Les 24 Heures de Spa-Francorchamps : une épreuve mythique
Créée en 1924, soit seulement un an après les 24 Heures du Mans, l’épreuve belge a cependant connu plus d’interruptions que sa consœur française, et sa spécialisation dans les voitures de grand tourisme lui a apporté un peu moins de prestige. Elle n’en reste pas moins un des grands rendez-vous de l’endurance et offre un spectacle bien plus intéressant que les LMP1 actuelles au Mans.
L’épreuve des 24 Heures de Spa-Francorchamps est créée en 1924 par le Royal Automobile Club de Belgique à la suite du succès de l’épreuve mancelle, avec pour but de donner une opportunité aux pilotes et marques belges de s’exprimer à domicile et de faire valoir leurs atouts. Le circuit lui existe depuis quelques années, et mesure alors 15 kilomètres. 200 lampes sont disposées tout autour du circuit pour aider les pilotes la nuit tombée, car les éclairages des voitures sont largement insuffisants pour permettre aux pilotes de rouler. 27 voitures prennent le départ de cette édition, et la Bignan 2.0 L conduite par le Belge Henri Springel et le Français Maurice Becquet devient la première voiture à remporter l’épreuve, à la vitesse moyenne de 78 km/h (autres temps, autres performances…).
Dès l’année suivante, 48 voitures sont au départ, et les vainqueurs ne sont autres que André Lagache et René Léonard, vainqueurs des 24 Heures du Mans deux ans plus tôt. En 1927, Excelsior marque la seule victoire d’une voiture belge dans l’épreuve, signant pour l’occasion un superbe doublé dans des conditions apocalyptiques, avec 20 heures de pluie ! Les premiers drames arrivent malheureusement deux ans plus tard, avec la mort d’un commissaire ainsi que du Belge Freddy Charlier. Retardé suite à une longue réparation, il tente le tout pour le tout et trouve la mort en sortant de piste à Masta.
En ce début des années 30, les Alfa Romeo deviennent les voitures de référence en endurance, gagnant quatre fois au Mans et six fois à Spa entre 1928 et 1938. Elles ne lâchent la victoire qu’en 1931 à Mercedes, tandis qu’Attilio Marinoni remporte l’épreuve trois fois de suite entre 1928 et 1930. Cependant, la crise économique va toucher plus durement la classique belge, annulée à trois reprises entre 1934 et 1937, avant que la guerre ne mette un terme à tous ces loisirs, et ce, pendant de longues années.
Il faut attendre 1948 pour revoir l’épreuve revenir en piste. En 1949 Luigi Chinetti réalise le doublé Le Mans-Spa la même année, une performance unique à ce jour. De nouveau la course est mise en pause, pour revenir dans le cadre du championnat du monde des voitures de sport en 1953. La course est alors remportée par les champions du monde de F1 Giuseppe Farina et Mike Hawthorn sur une Ferrari 375 MM. Cette édition est aussi la dernière où l’épreuve reçoit les meilleures voitures de course au monde, malgré la présence de nombreux pilotes de renom (Ascari, Swaters, Gendebien…).
En 1964, sous l’impulsion de Paul Frère et d’Hubert de Harlez à l’origine du projet, la décision est prise de faire renaître les 24 Heures mais avec une originalité : la course est réservée aux voitures de tourisme. Les prototypes continueront de courir mais dans des formats plus courts (1000km ou 6h) et dissociés de l’épreuve traditionnelle. Pour cette édition, ce ne sont pas moins de 8 constructeurs d’usine qui sont présents. Et pour ceux qui se souviennent de Michael Schumacher finissant second en Espagne en 1994 avec seulement son rapport de 5ème, les vainqueurs de cette édition ne sont pas en reste. Robert Crevits et Gustave Gosselin gagnent au volant d’une Mercedes 300 SE avec une boîte agonisante : sur cinq rapports, seuls deux étaient encore fonctionnels.
Cette formule va également attirer dès le début des pilotes de renom, dont Jacky Ickx, Willi Kauhsen, Erwin Kremer, Claude Ballot-Lena (ces trois derniers gagnant au volant de Porsches 911) qui gagnent dans les années 60. Les Porsche vont cependant être éclipsées au début des années 70 avec le duel entre les Ford Capri et les BMW 3.0 CSL. Un duel aussi épique que dramatique, avec les morts de Hans-Peter Joisten et de Roger Dubos dans un accrochage à Malmedy, tandis que Massimo Larini se tue dans les Combes. Hans Stuck alors à plus de 221 km/h de vitesse moyenne, avec une voiture de tourisme !
