Les Grands Prix de folie : Europe 1999, entre triomphe et larmes
Le dernier Grand Prix d’Allemagne nous a démontré que même en 2019, des courses totalement débridées où tout le monde peut gagner existent encore. Retour ce mois-ci sur quelques courses au scénario dingue, et qui n’ont rien à envier au niveau du spectacle ou du suspense.
Une météo changeante à souhait, des protagonistes totalement inattendus, des rebondissements à gogo et une issue qui vous aurait mis à l’abri pour longtemps si vous aviez parié dessus : voici le Grand Prix d’Europe, quatorzième course de la saison 1999. Il ne reste alors que trois épreuves à disputer, mais les deux titres mondiaux sont encore loin d’être attribués.
A ce stade de la saison, quatre pilotes jouent le titre, mais les deux favoris sont Häkkinen et Irvine, co-leaders avec 60 points. Fort de sa victoire en Italie, Frentzen est revenu à 10 points des deux hommes, au volant d’une surprenante Jordan, tandis que Coulthard reste un outsider à considérer malgré ses 12 points de retard. Chez les constructeurs, McLaren mène 108 à 102 face à Ferrari, qui doit composer avec Mika Salo en remplacement de Michael Schumacher.
Les qualifications réservent une jolie surprise dès le début, puisque Frentzen signe la pole avec sa Jordan, confirmant la forme exceptionnelle de la monoplace irlandaise. Derrière, les McLaren se retrouvent idéalement placées, Coulthard second devant Häkkinen. Les Ferrari sont quant à elles noyées dans le peloton, Irvine n’est que 9ème et Salo 12ème ! Elles sont donc condamnées à rapidement remonter pour ne pas être distancées au championnat…
Rien que le départ donne le ton de la course… puisque les feux de départ oublient de s’éteindre ! Certains pilotes comme Frentzen ou Häkkinen s’élancent avant de s’arrêter, mais la majorité de la grille ne bouge pas. Un second départ est redonné, et un spectaculaire accident se produit en fond de grille. Victime d’une panne mécanique, Hill se retrouve au ralenti, et Wurz envoie la Sauber de Pedro Diniz en tonneaux en essayant d’éviter la Jordan du Britannique.
La course est relancée après six tours de safety car, mais les choses commencent à se gâter aux alentours de la 20ème boucle lorsque la pluie fait son apparition. Certains pilotes s’arrêtent, d’autres non, et alors que Ralf Schumacher impressionne au point de se battre contre Frentzen pour le leadership, Irvine se retrouve aux stands… sur trois roues ! Une erreur de ses mécaniciens va lui faire perdre un temps précieux et le plonger dans les profondeurs du classement. Häkkinen n’est pas mieux loti puisqu’il change deux fois de pneus, prenant des pluie puis à nouveau des slicks.
Au 30ème tour, Frentzen mène devant Coulthard, Fisichella et R.Schumacher, alors que Irvine est 12ème, deux places devant Häkkinen ! Le championnat serait alors totalement relancé, mais deux tours plus tard, coup de théâtre ! Frentzen sort des stands et un problème électrique le contraint à l’abandon alors qu’il menait cette course de main de maître. Gros coup dur pour l’Allemand, qui voit ici s’envoler ses derniers espoirs de titre mondial. Coulthard récupère donc la tête et se replacerait idéalement au championnat.
Mais la pluie avait décidé que rien ne serait normal ce jour-là, et Coulthard, piégé par une piste glissante, finit sa course dans le mur lors du 39ème tour. Ralf Schumacher récupère alors la tête, mais crève et doit repasser par les stands, un moindre mal vu qu’il reste dans les points. Fisichella se retrouve ainsi leader, et peut apporter à Benetton sa première victoire depuis Berger en Allemagne deux ans plus tôt… mais il sort de la route au 49ème tour et doit comme Coulthard abandonner alors qu’il menait.
Le classement du 51ème tour relèverait presque de la science-fiction. On retrouve en tête nul autre que Johnny Herbert sur sa Stewart-Ford, devant la Prost-Peugeot de Jarno Trulli et la seconde Stewart de Rubens Barrichello. Quatrième, Luca Badoer réalise la course de sa vie sur sa modeste Minardi, lui qui a vu Mika Salo lui ravir le second volant Ferrari. Ralf Schumacher sauve la cinquième place, devant Jacques Villeneuve sixième sur sa BAR, lui qui n’a toujours pas marqué un point cette saison. Marc Gené est à la porte des points avec la seconde Minardi… devant Irvine et Häkkinen ! Suivent finalement Zonta, Panis et de La Rosa, qui se retrouve contraint à l’abandon.
Alors qu’il ne reste plus que 13 tours à couvrir, une inquiétante fumée blanche se dégage de la Minardi de Badoer, qui est toujours un incroyable quatrième. Le carter de sa boîte de vitesses le trahit pour la première fois de la saison, et il doit abandonner. Inconsolable, il s’effondre en larmes à côté de sa voiture, écœuré d’avoir tant joué de malchance alors qu’il tenait le résultat de sa vie. Pour la première fois de sa carrière, il pouvait espérer finir dans les points, et un commissaire tente tant bien que mal de consoler le pauvre Italien. Cette image restera parmi les plus touchantes de la saison 1999 et même de ma discipline en général.
Le 62ème tour va quant à lui marquer un tournant au championnat du monde. Avec les abandons de Badoer puis de Villeneuve sur casse d’embrayage, Häkkinen et Irvine peuvent jouer les points, et dans le tour le Finlandais survolté double le Nord-Irlandais pour prendre la sixième place. Trois tours plus tard, il parvient à doubler la Minardi de Gené pour aller chercher la cinquième place et deux points, alors qu’Irvine ne peut doubler l’Espagnol et doit se contenter de la septième position.
Devant, Johnny Herbert signe sa troisième victoire en F1, sûrement la plus improbable de sa carrière d’autant plus qu’il ne partait que 14ème sur la grille ! Trulli termine second avec une voiture habituellement incapable de jouer aussi haut, tandis que Barrichello s’offre un nouveau podium, preuve de la performance de la Stewart-Ford. Quatrième, Ralf Schumacher peut nourrir des regrets après sa crevaison, tandis que Marc Gené, sixième derrière Häkkinen et devant Irvine, sauve un point pour Minardi. Il met ainsi un peu de baume au cœur de l’écurie de Faenza, anéantie par la casse de Badoer qui pouvait devenir l’égal de Fittipladi et Martini avec une quatrième place. C’est cependant le premier point marqué par l’écurie depuis… 1995, et Lamy 6ème à Adélaïde !
Gené a malgré lui joué un rôle déterminant dans l’attribution du titre, car même si Irvine gagne en Malaisie devant Schumacher et Häkkinen, le pilote Ferrari ne pourra rien faire à Suzuka, si bien que Schumacher terminera devant lui, le Finlandais ayant gagné plus de courses que le Nord-Irlandais. Il aurait donc été sacré quoi qu’il arrive, mais Ferrari repart avec le titre constructeurs, son premier depuis… 1983 !
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.