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Les records indésirés : Nico Hülkenberg, 177 courses sans podium

Au-delà du sport et de la course en elle-même, la Formule 1 représente tout un tas de records dans divers domaines. Si certains comme Lewis Hamilton ou Max Verstappen brisent les plus prestigieux, d’autres en détiennent de moins enviables… Nous allons ainsi revenir sur ces records dont personne ne veut, en commençant par Nico Hülkenberg qui ne sera pas présent en F1 en 2020.

Nombreux sont les pilotes allemands talentueux qui ont écumé la grille de la discipline depuis les années 1990, dans l’ombre des géants Michael Schumacher et Sebastian Vettel. Nico Hülkenberg fait partie de cette génération, et alors que d’autres comme Frentzen, Heidfeld ou encore Glock ont réussi à signer des podiums, voire gagner quelques courses (sans oublier Nico Rosberg champion du monde en 2016), « Hulk » comme on le surnomme n’a jamais réussi à monter sur la boîte, à l’instar d’Adrian Sutil qui comptabilise 128 courses sans podium. Pourtant, tout semblait destiner Nico à devenir un futur champion du monde.

Né en Allemagne en 1987, il commence à courir en karting à l’âge de 10 ans et décroche quelques années plus tard ses premiers titres. Champion junior d’Italie en 2001 et 2002, champion d’Allemagne en 2002 et 2003, il se forge rapidement une belle réputation dans le milieu. Qui plus est, son agent est loin d’être un inconnu, puisqu’il est chapeauté par nul autre que Willi Weber, agent entre autres des frères Schumacher qui n’hésite pas à les comparer à de multiples reprises. Une graine de champion qu’on vous dit !

Après avoir perdu sa couronne allemande de karting en 2004, Nico se lance dans le grand bain de la monoplace dès l’année suivante. Il court alors en Formule BMW allemande, et gagne le titre avec 8 victoires en 21 courses, le tout en étant un rookie ! Cependant, sa progression ralentit quelque peu en 2006, lorsqu’il intègre la Coupe d’Allemagne de Formule 3. Bien qu’il gagne trois courses, il ne peut faire mieux que cinquième (championnat alors remporté par le chinois Ho-Pin Tung) et donc redoubler, mais cette fois en Formule 3 EuroSeries.

Nico Hulkenberg F3

Il profite de l’intersaison pour aller courir en A1GP pour le compte de l’Allemagne. Il dispute ainsi la quasi-totalité des courses de la saison (sauf celles au Mexique) et s’impose à neuf reprises, offrant le titre à l’Allemagne avec une large avance sur ses poursuivants. Malgré le faible niveau de la discipline (malgré la présence d’anciens et futurs pilotes F1 (Yoong, Enge, Karthikeyan, Buemi, Pérez) et d’autres pilotes talentueux (Jarvis, Duval, Fässler, Hunter-Reay…)) et sa faible médiatisation, son titre lui assure une notoriété grandissante en Allemagne.

Sitôt ce titre acquis, il repart en F3 EuroSeries et de nouveau rookie, il signe de belles performances (quatre victoires) mais une fois de plus il ne gagne pas le titre en tant que rookie et doit se contenter de la troisième place. Il est à noter que les membres du top 4 de cette saison 2007 (Grosjean, Buemi, Hülkenberg et Kobayashi) ont tous sans exception couru en F1, ce qui en donne le niveau. En fin d’année, « Hulk » couvre ses premiers tours au volant d’une Formule 1, en l’occurrence une Williams-Toyota (merci Weber), et se fait engager comme troisième pilote en 2008 dans l’écurie de Grove.

En parallèle, il poursuit son ascension dans les formules de promotion et court de nouveau en F3 EuroSeries pour 2008. Donné comme l’immense favori du championnat, il ne déçoit personne et écrase la concurrence en remportant le titre devant Eduardo Mortara et le regretté Jules Bianchi. L’étape suivante est donc le GP2, et il profite de la GP2 Asia pour se mettre en valeur avec une pole et une victoire.

