand Prix du Portugal, destiné à booster la voiture, mais à la suite d’un problème de capot moteur, la voiture ne peut participer aux pré-qualifications. Le Grand Prix d’Espagne qui suit sonne le glas de l’écurie, Giacomelli se retrouvant à plus de vingt secondes du dernier qualifié.
Ernesto Vita se fait une raison fin 1990, réalisant enfin à quel point cette saison fut un désastre absolu et préfère fermer ses portes plutôt que de se lancer de nouveau dans une entreprise aussi farfelue. Aujourd’hui, tout le monde ou presque a oublié cette petite écurie, qui s’est contentée d’assurer aux autres équipes d’éviter la dernière place des pré-qualifications pendant presque toute la saison 1990. Le manque de personnel, de compétences ainsi que l’entêtement de Vita à garder le W12 auront donné des résultats totalement indignes des standards de la Formule 1.
Un commentaire
Lionel Rosière
Et encore il y eu pire Ekstrom GP en 1986. Je vais en faire un article sur CyclauGP mon nouveau projet de chaîne et blog. Il existe un doc de télé suisse dessus et un article de Unraced F1 dessus.