Les outsiders des 80ies : Osella, la grande sœur spirituelle de Minardi
Si l’on retient surtout de la fin des années 1980 et du début des années 1990 le duel Prost-Senna ou la domination de McLaren puis de Williams avec Ferrari en éternel outsider, cette période ne s’arrête pas à ces trois écuries. Derrière ces tops-teams, et d’autres outsiders tels que Benetton, Lotus ou Tyrrell, une kyrielle d’autres écuries ont rempli les grilles de départ des Grand Prix, avec plus ou moins de réussite.
Enzo Osella, le créateur de la marque, s’est tout d’abord fait un nom dans le monde de la Formule 2. Surfant sur la vague de succès de l’espoir américain Eddie Cheever en 1979, le pari est lancé d’inscrire l’écurie en F1 pour la saison 1980. L’Osella FA1, équipée d’un V8 Cosworth, est hélas trop lourde d’emblée, et Cheever ne peut se qualifier en Argentine, relégué à dix secondes des leaders. Il ne verra qu’une fois la ligne d’arrivée lors de cette saison en dix qualifications, et partira alors chez Tyrrell pour la saison 1981. Cette saison verra Jean-Pierre Jarier, « Godasse de plomb » rejoindre l’écurie et signer des résultats corrects. Il succède à trois autres pilotes (Guerra, Francia, Ghinzani), tandis que Gabbiani ne se qualifie que trois fois en début de saison.
1982 voit Osella marquer ses premiers points lors du controversé Grand Prix de Saint-Marin, où seules quatorze voitures prennent le départ. Si la course a marqué une rupture définitive entre Pironi et Villeneuve, Jarier termine quatrième et permet à Osella de marquer ses premiers points dans la discipline. Mais au Grand Prix du Canada, Ricardo Paletti s’encastre dans la Ferrari de Pironi et décède de ses blessures. Totalement bouleversée, l’écurie ne fait plus courir que Jarier, qui part pour Ligier en 1983, démoralisé par les piètres performances de sa voiture.
Après une année 1983 semblable aux autres, avec seulement la 10ème place de Corrado Fabi en Autriche comme meilleur résultat, 1984 voit l’arrivée de l’Osella FA1-F équipée d’un V12 Alfa Romeo. Bien que le moteur soit peu performant, il permet aux pilotes d’aller chercher de beaux résultats quand il tient la distance. Ghinzani termine septième sous le déluge à Monaco, puis cinquième à Dallas, marquant ses seuls points en Formule 1. En Italie, les V12 lâchent alors que Ghinzani était quatrième devant Gartner ! L’Autrichien est classé cinquième et l’Italien septième. Pourtant, Osella n’ayant inscrit qu’une voiture en début de saison, le résultat de Gartner compte pour du beurre…
Entre 1985 et 1988, les performances de l’écurie dégringolent, faute de moyens. L’antique V12 Alfa Romeo ne peut être troqué contre un V8 Cosworth et la qualification finit par relever de l’exploit. Les pilotes se succèdent (Ghinzani, Caffi, Tarquini…), mais il faut attendre 1989 et la mise au ban des turbos pour avoir un peu d’espoir. Nicola Larini, autre jeune espoir italien, se retrouve avec une Osella FA1-M avec un V8 Cosworth dans le ventre. Il va réaliser une course incroyable au Canada, parvenant à se hisser à la troisième place pendant plusieurs tours malgré le déluge ! Malheureusement, la mécanique ne tiendra pas la distance… Il ne fera ainsi pas mieux que neuvième à Monaco. Piercarlo Ghinzani ne se qualifiera que trois fois et arrêtera sa carrière à la fin de cette saison.
Après une dernière saison en 1990 avec Olivier Grouillard (qualifié huitième lors du Grand Prix inaugural devant Nannini !), l’écurie est revendue à Gabriele Rumi, propriétaire de la marque de jantes Fondmetal. L’écurie prend donc ce nom, et malgré des finances bien meilleures, ne fera pas de miracles. Les pilotes ne marqueront aucun point en deux saisons, et l’écurie disparaîtra définitivement après le Grand Prix d’Italie 1992.
Osella est ainsi l’une de ces nombreuses écuries tenues par des bouts de ficelles ayant écumé le sport durant les années 80 et jusqu’au début des années 90. Elle est l’exemple parfait de l’écurie devant surnager dans un cataclysme en piste pour espérer marquer des points. Jean-Pierre Jarier avait fini quatrième à Imola en 1982 avec seulement quatorze voitures au départ, et l’abandon des deux Renault. Ghinzani avait marqué les deux points de la cinquième place à Dallas en 1984 après une cascade d’abandons, et avait failli finir quatrième à Monza la même année dans les mêmes conditions. Enfin, Larini avait profité du déluge s’abattant sur le circuit Gilles Villeneuve lors du Grand Prix du Canada 1989 pour pointer en troisième position avant de devoir abandonner.
La firme existe cependant toujours, et rencontre le succès en course de côte en concevant ses propres prototypes.
Pierre Laporte