La course de leur vie : Hongrie 1997, un tour de trop pour Hill
Dans l’histoire de la Formule 1, nombreux sont les pilotes à connaître des saisons médiocres à catastrophiques. Abandons à la chaîne, accidents, casses mécaniques, ils ne sont pas toujours responsable de leurs déboires. Cependant, il arrive pour certains de briller sur une course, comme une heureuse anomalie qui vient sauver un ensemble peu reluisant. Retour aujourd’hui sur l’incroyable Grand Prix de Hongrie 1997 de Damon Hill.
C’est LE coup de théâtre du marché des transferts 1997. Alors qu’il vient de devenir champion du monde avec Williams et le premier à succéder à son père (Graham Hill), Damon Hill décide de partir chez Arrows-TWR. Tom Walkinshaw réalise un coup de maître pour faire progresser l’officine anglaise, qui n’a jamais connu mieux que le ventre mou du peloton. Qui plus est, la saison 1996 s’est révélée assez difficile entre les abandons et le manque de performance de Ricardo Rosset, écrasé par son talentueux coéquipier Jos Verstappen.
Arrows aborde donc cette saison 1997 avec le plein de confiance. L’Arrows A18 est ainsi équipée d’un V10 Yamaha qui lui est exclusif, de pneus Bridgestone et de l’implication dans le projet de John Judd. Damon Hill est ainsi le numéro 1 désigné de l’écurie, le deuxième pilote engagé étant le Brésilien Pedro Diniz. Ce dernier doit cependant plus sa place aux millions d’euros amenés par son sponsor (entre autres réinvestis dans le salaire mirobolant de Hill) qu’à ses réelles capacités de pilote. Il sort toutefois d’une campagne prometteuse avec Ligier, où il a réussi quelques performances aux côtés d’un Panis en verve, notamment vainqueur à Monaco.
Esthétiquement, la voiture est elle aussi plutôt réussie, et les ambitions de Walkinshaw sont claires : remonter dans la hiérarchie et jouer régulièrement les points au minimum. Hélas, les espoirs de l’écurie britannique sont rapidement douchés et ce dès le premier Grand Prix de la saison en Australie. Hill se qualifie 20ème à plus de cinq secondes de la pole et ne devance que la Tyrrell de Verstappen ainsi que son coéquipier Diniz ! Ce dernier est même repêché car il n’a pu signer un chrono sous la barre des 107 %. Seules les Lola de Sospiri et Rosset sont plus lentes… à plus de 11 secondes de la pole ! Comble du désespoir, Hill abandonne dans le tour de formation et Diniz termine 10ème et dernier à quatre tours.
Au fil des courses, la situation s’améliore en qualifications sans pour autant aller chercher les cadors, mais les résultats en course se font attendre. Le V10 Yamaha a tout du cadeau empoisonné tant sa fiabilité est aléatoire, et Damon Hill doit attendre le Grand Prix du Canada (septième manche de la saison) pour enfin voir l’arrivée, et ce derrière Diniz. Deux épreuves plus tard, en Grande-Bretagne, il parvient enfin à arracher un point qu’il doit à la casse moteur de Nakano à deux tours de la fin.
Personne ne s’attendait à une telle contre performance d’Arrows, surtout au vu des moyens mis en œuvre. La voiture est lente, peu fiable et Hill comme Diniz n’en tirent presque rien. L’Anglais ne compte qu’un seul point et le Brésilien n’a pas fait mieux que huitième au Canada. Le moteur Yamaha est en fin de compte une véritable calamité, mais cette course en Hongrie va rester dans les mémoires pour son déroulement aussi inattendu que son final crève-cœur.
Sur le tourniquet du Hungaroring, ce sont les deux prétendants au titre qui donnent le ton. Michael Schumacher signe la pole devant Jacques Villeneuve… et Damon Hill, qui est à seulement 372 millièmes de la pole ! Une véritable résurrection pour l’Anglais, qui espère cependant confirmer ce superbe exploit en course. Diniz lui reste dans ses standards et se qualifie 19ème, à deux secondes de Hill.
