Les pilotes F1 qui ont brillé ailleurs : Yannick Dalmas, la résurrection en endurance
Le monde de la Formule 1 n’est pas spécialement réputé pour être tendre envers les pilotes, en particulier s’ils courent en fond de grille. C’est ainsi qu’au fil des années, nombre d’entre eux n’ont pu exprimer leur réel talent au volant d’une F1, faute d’un matériel performant. Mais le monde du sport automobile ne se limite pas à la F1 et bon nombre de pilotes ont pris une éclatante revanche pour devenir des grands de ce monde très sélectif.
Quand le nom de Yannick Dalmas est évoqué, on pense tout d’abord à ses quatre victoires aux 24 Heures du Mans (record pour un français co-détenu avec Henri Pescarolo) mais il ne faut pas oublier qu’il a tout d’abord couru en F1 après avoir couru dans de nombreuses formules de promotion.
Né au Beausset en 1961 dans le département du Var, quelques années avant la construction du circuit Paul-Ricard, il décide de se lancer dans le moto-cross à l’âge de 15 ans, avant de se réorienter en monoplace après une blessure. Gagnant le volant Marlboro en 1982 à son troisième essai, il gagne une place en Formule Renault et remporte le championnat en 1984 avec sept victoires. Ce titre lui permet d’accéder au championnat de France F3 au sein de la structure Oreca d’Hugues de Chaunac, et Dalmas termine vice-champion en 1985, derrière Pierre-Henri Raphanel, avant de gagner le titre 1986 avec six victoires en onze courses (il battra notamment un certain Jean Alesi).
Oreca lui donne donc la chance de courir en F3000 pour 1987, et il se distinguera en gagnant à deux reprises, notamment à Jarama où il s’impose en partant 14ème. Voyant ses performances, Gérard Larrousse l’engage sur une seconde voiture pour les trois derniers Grands Prix de la saison 1987 de F1. Un choix qui ne le décevra pas puisque le Varois qualifie sa voiture à chaque fois, reçoit toujours le drapeau à damiers et termine même cinquième en Australie !
Mais vu que Larrousse-Calmels n’avait engagé qu’une seule voiture en début de saison, ni l’équipe, ni Dalmas ne marquent de points.
Il effectue donc la saison 1988 chez Larrousse en tant que deuxième pilote aux côtés de l’expérimenté Philippe Alliot, mais sa saison se révèle difficile. Il ne fait pas mieux que septième à Monaco et aux Etats-Unis, et rate les deux derniers grands prix de la saison car on lui diagnostique une légionellose dont il souffrait depuis le début de saison. Il fait cependant mieux qu’Alliot, le Vovéen finissant au mieux neuvième en Belgique et au Japon.
Reconduit chez Larrousse pour la saison 1989, il ne court pas un seul Grand Prix, ne se qualifiant qu’à l’occasion du Grand Prix de Saint-Marin où un problème mécanique le contraint à l’abandon avant le départ. Viré après six courses, il trouve refuge chez AGS, mais le chemin de croix continue, avec neuf non pré qualifications en autant de Grand Prix ! Restant dans l’écurie en 1990, il échoue cinq fois en pré qualifications, cinq fois en qualifications, abandonne trois fois et ne rejoint l’arrivée qu’à deux reprises, dont une neuvième place en Espagne. Ce résultat s’avère capital pour l’écurie, puisqu’elle lui offre la treizième place du championnat et l’assurance de ne pas disputer les pré qualifications.
Non conservé par AGS pour la saison 1991, il cède aux avances de Peugeot en Sport-Prototypes et devient l’un des pilotes de la 905. Associé à d’autres pilotes de F1 (Rosberg en 1991, Warwick en 1992), il gagne six courses en deux ans, dont les 24 Heures du Mans en 1992, avec Warwick et Blundell (alors sans volant pour la saison 1992), et permet à Peugeot de gagner les titres de Champion du monde, tant pilote que constructeur. L’année suivante, il termine second, associé de nouveau à deux ex-pilotes F1 (en l’occurrence Thierry Boutsen et Teo Fabi), derrière la voiture sœur de Hélary-Bouchut-G.Brabham, et devant celle d’Alliot-Baldi-Jabouille.
1994 marque un court comeback en F1 pour Dalmas. En effet, Larrousse est financièrement au bord du gouffre et se retrouve obligée de faire appel à des pilotes payants pour accomplir toute la saison. Dalmas va ainsi dépanner pour deux Grands Prix (Italie et Portugal), abandonnant lors du premier et terminant 14ème à Monza. En parallèle, il gagne une seconde fois les 24 Heures du Mans pour un second constructeur (Dauer-Porsche), en compagnie d’Hurley Haywood et de Mauro Baldi (autre ex-pilote F1 ayant brillé en Groupe C).
Délaissant la F1 pour de bon, il s’impose encore deux fois dans la Sarthe pour deux autres constructeurs (il est le seul pilote à avoir gagné le Mans pour quatre constructeurs). En 1995, il profite de la pluie et de l’organisation calamiteuse du stand Courage pour gagner en compagnie de J.J.Lehto (autre espoir déçu de la F1) et Masanori Sekiya, premier Japonais à remporter l’épreuve mancelle au volant d’une McLaren F1, devant la Courage C41 d’Hélary et des maudits des 24 Heures, Mario Andretti et le regretté Bob Wollek. Par ailleurs, McLaren devient par cette victoire le premier (et à ce jour seul) constructeur à réaliser la Triple Couronne (Monaco, Le Mans, Indy 500).
L’édition 1999 le voit remporter la classique mancelle pour la quatrième et dernière fois, au volant cette fois d’une BMW V12 LMR et épaulé par Joachim Winkelhock (qu’il avait remplacé chez AGS en 1989 après son limogeage de chez Larrousse), ainsi que Pierlugi Martini (légende de Minardi, qui a passé la majeure partie de sa carrière F1 avec la petite structure italienne). Cette victoire fut acquise après l’abandon de la voiture sœur et la crevaison de la Toyota n°3 à une heure de l’arrivée.
Yannick Dalmas est l’un de ces espoirs déçus de la F1 qui a parfaitement su rebondir pour rejoindre les grands de la discipline. Délaissant la monoplace pour les sports-prototypes, il s’est forgé l’un des plus beaux palmarès du sport automobile français et reste l’unique pilote à avoir gagné au Mans avec plus de trois constructeurs différents, devenant dans la classique mancelle l’équivalent de Fangio en F1 (champion avec Alfa Romeo, Mercedes (deux fois), Ferrari et Maserati).