Les catégories sont alors remaniées pour éviter pareille tragédie et les voitures sont rendues moins rapides que par le passé, bien que BMW continue d’engranger les succès année après année. Cependant, les pilotes belges se retrouvent mis à l’honneur, comme les frères Martin qui sont les premiers à s’imposer sur le tracé de sept kilomètres, tandis que d’autres grands noms du sport automobile ajoutent une ligne à leur palmarès (Tom Walkinshaw, Gerhard Berger…). Mais les années se suivent et les changements de championnat à la fin des années 80 laissent les grilles se fournir avec des bolides pour le moins atypiques, comme une Ferrari Mondial engagée par… Keke Rosberg !
Le spectacle en piste reste le même, notamment en 1992 lorsque Steve Soper double Eric Van de Poele dans le dernier tour alors que le Belge roule à l’économie. S’ensuit une bataille intense sans le moindre calcul, gagnée par l’Anglais pour seulement 48 centièmes de seconde ! Elle permet à Jean-Michel Martin de devenir le premier pilote à gagner quatre fois l’épreuve. L’édition suivante est interrompue le dimanche matin à la suite de la mort de Baudouin 1er, roi de Belgique, alors que les Porsche 911 régnaient sans partage sur la course.
Nouveaux changements de règles… et nouvelle domination BMW, avec cinq victoires entre 1994 et 1998. Thierry Tassin devient en 1996 le second quadruple vainqueur de l’épreuve, et pour les éditions 1999 et 2000, ce sont des voitures dites de Superproduction qui composent le plateau. C’est ainsi que Emmanuel Collard et Anthony Beltoise ont remporté l’épreuve… sur une Peugeot 306 GTI ! Autant dire que ce genre de voitures ne fait rêver que peu de monde, la marque sochalienne n’étant pas aussi ronflante que Ferrari, Porsche…
La décision est prise d’incorporer la course au championnat FIA-GT pour la saison 2001 et les voitures au départ ont bien plus d’allure que les 306. Ferrari 550 Maranello, Chrysler Viper GTS-R, Porsche 911 GT2 et GT3, Saleen S7… On retrouve un plateau digne de ce nom et les Américaines au moteur V10 gagnent en 2001 et 2002. L’édition 2003 réserve une surprise de taille. Dans des conditions encore plus dantesques qu’en 1927 (22 heures de pluie !), c’est une N-GT qui s’impose, mais avec au volant Romain Dumas, Stéphane Ortelli et Marc Lieb, autrement dit tout sauf des seconds couteaux. Ferrari gagne ensuite en 2004 et une femme en la personne de Lilian Bryner inscrit son nom au palmarès de la classique ardennaise.
2005 voit l’arrivée des GT1 et donc des Aston Martin DBR9, des Corvette C6-R et surtout des Maserati MC12 GT1. Michael Bartels et Eric Van de Poele s’offrent trois victoires en quatre ans, permettant à ce dernier d’être le premier quintuple vainqueur des 24 Heures (1987, 1998, 2005, 2006, 2008). Il est à ce jour le seul à le détenir. Seule la Corvette sera capable d’endiguer cette domination en 2007 et 2009, avant que le GT1 délaisse la course en 2010. Après une année de transition, avec entre autres des GT2 (et la victoire de Romain Dumas qui réalise la même performance que Chinetti en gagnant la même année Spa et Le Mans), la course est intégrée aux Blancpain Endurance Series en 2011.
Ce changement va apporter un spectacle absolument incroyable. La catégorie GT3 se fait en effet de plus en plus populaire et nombreux sont les constructeurs et pilotes à s’engager dans cette voie. L’édition 2014 voit la BMW Z4 rescapée de l’équipe Marc VDS s’incliner pour 7,7 secondes face à l’Audi R8 de Winkelhock, Rast et Vanthoor, 31ème pilote belge à remporter la course. Le 32ème est Maxime Martin, qui profite de la pluie tombée à la fin de l’édition 2016 pour s’imposer et rejoindre son père et son oncle au palmarès, une édition ouverte désormais aux participants de l’Intercontinental GT Challenge.
Ce cru 2019 voit aux prises 72 voitures, avec en pole Maro Engel sur la Mercedes SLS AMG de l’écurie Black Falcon, devant la Porsche pilotée par Laurens Vanthoor et la Ferrari du SMP Racing pilotée par Davide Rigon. Seulement une demi seconde d’écart entre les 11 premiers, de la pluie prévue, bref la grande bataille devrait être absolument passionnante si la safety car ne sort pas pour trois gouttes de pluie.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.