Cependant, il démarre sa saison assez discrètement alors que son coéquipier Romain Grosjean domine le championnat, « Hulk » attend la cinquième manche de la saison pour signer son réveil en beauté. En effet, il gagne les deux courses disputées sur le Nürburgring puis la course principale en Hongrie, ce qui le replace dans la course au titre. Le limogeage de Nelsinho Piquet par Renault et son remplacement par Grosjean ouvre alors une voie royale à l’Allemand, qui n’en demandait pas tant pour aller chercher le titre. Il devient ainsi champion avec 100 points, devant Petrov, di Grassi et Grosjean, quatrième en ayant loupé les quatre derniers meetings de la saison !

Nico Hulkenberg 2009 GP2 series

Ce titre lui ouvre ainsi les portes de la F1 en 2010 chez Williams, avec une voiture capable d’aller chercher régulièrement les points. Qui plus est, il est associé au vétéran Rubens Barrichello, ce qui lui permet d’avoir un coéquipier très expérimenté pour s’acclimater au milieu de la F1. Malgré de bonnes prestations en qualifications, il peine à confirmer cette pointe de vitesse en course malgré une sixième place en Hongrie. Son premier coup d’éclat survient au Brésil, où il signe la pole sur une piste séchante avec plus d’une seconde d’avance sur Vettel ! Il parvient à terminer huitième en course en ayant notamment résisté à Alonso, mais le lendemain Williams lui fait savoir qu’il peut se chercher un autre volant pour 2011.

Il trouve donc refuge chez Force India mais en tant que troisième pilote derrière Sutil et di Resta. Il ronge donc son frein en disputant 14 FP1 dans la saison en remplaçant son compatriote, avant de purement et simplement le supplanter pour la saison 2012. Si son meilleur résultat de la saison reste une quatrième place en Belgique, il est une course qui aurait pu changer le cours de sa carrière…

Il est en effet rarement passé aussi près du podium que lors du Grand Prix du Brésil 2012. Sous la pluie qui s’abat sur le circuit d’Interlagos, il prend la tête dans le 18ème tour et la garde pendant plus de 30 tours face aux McLaren, pendant que derrière Alonso et Vettel se battent pour le titre. Hélas, l’Allemand perd tout dans le 56ème tour en s’accrochant avec Hamilton pour reprendre la tête de la course. S’il repart second derrière Button, il est pénalisé d’un drive-through car désigné comme responsable de cet accident qui élimine Hamilton. Il termine à une décevante cinquième place, lui qui pouvait légitimement gagner ce Grand Prix.

GP Brésil 2012 - Nico Hulkenberg s'accroche avec Lewis Hamilton et laisse filer le podium

Son passage chez Sauber en 2013 est assez compliqué, entre une voiture assez peu compétitive et une écurie tant en souffrance financièrement qu’elle ne peut plus le payer ! Nico se retrouve ainsi libre de tout contrat mais continue de piloter la C32 jusqu’en fin de saison, et retrouve des couleurs à partir de l’Italie avec en point d’orgue sa quatrième place en Corée. La situation est si compliquée que Lotus tente de le recruter pour les deux dernières courses de la saison à la suite de la blessure de Kimi Räikkönen, et Ferrari s’oppose à ce transfert en payant le salaire de l’Allemand. Un mal pour un bien quand on regarde les performances de la Lotus E22 en 2014…

Toutefois, Nico revient chez Force India en 2014 en compagnie du Mexicain Sergio Pérez, qui sort d’une saison ô combien compliquée chez McLaren, qui n’a pas signé le moindre podium en une saison pour la première fois depuis… 1980 ! Il réalise un début de saison solide avec 10 arrivées consécutives dans les points mais perd pied par la suite, ce qui ne l’empêche pas de terminer neuvième du championnat pilotes. Il bat largement Pérez (96-59), mais le Mexicain a lui terminé sur le podium à Bahreïn…

2015 est cependant plus compliquée, à cause d’une voiture insuffisamment compétitive. Il ne fait jamais mieux que sixième en course et se retrouve cette fois battu par Pérez, qui de plus a signé un podium en Russie, le cinquième de sa carrière. Même constat en 2016, s’il finit quatrième en Belgique comme en 2012, Pérez le domine de nouveau et se paye même le luxe de signer deux podiums supplémentaires : Monaco et Bakou (alors Grand Prix d’Europe, en Azerbaïdjan…), ainsi que d’intercaler Bottas entre l’Allemand et lui.