Le départ est alors donné, Villeneuve se loupe et perd plusieurs places, tandis que Schumacher est en tête devant Hill, qui se sent pousser des ailes à jouer de nouveau aux avant-postes et Irvine. Le Canadien de Williams n’est que cinquième, mais la situation évolue rapidement. La chaleur qui s’abat sur la Hongrie favorise les pneus Bridgestone, et l’Arrows de l’Anglais remonte sur la Ferrari de l’Allemand dont les Goodyear sont en souffrance. La jonction se fait alors, et dans le 11ème tour Hill se jette dans le premier virage… et prend la tête des opérations ! Le fils de Graham se retrouve enfin à sa place et s’envole rapidement, à la stupeur générale quand on voit ce que l’Arrows A18 a démontré jusqu’ici…
Derrière lui, les Ferrari et Häkkinen dégringolent au classement. Les monoplaces italiennes doivent basculer sur une autre stratégie à cause de leurs gommes inefficaces alors que le Finlandais doit abandonner sur casse mécanique. Les Williams de Villeneuve et Frentzen semblent être les seules à pouvoir contester la domination de la monoplace anglaise, mais elles se retrouvent en bataille avec la McLaren survivante de Coulthard.
Hill ne lâche la tête que pendant quelques tours vers la mi-course au gré des arrêts aux stands. Il est littéralement en état de grâce et rien ni personne ne semble pouvoir lui enlever cette victoire. Il semblerait que tout le potentiel de cette voiture soit enfin dévoilé après dix courses de galère et que la fin de saison pourrait être plus brillante. Après 208 Grands Prix, Arrows tient là sa première victoire, surtout qu’à trois tours du but Hill mène avec 35 secondes d’avance sur Villeneuve !
L’histoire devait être trop belle pour connaître un réel happy ending. Alors que tout le monde voit Damon Hill offrir sa première victoire à Arrows, sa voiture se retrouve brutalement au ralenti dans le 75ème tour ! Sa pompe hydraulique vient de le lâcher, et il se retrouve bloqué en troisième avec un accélérateur défectueux. Il tente malgré tout de rallier l’arrivée en vainqueur, mais derrière Villeneuve fond sur lui. Les 35 secondes ne seront pas suffisantes, et le Québécois passe dans le virage n°4, dans le dernier tour pour aller s’imposer.
C’est un véritable crève-cœur pour Arrows, qui n’a jamais été aussi proche de gagner en F1. Hill sauve les meubles en arrachant la deuxième place, mais elle a un goût terriblement amer quand on voit la course qu’il a mené. Leader pendant plus de 60 tours, il aura fallu un pépin mécanique pour le priver d’une victoire ô combien méritée. Cependant, il ne s’en offusque guère car il sait par où il en est passé avant ce podium inespéré, d’autant plus qu’il aurait pu abandonner avec cette panne.
Hélas, ce superbe podium ne sera qu’un feu de paille. Hill ne marque plus le moindre point de la saison malgré une quatrième place en qualifications en Europe (à 58 millièmes de Villeneuve, Schumacher et Frentzen qui signent au millième près le même temps !) et une septième place en Autriche. Diniz arrache ses seuls points de la saison au Luxembourg sur le Nürburgring en terminant cinquième, le meilleur résultat de sa carrière.
Cette saison 1997 d’Arrows est une véritable catastrophe. Le constat est terrible avec seulement neuf points marqués (dont six en Hongrie), 20 abandons et une incapacité chronique à régulièrement jouer les points. Les ambitions du début de saison ont été rapidement douchées, et Hill décide de quitter Arrows pour Jordan en 1998 tant la déception a été grande. Alors qu’il espérait faire jouer les premiers rôles à son écurie, il n’a pu le faire qu’en une seule occasion, le reste de la saison se résumant à de la déception et des casses mécaniques à répétition.
Ce podium, le premier de l’écurie depuis 1989 reste aussi son dernier. De retour dans le ventre mou du classement en 1998, jamais elle ne sera de nouveau à pareille fête qu’à l’occasion de ce Grand Prix de Hongrie 1997 avant de définitivement disparaître en cours de saison 2002. Sa dernière création, l’Arrows A23 fera cependant un retour inattendu en 2006, servant de base à la construction de la première Super Aguri.
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Pierre Laporte
Né avec le rêve de rejoindre Schumacher, Senna ou encore Prost au firmament de la Formule 1, aujourd'hui j'essaie de raconter leur histoire, ainsi que celle de tous les pilotes et de toutes les écuries qui ont fait, font et feront la légende d'un des plus beaux sports du monde.