Sept secondes dans la tête de Dorian Boccolacci au Red Bull Ring
Bourdais en Indycar, Senna en Formule 1 ou encore Jules Bianchi, ce sont les crashes qui ont pu impressionner, voire même marquer tout amateur de sport automobile. Ce sont également ceux qui ont que retient Dorian Boccolacci, pilote GP3 chez Trident. Le gagnant du dernier round 2017 et gagnant du trophée du crash de l’année revient sur celui qu’il a vécu au Red Bull Ring.
Tout pilote a connu des sorties de piste, certaines plus violentes que d’autres, cela fait partie de l’apprentissage et de la définition de ses propres limites mais également celles de la voiture. Un pilote apprend aussi au travers des sorties d’autres pilotes, il leur est impossible de rester indifférents.
« En tant que pilote, on ne pense pas trop à ça en fait, on essaye du moins… c’est difficile parce que ça nous rappelle que c’est un sport qui reste dangereux. Après, on est conscients de ça et c’est justement pour ça qu’on le fait, parce qu’il y a la vitesse et la part de risque qui est bien présente. Il faut être responsable, et personnellement, c’est ce qui fait que j’ai envie de faire ce sport, c’est parce que ce n’est pas aussi soft que du tennis ou du foot. Ce que je veux dire, c’est que dans ces sports, tu peux te faire mal mais les risques sur ta propre vie sont quand même moins importants. »
Le jeune français a connu plusieurs accidents dans sa carrière, mais celui qu’il a connu au Red Bull Ring cette saison, dépasse tous les autres. « Je dois bien avouer qu’après mon crash en Autriche, au final, les autres que j’ai pu connaitre auparavant deviennent d’un coup plutôt softs. » Et ce n’est pas peu dire : un vol plané et trois tonneaux au compteur, de quoi remettre les idées en place. Par chance, il s’en sort indemne.
« Malgré tout, ça permet de nous rendre compte que les voitures sont bien protégées, parce que je suis sorti indemne et moi-même de ma voiture. En même temps, je ne vais pas aller jusqu’à dire que je suis content d’avoir vécu ça mais au moins je me dis que j’ai fait un tonneau dans ma vie (rires). J’ai pu voir que ça ne m’a rien fait au final, ça me rassure pas mal: les voitures sont vraiment bien faites »
La sécurité du pilote et la solidité des voitures est le dossier numéro un sur les tables des organisateurs des divers championnats automobiles. Mais n’y aurait-il pas un revers de la médaille là-derrière ? Qui dit voitures plus solides, ne dirait-il pas plus de marge pour repousser encore plus loin les limites ? « Non, il ne faut surtout pas se dire ça. Evidemment, il faut pousser à la limite, c’est notre job. Après, il ne faut pas faire ça tout le week-end. Mais on sait, qu’au cas où, on est protégés. Mais on ne va pas se mentir, pendant le crash, à l’intérieur de la voiture, ça a tapé quand même assez fort et un tonneau ça marque… Tu n’es plus sur les quatre roues alors que tu as l’habitude de l’être, et si tu commences à avoir la tête en bas c’est qu’il y a un problème. » (rires)
« Sur le moment, on n’a pas vraiment le temps de penser. Juste attendre et essayer de se protéger. »
Sept secondes. C’est le temps qu’il a fallu à la voiture de Dorian pour décoller pour ensuite lourdement atterrir après trois tonneaux complets. Un timing qui donne à peine l’occasion de réaliser ce qu’il se passe. « Sur le coup, on n’a pas vraiment le temps de penser. Un fois que ça part, tu as juste le temps de te rendre compte que ce n’est pas normal et ensuite tu as dois attendre et te protéger. Tu ne sais pas trop ce qu’il t’arrive, ni ce que tu as fait. Quand je suis parti en tonneaux, je ne savais vraiment pas ce j’avais fait pour en arriver là. Je savais que j’étais en train de tourner mais c’est tout. Je ne me rendais pas compte non plus du côté impressionnant, parce que de l’intérieur tu ne le vis vraiment pas de la même façon. C’est seulement après, en revisionnant les images, que tu te rends vraiment compte de ce qu’il s’est passé. »
Sept secondes qui paraissent rapides à l’écran mais qui s’étirent en longues minutes dans le baquet. Le corps passe sur un mode réflexe, et pourtant, la conscience du pilote reste malgré tout présente.
« Mon cerveau ne s’éteint jamais (rires). En fait, quand tu commences à partir, tous tes muscles se contractent. Automatiquement, tu veux te protéger donc tu te mets en position boule, tu te contractes un maximum pour protéger toutes les vertèbres et les autres zones sensibles. Par contre, là où ton cerveau ne s’éteint pas justement, c’est qu’il ne faut surtout pas garder les mains sur le volant : je les ai tout de suite enlevées et je me suis accroché aux ceintures ou j’ai mis les mains près du corps, je ne sais plus trop. Après, tu n’as pas le choix que de juste attendre que ça passe et que ça se finisse. »
Une fois debout sur ses quatre roues, les premiers réflexes en tant que pilote commencent à se mettre en place. Un seul objectif reste présent: rassurer son entourage.
« Quelques secondes après mon atterrissage, c’est mon ingénieur qui m’a tout de suite parlé à la radio. Évidemment, la première chose qu’il m’a demandée c’est si j’allais bien. Je lui répondu que oui. Ensuite, la seule chose que je voulais, c’était de sortir de la voiture, surtout pour montrer que j’allais bien. On a conscience qu’on a l’équipe qui nous regarde à l’extérieur, la famille, les amis ou même les gens autour du circuit. Le reste, c’est secondaire. »
Pour Dorian, le visuel d’un crash joue beaucoup. Beaucoup sont impressionnants mais sans gravité. Un accident devient grave que lorsqu’il y a blessure physique. Il n’a d’ailleurs pas été touché plus que ça par sa sortie, une séance de kinésithérapie et d’ostéopathe ont suffi à le remettre sur pied, avec la même envie de remontrer dans sa voiture et d’aborder les virages de la piste. « Je suis directement remonté dans la voiture pour la course suivante et je n’ai eu aucun souci pour rouler. Dans ma tête, au niveau du mental, ça ne me fait rien du tout, après, il y a des pilotes pour qui ça touche plus. C’est clair que je ne tenterai certainement pas encore une fois la même que j’ai tenté juste avant l’accident, mais je passerais aussi vite qu’avant. Ça ne m’a pas tant marqué, je n’ai pas eu besoin de faire un travail mental à faire sur moi-même. »
Angélique Belokopytov