Sarah Bovy : “Être coaché par une femme, ça en perturbe certains”
Diplômée en marketing, business woman, et surtout pilote, Sarah Bovy est l’une des rares femmes à défier les hommes sur les circuits européens. Mais Sarah, c’est aussi une coach en conduite que vous pourriez apercevoir aux côtés de sa fidèle Ford Mustang. Rencontre avec l’une des pilotes sélectionnées pour les W series.
Au détour d’une journée de coaching à Spa-Francorchamps, Sarah Bovy s’est confiée sur son parcours, ses valeurs mais aussi sur sa position de femme dans le sport automobile. Découvrez une Sarah qui sait où elle met les pieds, entre l’accélérateur et le frein, il y a de quoi impressionner les plus réticents.
“Il suffit que je mette un peu les watts, et ils savent à qui ils ont affaire”
Le caractère bien trempé de la plus jeune championne belge de tourisme en impose et donne le ton directement. “Le fait d’être une femme ne change rien, je ne ressens aucune différence parce que dans ce genre d’activités, il suffit que je mette un peu les watts et ils comprennent tout de suite à qui ils ont affaire (rires). Personnellement, je ne pense pas que ça dépend du fait qu’on soit une femme ou un homme derrière le volant, je pense que la différence elle est surtout dans le caractère.”
Le caractère oui, mais les compétences sont importantes également. Être coach par exemple, n’est pas donné à tout le monde. “Être pilote de course et instructeur, ce sont deux choses complètement différentes. On peut être très bon pilote et très mauvais instructeur et inversement, un très bon instructeur peut être un pilote moyen. Ce qui compte c’est la capacité d’apprendre : les génies ne sont pas tous de bons professeurs.” Certaines qualités priment et Sarah reconnait les siennes volontiers : “J’ai découvert assez rapidement que j’ai une capacité à faire passer les messages aux gens de manière calme et de les faire se reconcentrer sur ce qu’ils doivent faire au volant qui finalement est une qualité très appréciée par mes clients et mes élèves. Peut-être que ce côté didactique, ça pourrait être mon côté féminin, s’il faut vraiment chercher quelque chose de féminin, après je suis certaine qu’il y aussi de hommes qui maitrisent cette caractéristique aussi bien.”
Sarah est pourtant bien consciente que son cas est rare. Être coach professionnelle et en vivre, peu de femmes peuvent s’en vanter. Sarah doit être l’une des seules, si pas l’unique en Europe. “Il n’y a pas beaucoup de femmes en tant que pilote de course, alors tant qu’instructeur, encore moins. Être coach, ce n’est pas qqch qui convient à beaucoup de monde, donc selon la loi des probabilités, il y a moins de femmes, donc dans le coaching aussi.”
“Ça aurait été plus compliqué pour moi si je n’avais pas le crédit de mon palmarès”
Et qui dit peu de femmes, dit difficulté pour certains hommes de se retrouver face à une femme qui va leur apprendre à dompter une Ford Mustang dans les virages. “D’un point de vue machisme, ce n’est pas toujours facile pour un homme de se dire ‘voilà, c’est une femme qui va m’apprendre à conduire une voiture…’ Et je crois que ça ne pourrait pas marcher pour moi si je n’avais pas un certain crédit qui vient de mon parcours et de mon palmarès dans le milieu du sport automobile. Il y a plein d’instructeurs en circuit qui n’ont jamais gagné une course que ce soit en national et qui pourtant sont excellents. Ça n’empêche pas mais je pense que pour mon cas, si je n’avais pas fait des courses en GT3 si je n’étais pas officielle chez Lamborghini, si je n’avais pas tout ça sur ma carte de visite, je ne suis pas sûre que j’aurais autant de clients.”
“J’ai des anecdotes là-dessus. Chez Lamborghini, ça m’est déjà arrivé lorsque j’arrive, les gens sont surpris de voir une femme, mais en général, les réactions c’est bon enfant, ce n’est jamais méchant. C’est plutôt des gens surpris ‘Wow ! c’est une femme qui va m’apprendre à conduire une Lambo.’ J’ai une fois eu une situation avec un petit jeune qui était là avec son père, il avait tout juste 18-19 ans et il n’était pas super à l’aise que je sois son instructeur. Je l’ai pris deux tours à côté de moi pour le rassurer et au final, il était amoureux de moi, donc ça n’a pas posé problème très longtemps (rires).”
Il y a coacher et être coaché. Sarah le reconnait et le déplore : il y a trop peu de filles qui viennent tâter les virages à ses côtés. Cette année, elle n’a compté qu’une seule inscrite. Par contre, peu importe qui se trouve au volant, son approche ne change pas. « J’approche le client en fonction de sa personnalité, c’est à ce niveau que je n’approche pas tout le monde de la même manière. Mais j’ai quand même remarqué des différences. Une femme au volant aura une personnalité et une approche un peu différente de celle d’un homme mais je suis là pour m’y adapter. Après, j’aimerais voir plus femmes parce que je trouve qu’en général, on est un peu plus progressives dans la technique, ce qui est plus productif sur le long terme. L’amélioration pourrait être plus gratifiante pour moi. Mais il ne faut pas en faire une généralité, par exemple aujourd’hui, j’ai eu un super bon élève et ça a été un plaisir de le coacher. Je ne dis surtout pas que tous les hommes arrivent et me font peur (rires).”
“Je n’ai pas l’ambition de réécrire l’histoire du sport automobile : c’est un sport d’hommes.”
Face à ce manque de féminin derrière le volant en tant qu’instructeur ou en tant qu’élève, Sarah aurait-elle la volonté d’ouvrir le coaching aux femmes ? “Le problème, c’est que je suis seule et je n’ai pas l’ambition de réécrire l’histoire du sport automobile non plus. C’était et ça reste un sport de mecs. Je suis une des seules femmes qui le pratique en Belgique, une des rares en Europe et d’une certaine manière, selon moi, c’est très bien comme ça.”
C’est très simple, la pilote ne se fait pas trop de souci, elle est intégrée, selon elle, se battre dans ce milieu masculin fait partie du jeu et le rend même plus excitant. “C’est un sport d’hommes, c’est comme ça et il faut faire avec, ça fait partie des règles du jeu. Je trouve ça même gratifiant de me dire que sur un plateau exclusivement masculin, j’arrive à aller me battre pour les têtes de course. Si c’était du 50-50 je me dis que ça serait un peu moins extraordinaire d’une certaine manière. Je ne suis pas prête de m’arrêter : tant qu’on me donne un volant, quatre roues, je suis pour et je fonce ! (rires) Pour l’instant, j’ai l’intention de m’investir à 200% dans ce que je fais.”
Angélique Belokopytov