Dans les allées du Paddock,  Formule 1

Romain Grosjean, héros de tout un sport

Ce Grand Prix de Bahreïn restera dans les mémoires pour de longues années, mais pour des raisons que personne n’aurait pu imaginer avant le départ. Si Lewis Hamilton s’est imposé pour la 95ème fois de sa carrière, un autre pilote s’est fait remarquer bien malgré lui, et aurait largement préféré s’éviter un tel accident… Retour sur une course mouvementée témoin d’un véritable miracle.

Jusqu’à 15h10 ce dimanche, personne ne pouvait prévoir le scénario de ce Grand Prix de Bahreïn. En effet, le déroulé des événements n’était on ne peut plus classique ou presque, avec les deux Mercedes aux avant-postes accompagnées de la Red Bull de Verstappen. Derrière cependant, la bataille fait rage pour la troisième place du championnat constructeurs. Racing Point, McLaren, Renault et Ferrari se retrouvent en lutte pour cette position et se tiennent en 24 points seulement. Les Rouges ont profité de leur superbe performance en Turquie pour revenir dans cette bataille, mais les voir vainqueurs tiendrait du miracle tant cette SF-1000 est ratée.

En qualifications, le trio de tête habituel domine les débats et Hamilton signe sa 98ème pole position en carrière, devant Bottas et Verstappen. Derrière, Albon complète le top 4 devant Pérez, Ricciardo, Ocon, Gasly, Norris et Kvyat. Les Ferrari suivent en sixième ligne, tandis que Sainz ne part que 15ème suite à un problème de freins survenu en Q2. Stroll est lui 13ème, pénalisé par le problème mécanique de l’Espagnol sur sa McLaren qui a provoqué la sortie du drapeau rouge. Renault semble donc favori pour reprendre des points dans cette course à la troisième place, mais il ne faut jamais jurer de rien.

Le départ est donc donné à 15h14, et si Hamilton réussit son envol, Bottas reste scotché sur la grille et n’est que sixième dans le premier virage ! Les deux Red Bull, Pérez et même Ricciardo l’ont doublé, pendant que derrière Norris abîme son aileron avant contre Ocon et que Stroll vire au large. Mais tout à coup…

Oh là là il y a un gros crash derrière, OH LA LA MON DIEU !!! L’accident de la Haas qui a pris feu ! Il faut vite vite vite intervenir sur cette voiture ! Drapeau rouge ! Oh l’accident de Romain Grosjean, c’est Romain Grosjean qui a eu un énorme accident, il va falloir vite intervenir !

Sur l’antenne de Canal +, Julien Fébreau panique totalement et ses craintes sont plus que fondées : Romain Grosjean vient en effet d’être victime d’un terrible accident. Alors qu’il se rabattait sur la droite en sortant du virage 3, il est percuté par Kvyat à l’arrière droit et percute le rail de face à pleine vitesse. Sa Haas disparaît dans une énorme boule de feu tandis que la caméra s’éloigne du lieu de l’accident, suivant la procédure habituelle de ne pas remontrer d’images tant qu’on ne sait rien sur l’état du pilote.Le choc a été d’une violence inouïe et le drapeau rouge est logiquement sorti. Les secondes s’égrènent et l’angoisse est palpable, jusqu’à ce que Romain soit montré quelques minutes plus tard dans la voiture médicale. Il semble sonné, encore sous le choc de ce terrible crash mais ne semble pas avoir de blessures sérieuses. On commence donc à voir la scène de l’accident ainsi que ce qu’il reste de la Haas VF-20 du Français, et les images font froid dans le dos…

L’impact fut si violent que la voiture s’est retrouvée coupée en deux au niveau de l’embrayage avant de s’embraser instantanément. L’arrière de la Haas est resté du côté piste du rail, tandis que le reste de la coque a pulvérisé le rail au point de s’y encastrer. Alors qu’il était tant décrié lors de son apparition en 2018, le Halo a lui été adoubé par toute la communauté de la discipline. Il a en effet fendu le rail avant le casque du pilote et a en quelque sorte « ouvert la voie » tandis que la cellule de survie ne s’est pas déformée et le harnais ne s’est pas non plus bloqué. Romain n’ayant pas perdu connaissance, il a rapidement pu s’extraire du brasier par lui-même, ensuite aidé par Alan van der Merwe qui pilotait la voiture médicale juste derrière et le docteur Ian Roberts.

