Grand Prix d’Allemagne : une histoire commencée sur l’Enfer vert
Présent au programme du championnat du monde depuis 1950, le Grand Prix d’Allemagne reste l’un des plus iconiques de tous. Entre drames, victoires incroyables ou duels de légende, son histoire déjà incroyable n’a pas fini de s’écrire.
176 virages, 22,8 kilomètres jusque dans les années 70, deux « Karussels » composés de dalles de béton et fortement inclinés, un tracé serpentant dans la forêt allemande et réputé pour être l’un des plus dangereux au monde : bienvenue au Nürburgring, en sa boucle nord plus particulièrement. Construit entre 1925 et 1927 sous la République de Weimar, le tracé accueille dès le début des courses opposant la crème du sport automobile de l’époque, de Caracciola à Nuvolari en passant par Stuck ou Rosemeyer, qui s’imposeront tous avant la guerre.
Alberto Ascari remporte le premier Grand Prix F1 d’Allemagne de l’histoire en 1951 (l’édition 1950 ayant été réservée aux F2), sa première victoire en F1 devant Fangio et Gonzalez. A cette époque, les Ferrari 375 F1 et autres Alfa Romeo 159 parviennent à boucler un tour de circuit en 9’55, une marque qui ne va cesser d’être abaissée année après année.
Après l’atroce accident de Levegh au Mans en 1955, le Grand Prix d’Allemagne n’est pas couru cette année, mais revient dès 1956. Entretemps, Onofre Marimón est devenu le premier pilote à se tuer lors d’essais officiels en F1, le 31 juillet 1954. Il est ainsi la première victime de la Nordscheleife dans la catégorie reine, mais pas la dernière… Il est aussi remplacé par l’AVUS en 1959, qui ressemble quelque peu à l’actuel Norisring et voit le Français Jean Behra se tuer au volant d’une Porsche lors d’une course de F2.
Cette boucle nord devient au fil des ans un véritable morceau de bravoure, aussi sélectif que dangereux, tant et si bien que certains pilotes refusent de courir devant un tel niveau de risque, un mouvement lancé par Jackie Stewart à la fin des années 60. Une des conséquences fut le déplacement du Grand Prix à Hockenheim en 1970 (un tracé non moins dangereux comme en témoigne la mort de Jim Clark deux ans plus tôt), mais un an plus tard la course est de retour sur le Nürburgring, jusqu’en 1976 et l’accident de Lauda (mais le circuit, trop dangereux et vétuste, devait être abandonné après cette épreuve).
Hockenheim se retrouve donc seul hôte du Grand Prix d’Allemagne à partir de 1977 et son tracé reste sélectif, sans pour autant comporter autant de risques mortels que son homologue de 22,8 kilomètres, inadapté à des voitures aussi rapides. La boucle sud du Nürburgring est reconstruite dans les années 80 et accueille la F1 en 1984 et 1985, en tant que Grand Prix d’Europe puis Grand Prix d’Allemagne. Les années se suivent et un changement intervient en 2003, lorsque Hermann Tilke redessine le tracé d’Hockenheim, au grand dam des fans de la discipline. L’édition 2000 avait en effet montré de sérieuses faiblesses, entre un manque de visibilité de la course, l’irruption d’un spectateur en piste ou encore un grave accident pour Jean Alesi. De nombreux pilotes regrettaient alors cette décision, jugeant que l’esprit du circuit avait été quelque peu perdu au nom du business F1.
Fin 2006, il est décidé que désormais le Grand Prix aurait lieu en alternance à Hockenheim (années paires) et au Nürburgring (années impaires). Un désaccord entre les deux circuits occasionne cependant la disparition du Grand Prix d’Allemagne en 2007, la course au Nürburgring étant badgée « Grand Prix d’Europe ». La course est en suspens depuis quelques années, Hockenheim n’organisant pas de meeting les années impaires. Le calendrier 2015 ne comportait ainsi aucune course en Allemagne, une première depuis 1960 ! Cependant Hockenheim a assuré la course les années paires et a repris le flambeau pour cette année… Mais jusqu’à quand ? Le Grand Prix est en effet incertain pour l’an prochain et dépend de Mercedes. Mais au vu des performances des Flèches d’Argent cette année, ce pilier du championnat du monde devrait rester au calendrier.