Nico Hulkenberg et Sergio Perez chez Force India

Cependant, Hülkenberg ajoute une course de prestige à son palmarès, le seul à l’avoir remporté sur la grille 2019. En 2015, il participe aux 24 Heures du Mans avec Porsche en compagnie de deux autres rookies, Nick Tandy et Earl Bamber. A la surprise générale, ce sont ces trois rookies qui remportent la classique mancelle pour le manufacturier de Stuttgart, un exploit qu’il n’hésite pas à décrire comme « la plus belle victoire de sa carrière ». Leur voiture a en effet connu aucun problème, au contraire des Audi ainsi que des deux autres Porsche.

Activant une clause de son contrat, il décide de quitter Force India à la fin de cette saison 2016 et il rejoint Renault en remplacement de Kevin Magnussen, parti chez Haas. Le constructeur français sort d’une saison bien compliquée, avec seulement sept points marqués et compte sur l’Allemand pour remonter au classement. A défaut de signer des podiums comme toujours, il termine assez régulièrement dans les points malgré un gros trou d’air lors de la période estivale et achève sa saison avec 43 points, soit 27 de plus que Palmer puis Sainz, qui remplace l’Anglais à compter du Grand Prix des Etats-Unis. Singapour cette saison est aussi la course qui le voit prendre son triste record : il dépasse Adrian Sutil en terminant son 129ème Grand Prix sans podium.

Pour 2018, on prend les mêmes qu’en fin de saison 2017 et on recommence, avec Hülkenberg et Sainz. Rapidement, la Renault s’affirme comme « best of the rest », et Hulk parvient à terminer septième du championnat du monde avec 69 points, derrière le top 6 tandis que Renault termine quatrième grâce également aux bonnes performances de Sainz. Les ambitions du constructeur français sont claires : garder cette quatrième place pour 2019 et se rapprocher des top-teams en termes de performance.

Nico Hulkenberg 2018 Renault

Qui plus est, Hülkenberg ne voit nul autre que Daniel Ricciardo le rejoindre pour cette nouvelle saison. Un tandem expérimenté, des bases solides… mais une réalité finalement bien décevante. Le moteur manque de fiabilité et le châssis n’est juste pas à la hauteur des ambitions affichées, si bien que malgré de belles performances au Canada et surtout en Italie (quatrième et cinquième en course), Renault ne termine que cinquième derrière McLaren en pleine renaissance. De plus, la firme au Losange n’a su réellement profiter des scénarios catastrophe allemand et brésilien pour aller chercher un gros résultat. Nico s’est ainsi échoué dans les graviers d’Hockenheim sous la pluie, alors qu’une fois de plus le podium lui tendait les bras… Il ne termine cette saison qu’avec 37 points, autant que Kvyat qui a fini troisième en Allemagne, et 17 de moins que Ricciardo. Comble de malchance, il se voit remplacé par Esteban Ocon pour la saison 2020 et termine sa dernière course 12ème, sa 177ème sans monter sur la boîte…

Nico Hülkenberg pourrait clairement faire partie des « espoirs déçus » de la Formule 1, comme bien d’autres avant lui. A l’image d’un Stoffel Vandoorne avant lui, il a été irrésistible en formules de promotion, avant de buter sur cette dernière marche qu’est la F1. On peut lui accorder le fait qu’il n’ait jamais eu entre ses mains une voiture capable de jouer régulièrement devant, mais il n’a pas forcément pu saisir les opportunités qui se sont présentées à lui (comme ce fameux Grand Prix du Brésil 2012).

Même s’il a eu une longue carrière (24ème pilote au nombre de courses disputées), et cette victoire au Mans en 2015, il laisse derrière lui comme un goût d’inachevé, un talent qui n’a jamais réellement pu prendre sa pleine mesure. Reste à voir si la « silly season » de 2021 (avec 16 pilotes sur 20 en fin de contrat) lui offrira une nouvelle chance de briller et de signer au moins un podium en carrière. Il exploserait un record de Carlos Sainz (101 courses avant son premier podium), qui a battu au Brésil un vieux record de Martin Brundle dont nous en reparlerons lors d’un prochain épisode.

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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