Emmené au centre médical du circuit, il serait victime de brûlures aux mains, aux chevilles et de douleurs aux côtes. On peut sans aucun doute parler de miracle tant la première impression laissait craindre le pire pour le pilote Haas, mais aussi applaudir le travail de la FIA sur la sécurité des pilotes. Il était de coutume en Formule 1 de prendre des décisions fortes après le décès d’un pilote, et le Halo en faisait partie après la mort d’Henry Surtees lors d’une course de F2 en 2009. Le fils de John Surtees avait trouvé la mort en course après avoir reçu une roue sur la tête. La même année en Hongrie, Massa avait été gravement blessé après avoir pris un ressort de suspension dans le casque à 250 km/h.

La FIA avait décidé d’anticiper plutôt que de réagir, et cet accident leur a donné raison. Sans le Halo, Romain Grosjean ne serait peut-être hélas plus parmi nous, d’autant qu’un accident comme le sien s’est déjà produit par le passé… mais qui a sombré dans l’oubli. Lors du Grand Prix des Etats-Unis 1974 à Watkins Glen, le jeune autrichien Helmut Koinigg est victime d’une casse mécanique en début de course. Incontrôlable, sa Surtees termine dans le rail, mais le traverse et tue le malheureux Autrichien sur le coup, pendant que la course continue comme si de rien n’était. Autres temps…

Les autres pilotes eux sont encore sous le choc de l’accident, tout comme Julien Fébreau qui ne peut retenir son émotion après une telle frayeur. Tout le monde est sidéré par ce qui vient de se passer, pendant que la course reste interrompue afin de pouvoir enlever ce qu’il reste de la Haas et remplacer le rail. Ce dernier est complètement éventré et les commissaires installent un mur en béton pour le soutenir afin d’éviter un deuxième drame. Une heure plus tard, la course reprend ses droits malgré tout et les pilotes sont relancés en piste pour la course, en gardant les positions acquises au moment du drapeau rouge.

Encore une fois, le peloton n’a pas le temps de faire un tour qu’il y a un nouvel accident : après Grosjean, c’est cette fois Stroll qui doit abandonner. Le Canadien a été accroché par Kvyat (!) et se retrouve sur le toit, occasionnant la sortie de la voiture de sécurité. Par chance, il est parfaitement indemne, alors que Bottas continue de couler. Victime d’une crevaison, le Finlandais doit repasser par les stands et ne ressort qu’en 16ème position… Hamilton mène donc devant Verstappen, Pérez qui a fait une excellente opération, Albon et Norris qui a su tirer son épingle du jeu lors du second départ.

La course est relancée dans le neuvième tour et les écarts se creusent rapidement en tête, tandis que Bottas est coincé dans le trafic en queue de peloton. Septième au restart, Leclerc n’a aucun rythme et chute rapidement au classement : la Turquie n’était qu’un feu de paille chez Ferrari… La course semble enfin se calmer et prendre son rythme, à l’exception qu’aucune gomme ne semble tenir la distance, même les plus dures ! La stratégie va une fois de plus être essentielle…

Les Renault sont les premières à s’arrêter dans le premier tiers de course, et tout le monde suit le mouvement dans les tours qui suivent. Chacun y va de son coup de poker, misant sur la rapidité ou la longévité des gommes pour figurer le plus haut possible. Leclerc par exemple fait le yo-yo dans le top 10 seulement grâce à une stratégie décalée, tandis que McLaren prend peu à peu l’avantage sur Renault, que Gasly domine Kvyat une fois de plus et que Bottas tente de remonter dans les points.