Revivez les moments les plus forts du Grand Prix d'Allemagne
Tony Brooks remporte le seul Grand Prix d’Allemagne disputé sur la piste de l’AVUS, endeuillé par la mort de Jean Behra sur sa Porsche 718. Le Français qui disputait une course de F2 en lever de rideau a été tué sur le coup après que sa voiture eut percuté un bloc de béton.
Le Grand Prix est disputé sous le déluge, et si aujourd’hui, la course aurait certainement été arrêtée, il y a 50 ans les voitures couraient quand même. C’est ainsi que Jackie Stewart, qui pestait déjà contre le circuit s’impose avec plus de 4 minutes (!) d’avance sur Graham Hill, ce qui représente un écart de deux à trois tours sur les autres circuits.
Dans le deuxième tour, Lauda part à la faute avec sa Ferrari, qui se fracasse dans les rails de sécurité et s’embrase. Alors que Brett Lunger, Guy Edwards et Harald Ertl, trois pilotes « sans grade » sont autour de la voiture et tentent de sauver l’Autrichien, Arturo Merzario s’arrête, saute dans les flammes, décroche le harnais du pilote Ferrari et le sort du brasier. Un geste d’autant plus remarquable que Merzario et Lauda se détestaient mutuellement. Au bord de la mort après avoir inhalé de grandes quantités de fumées toxiques, l’Autrichien revient finalement à la compétition six semaines plus tard et termine quatrième à Monza. Cette performance est un véritable miracle, un prêtre ayant même donné l’extrême-onction à Lauda qui n’en avait alors eu cure.
De retour chez Ferrari mais relégué au rang de second pilote derrière Reutemann, Lauda s’impose à Hockenheim, un an après son terrible accident dont tout le monde se souvient. Il réaffirme ainsi sa position chez les Rouges, lui qui est en disgrâce depuis son retrait volontaire à Fuji l’année précédente.
Laffite s’impose avec sa Ligier devant les Williams de Reutemann et Jones, mais ce succès est occulté par le terrible accident subi par Patrick Depailler en essais privés quelques jours plus tôt. Son Alfa Romeo est sortie de la piste à 260 km/h avant de se pulvériser dans les rails de sécurité et de se retourner. Emmené à l’hôpital dans un état désespéré, il décède moins de deux heures après le crash.
Didier Pironi est leader du championnat du monde alors qu’il ne reste que cinq courses à disputer, dont ce Grand Prix d’Allemagne. Mais lors de qualifications où il tombe des cordes, il percute Alain Prost, caché par un mur d’eau, il décolle et retombe lourdement. S’il survit et évite l’amputation, sa saison est terminée, et il sera finalement couronné vice-champion du monde derrière Keke Rosberg. La course est tout aussi animée, surtout dans le 18ème tour lorsque Nelson Piquet revient sur Eliseo Salazar et tente de lui prendre un tour. Les deux voitures s’accrochent et se retrouvent au tapis, et un Piquet furieux colle quelques beignes au Chilien, qui intelligemment préfère ne pas répliquer. La victoire revient finalement à Patrick Tambay sur la seconde Ferrari.
Sur le tracé de la nouvelle boucle sud du Nürburgring, Michele Alboreto gagne son dernier Grand Prix de F1 devant Prost. Alors leader du championnat, il ne termine aucune des cinq dernières courses de la saison et laisse le titre au Français.
Gehrard Berger offre à la Scuderia Ferrari sa première victoire depuis Prost à Jerez en 1990, mais la course en elle-même fut plus que mouvementée. Deux carambolages au départ, 11 abandons dans le premier tour, un arrêt aux stands enflammé pour Jos Verstappen et finalement huit voitures à l’arrivée, l’Autrichien devançant les Ligier de Panis et Bernard, les Arrows de Fittipaldi et Morbidelli, les Larrousse de Comas et Beretta… et la Williams de Damon Hill, seulement huitième et dernière.
Alors pour la première fois en tête d’une course depuis son accident en Hongrie l’année passée, Felipe Massa reçoit le message radio suivant : « Fernando is faster than you ». Un ordre de laisser passer l’Asturien, en lutte pour le titre qu’il perdra dans le dernier Grand Prix.
Le début de la fin pour Vettel, puisqu’il commet la première de ses nombreuses erreurs en partant à la faute dans le Stadium. Il était alors largement en tête et avait course gagnée, mais piégé par la pluie, il échoue dans le bac à graviers et offre une victoire inattendue à Lewis Hamilton, qui ne partait que 14ème sur la grille.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.