Si le Grand Prix offre de belles batailles en piste, le top 4 lui ne change presque pas sauf vers le 35ème tour où Albon et Pérez perdent quelques places après leur arrêt. Norris se retrouve ainsi troisième à moins de vingt tours de la fin, mais il doit encore passer par les stands à nouveau. Dans le même temps Ocon parvient à repasser Ricciardo après avoir obéi aux consignes d’équipe qui favorisaient son coéquipier. Toutefois, ce dernier reprend son bien seulement quelques virages plus tard alors qu’il sortait des stands. À 15 tours de la fin, Hamilton mène devant Verstappen, Pérez, Albon et Gasly qui doit cette position à une stratégie décalée. Il voit cependant les McLaren fondre sur lui tour après tour, ces dernières ayant des pneus plus frais. Le Normand décide malgré tout de continuer coûte que coûte, conscient qu’il a plus à perdre de passer dans le rôle du chasseur. Il se fait donc passer par Norris puis Sainz, tandis que Bottas prend la neuvième place à Ocon. Le top 10 est parti pour ne plus bouger… Mais un coup de théâtre survient dans le 54ème tour !

La Racing Point de Pérez se met à fumer dans la ligne droite des stands. Désespéré, le Mexicain tente de continuer malgré tout mais achève son moteur dans le virage n°10. Ce dernier prend feu et un nouveau drame est évité de peu : un commissaire traverse imprudemment la piste alors qu’aucun drapeau jaune n’est encore brandi. Heureusement pour lui, Norris le remarque à temps et l’évite, non sans le faire remarquer à sa radio… La course se termine donc sous régime de safety car, et Lewis Hamilton s’impose pour la 95ème fois de sa carrière devant Verstappen et un Albon quelque peu chanceux. McLaren réalise un gros coup en plaçant ses deux voitures dans le top 5, devant Gasly, Ricciardo, Bottas, Ocon et Leclerc qui complète le top 10. Chez les pilotes, Ricciardo reprend miraculeusement la quatrième place du championnat à Pérez tandis que McLaren passe troisième chez les constructeurs en doublant Racing Point.

Malgré tout, l’accident de Romain Grosjean reste au centre de toutes les discussions. Les fans l’élisent ainsi « Driver of the Day », pour attester de leur soutien au pilote français qui obtient cette récompense pour la troisième fois.

Sergio Pérez relativise ainsi sur son abandon en fin de course : « Après ce qui s’est produit aujourd’hui, vous remettez absolument tout en perspective. Peu m’importe d’avoir un podium de plus ou de moins, le plus important est que Romain soit toujours avec nous. » D’autres eux critiquent la surabondance de replays de l’accident, notamment Daniel Ricciardo pour qui « ces images peuvent être montrées plus tard. Je trouve écœurant qu’il jouent ainsi avec nos émotions alors qu’il ne s’agit à la base que d’un divertissement », d’autant plus qu’à ce moment si Romain était dans la voiture médicale, l’étendue de ses blessures n’était pas connue.

Quoi qu’il en soit, il faut féliciter toutes celles et ceux qui depuis des décennies ont œuvré pour faire de la Formule 1 et plus généralement les sports mécaniques des disciplines plus sûres. Depuis la révolte de Stewart à la fin des années 60, la sécurité n’a eu de cesse d’augmenter de diverses manières. Refonte des circuits, interdiction de l’effet de sol, personnel médical, commissaires mieux équipés, HANS, Halo… Nombreux furent les changements apportés pour réduire la part de risque liée à un sport aussi dangereux, non sans contestations.

Quant à Romain, une vidéo de lui à l’hôpital le montre avec les mains bandées mais souriant, donnant des nouvelles rassurantes sur son état de santé. Reste à voir s’il pourra courir les deux derniers Grand Prix de la saison, ce qui attesterait une fois de plus d’une force mentale impressionnante. Souvent raillé pour ses écarts, comme à Baku il y a deux ans après son accident derrière la safety car, il a toujours su se remotiver et reprendre confiance malgré tout. Nombre d’autres pilotes dans sa situation auraient tout arrêté, surtout en étant père de famille et en ayant plus que deux épreuves à courir, mais il ne fait nul doute qu’il fera tout pour être au départ d’au moins l’une des deux.

Au nom de toute la rédaction de F1nal Lap, nous lui souhaitons un prompt rétablissement.

Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.

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